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25/10/2005 | FRANCE | N°04-82400

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 25 octobre 2005, 04-82400


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-cinq octobre deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire VALAT, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Stéphane,

- Y... Alexandre,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'ANGERS, chambre correctionnelle, en dat

e du 18 mars 2004, qui, pour provocation à l'usage de stupéfiants, les a condamnés chacun à 3 ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-cinq octobre deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire VALAT, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Stéphane,

- Y... Alexandre,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'ANGERS, chambre correctionnelle, en date du 18 mars 2004, qui, pour provocation à l'usage de stupéfiants, les a condamnés chacun à 3 mois d'emprisonnement avec sursis et 1 000 euros d'amende ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 12 du traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté Européenne, L. 3421-1, L. 3421-4 et L. 5132-7 du Code de la santé publique, 1er de l'arrêté ministériel du 22 février 1990, 42, 43, 53 de la loi du 29 juillet 1881, 121-6 et 121-7 du Code pénal, 388, 390-1, 591 à 593 du Code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense et du principe de non-discrimination ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Stéphane X... et Alexandre Y... coupables comme auteurs principaux du délit de provocation à l'usage de stupéfiants et en répression les a condamnés chacun à trois mois d'emprisonnement avec sursis et 1 000 euros d'amende ;

"aux motifs que l'article L. 3421-4 du Code pénal (sic) qui incrimine la provocation à l'usage de stupéfiants dispose en son dernier alinéa que lorsque l'infraction est commise par voie de presse, les dispositions particulières des lois qui régissent la presse sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables ; que l'article 42 de la loi du 29 juillet 1881 précise que peuvent être poursuivis les directeurs de publication, à leur défaut, les auteurs, à leur défaut, les imprimeurs, à leur défaut, les vendeurs, distributeurs et afficheurs ; que, toutefois, cette disposition n'est pas applicable lorsqu'il s'agit de journaux imprimés ou publiés dans un pays étranger, les personnes qui ont distribué ou vendu le journal en France pouvant alors être poursuivies comme auteur principal du délit ; que tel est le cas en l'espèce ; que, sur l'élément intentionnel, la Cour relève que l'utilisation par les prévenus, comme enseigne du magasin, de trois lettres de l'alphabet qui sont aussi le principe actif du cannabis et leur décision d'insérer de la publicité dans ce journal démontrent qu'ils ont agi en pleine connaissance de cause, contrairement à ce qu'ils prétendent ;

"1 ) alors que, l'article L. 3421-4 du Code de la santé publique prévoit que lorsque le délit de provocation à l'usage illicite de stupéfiants est commis par voie de la presse écrite ou, audiovisuelle, la responsabilité en cascade prévue par l'article 42 de la loi du 29 juillet 1881 doit s'appliquer ; que la responsabilité subsidiaire ne peut s'appliquer que si le directeur de publication ou l'éditeur est resté inconnu ou est décédé avant la publication de l'écrit litigieux ; qu'en l'espèce, le directeur de publication de Soft Secret français, Z...
A..., était parfaitement identifié à l'intérieur du magazine, ainsi que son adresse, boîte postale ..., Pays-Bas ; qu'ainsi, l'arrêt attaqué aurait dû reconnaître la nullité des poursuites exercées directement et uniquement à l'encontre des distributeurs français ;

"2 ) alors qu'en refusant d'appliquer l'article 42 de la loi du 29 juillet 1881 à un journal édité et publié à l'étranger, dont le directeur de publication était parfaitement identifié ainsi que son adresse, située dans un pays de l'Union européenne à l'intérieur de l'espace Schengen, et avait clairement exprimé sa volonté de diffuser le journal en France, la cour d'appel a ajouté aux textes applicables une condition discriminatoire illégale ;

"3 ) alors que, quel que soit le mode de responsabilité retenu, les co-gérants du magasin THC, qui se sont contentés de proposer un journal gratuit, dont ils n'étaient ni les directeurs de publications ou éditeurs, ni les auteurs, par ailleurs parfaitement identifiés à l'intérieur du journal, ne pouvaient pas être condamnés comme auteurs principaux du délit reproché ; qu'en ne caractérisant pas les éléments constitutifs de la complicité, seul fondement envisageable, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

"4 ) alors qu'en matière d'infraction effectuée par voie de presse, les juridictions n'ont pas le pouvoir de requalifier les faits tels qu'ils résultent de l'acte de poursuite ; que, dès lors, que la convocation par officier de police judiciaire avait qualifié les faits incriminés de provocation à l'usage de stupéfiants, toute requalification en complicité de ce même délit était interdite à la cour d'appel ; que celle-ci a excédé ses pouvoirs et violé les articles 390-1 du Code de procédure pénale, 42, 43 et 53 de la loi du 29 juillet 1881 ;

"5 ) alors que, s'il appartient aux juges répressifs de restituer aux faits dont ils sont saisis leur véritable qualification, et s'ils le peuvent, c'est à la condition que le prévenu ait été mis en mesure de présenter sa défense sur la nouvelle qualification envisagée ; qu'en l'espèce, Stéphane X... et Alexandre Y... ont été poursuivis et condamnés en tant qu'auteurs principaux du délit de provocation à l'usage de stupéfiants ; qu'ainsi, dès lors qu'ils n'ont pas pu s'expliquer sur les éléments constitutifs de la complicité, qui est une modification substantielle de la qualification, la cassation s'impose ;

"6 ) alors que, les articles L. 3421-1 et L. 3421-4 incriminent le fait de provoquer à l'usage illicite de stupéfiants ; que, faute d'avoir constaté le caractère illicite de l'usage de stupéfiants auquel Stéphane X... et Alexandre Y... auraient provoqué, la décision de la cour d'appel est dépourvue de toute base légale au regard des textes susvisés" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Stéphane X... et Alexandre Y..., cogérants d'une société exploitant un magasin à l'enseigne de THC (Tout pour l'horticulture contrôlée) sont poursuivis du chef de provocation à l'usage de produits stupéfiants pour avoir distribué à des tiers une revue, publiée à l'étranger, vantant les bienfaits du cannabis ;

Attendu que les prévenus ont conclu à leur relaxe en soutenant que seuls pouvaient être poursuivis le directeur de la publication et l'éditeur, dont l'identité et l'adresse, à Anvers, étaient connus du ministère public ;

Attendu que, pour écarter cette argumentation, l'arrêt attaqué retient que les dispositions de l'article 42 de la loi du 29 juillet 1881, auquel renvoie l'article L. 3421-4 du Code de la santé publique, ne sont pas applicables lorsqu'il s'agit de journaux imprimés et publiés à l'étranger ; que les juges en déduisent qu'ayant distribué la revue incriminée incitant à l'usage du cannabis, les prévenus peuvent être poursuivis comme auteur principal du délit ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision ;

Qu'en effet, la responsabilité en cascade, prévue par l'article 42 de la loi du 29 juillet 1881, ne s'applique que lorsque le journal est imprimé et publié en France ;

D'où il suit que le moyen, inopérant pour le surplus, ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Valat conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 04-82400
Date de la décision : 25/10/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

PRESSE - Responsabilité pénale - Auteur - Article 42 de la loi du 29 juillet 1881 - Domaine d'application - Exclusion - Cas - Journal publié à l'étranger.

La responsabilité en cascade prévue par l'article 42 de la loi du 29 juillet 1881, auquel renvoie l'article L. 3421-4 du Code de la santé publique, ne s'applique que lorsque le journal est imprimé et publié en France. Justifie dès lors sa décision l'arrêt qui, pour condamner comme auteurs principaux les personnes distribuant, en France, un journal publié à l'étranger, vantant les bienfaits du cannabis, écarte l'argumentation selon laquelle le directeur de la publication et l'éditeur domiciliés en Belgique pouvaient seuls être poursuivis.


Références :

Code de la santé publique L3421-4
Loi du 29 juillet 1881 art. 42

Décision attaquée : Cour d'appel d'Angers, 18 mars 2004

Dans le même sens que : Chambre criminelle, 1908-04-30, Bulletin criminel 1908, n° 171 (2), p. 305 (cassation)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 25 oct. 2005, pourvoi n°04-82400, Bull. crim. criminel 2005 N° 266 p. 928
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2005 N° 266 p. 928

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Davenas.
Rapporteur ?: M. Valat.
Avocat(s) : la SCP Waquet, Farge et Hazan.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:04.82400
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