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02/11/2005 | FRANCE | N°04-86607

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 02 novembre 2005, 04-86607


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le deux novembre deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller PALISSE, les observations de la société civile professionnelle VIER, BARTHELEMY et MATUCHANSKY, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRECHEDE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Jerôme,

contre l'arrêt de la cour d'appel de NIMES, chambre correctionnelle, en date du 21 septembre 2004, qui, dans la p

rocédure suivie contre lui des chefs d'incendie volontaire et tentative d'escroquerie,...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le deux novembre deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller PALISSE, les observations de la société civile professionnelle VIER, BARTHELEMY et MATUCHANSKY, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRECHEDE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Jerôme,

contre l'arrêt de la cour d'appel de NIMES, chambre correctionnelle, en date du 21 septembre 2004, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs d'incendie volontaire et tentative d'escroquerie, a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1382 du Code civil, 2, 3, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale et défaut de réponse à conclusions ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Jérôme X... à payer à la partie civile la somme de 12 935 euros en réparation, du préjudice matériel, la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts et une somme de 1 000 euros au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

"aux motifs que les demandes initiales de la partie civile portaient sur 12 935,44 euros en réparation du préjudice matériel, 5 000 euros de " dommages-intérêts ", 1 500 euros enfin au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ; que de la sorte il s'avère que les deux premiers postes ont été regroupés et arrondis de 17 935 à 17 000 euros ; qu'il importe de distinguer, qu'en effet la somme de 12 935,44 euros correspond au total des facturations acquittées des frais et notes d'honoraires supportés par la partie civile consécutivement aux agissements de Jérôme X... convaincu de tentative d'escroquerie au détriment de la Marf, telle qualification ayant contraint la partie civile à engager de multiples dépenses d'experts dans plusieurs domaines, de suivi procédural, de constats et d'assistance ; que de telles dépenses, détaillées et justifiées pièces à l'appui, TVA incluse et acquittée par la partie civile, doivent être regardées comme étant en relation de causalité avec la nature particulière des faits commis par l'appelant, impliquant de multiples vérifications et mesures pour la préservation et l'exercice de ses droits par la plaignante ; qu'en conséquence la somme de 12 935 euros apparaît due en réparation du préjudice matériel ; par contre, que l'octroi d'un forfait de 5 000 euros apparaît d'autant plus excessif qu'aucune précision n'est apportée aux motifs de la décision critiquée ; qu'une qualification de préjudice moral peut prospérer en l'espèce, s'agissant d'une mutuelle d'assurance ayant fait l'objet d'une importante tentative d'escroquerie ; qu'en conséquence ce chef de demande doit être ramené à de plus justes proportions, soit à 1 000 euros ; enfin que l'octroi de la somme de 1 000 euros au titre des frais non répétibles apparaît satisfactoire pour couvrir toute l'instance ;

"alors, d'une part, que si les juges du fond constatent l'existence du préjudice par la seule évaluation qu'ils en font, ils ne sont pas pour autant dispensés d'expliquer en quoi consiste le lien entre le préjudice qu'ils retiennent et le délit reproché au prévenu ;

qu'en expliquant pas en quoi le prétendu préjudice tiré des frais engagés pour la préservation et l'exercice des droits de la partie civile était lié à la tentative d'escroquerie reprochée au prévenu, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

"alors, d'autre part, que le montant des dommages-intérêts versés à la partie civile doit correspondre aux pertes directement causées par les agissements dont le prévenu a été déclaré coupable ; que le demandeur faisait valoir qu'un certain nombre de factures correspondaient à des dépenses qui n'avaient aucun lien avec les agissements reprochés au prévenu ; qu'en affirmant de manière générale que les dépenses exposées par la partie civile devaient être regardées comme étant en relation de causalité avec la nature particulière des faits commis par Jérôme X... sans préciser en quoi la facture de la SCP Gros Consolin, celles de Me Roumette et de la SCP Sarlin Chabaud, ainsi que les notes d'honoraires du docteur Y... étaient liées à la tentative d'escroquerie reprochée à Jérôme X..., la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des exigences des textes visés au moyen ;

"alors, de troisième part, que les frais exposés par la partie civile en vue d'obtenir la réparation de son préjudice, non compris dans les dépens, ne peuvent être mis à la charge de l'auteur de l'infraction que sur le fondement exclusif de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, les sommes allouées à ce titre ne présentant pas le caractère de dommages-intérêts ; que, dès lors, en allouant à la partie civile, à titre de dommages-intérêts une somme correspondant au moins pour partie aux frais et honoraires d'avocat exposés par celle-ci, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"alors, de quatrième part, que l'indemnité allouée à la victime ne doit ni lui procurer un enrichissement ni lui causer un appauvrissement ; que Jérôme X... faisait valoir que la compagnie Marf Assurance Mutuelle avait liquidé son prétendu préjudice matériel " TTC " alors qu'assujettie à la TVA, elle ne pouvait réclamer qu'un montant en valeur " HT ", sauf à s'enrichir ;

qu'en délaissant totalement ces conclusions et en procurant ainsi un enrichissement à la Marf, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen" ;

Vu l'article 2 du Code de procédure pénale ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que l'action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention n'est recevable que si le dommage a été causé directement par l'infraction ;

Attendu que, pour condamner Jérôme X..., déclaré coupable de tentative d'escroquerie, à payer à la société mutuelle de l'Allier et des régions françaises la somme de 12 935 euros en réparation du préjudice matériel, l'arrêt attaqué, après avoir constaté que la partie civile avait engagé "de multiples dépenses d'experts dans plusieurs domaines de suivi procédural, de constats et d'assistance", relève que ces dépenses "doivent être regardées comme étant en relation de causalité avec la nature particulière des faits" ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que les frais retenus, s'ils entrent dans les prévisions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, ne sont pas la conséquence directe de l'infraction poursuivie, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Nîmes, en date du 21 septembre 2004, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Nîmes et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Palisse conseiller rapporteur, M. Farge conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Lambert ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 04-86607
Date de la décision : 02/11/2005
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

FRAIS ET DEPENS - Condamnation - Frais non recouvrables - Article 475-1 du code de procédure pénale - Domaine d'application

ACTION CIVILE - Préjudice - Préjudice direct - Tentative d'escroquerie - Frais d'expert, de constat, d'assistance et de "suivi procédural" (non)

Si des frais d'expert, de constat, d'assistance et de "suivi procédural", engagés par une partie civile victime d'une tentative d'escroquerie, entrent dans les prévisions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, ils ne sont pas la conséquence directe de l'infraction et ne peuvent donner lieu à condamnation à des dommages-intérêts


Références :

Code de procédure pénale 2, 475-1

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 21 septembre 2004


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 02 nov. 2005, pourvoi n°04-86607, Bull. crim. criminel 2005, n° 272, p. 947
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2005, n° 272, p. 947

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Fréchède
Rapporteur ?: M. Palisse
Avocat(s) : SCP Vier, Barthélemy et Matuchansky

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:04.86607
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