AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué et les productions, que, victime d'un accident de la circulation en Bosnie-Herzégovine alors qu'elle était passagère d'un véhicule appartenant à l' association humanitaire Architectes et ingénieurs du monde (AIM), entré en collision avec un véhicule de l'armée bosniaque, Mlle X..., ainsi que ses parents et frères, ont saisi la commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI) afin d'obtenir l'indemnisation des préjudices subis ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Mlle X... fait grief à l'arrêt de ne lui avoir alloué que certaines sommes au titre des arrérages futurs de la rente annuelle viagère tierce personne et au titre des arrérages échus de ladite rente du 24 juillet 1998 au 31 décembre 2002, alors, selon le moyen, que M. X..., ès qualités de curateur de sa fille, soutenait qu'elle ne pouvait être laissée seule même la nuit ; que les experts eux-mêmes avaient estimé que l'intéressée ne pourrait jamais bénéficier d'un autonomie suffisante pour vivre seule et qu'elle devait être assistée pour tous les actes de la vie quotidienne ; que la cour d'appel reconnaît que Mlle X... doit bénéficier d'une surveillance indispensable ; qu'en estimant cependant que l'assistance tierce personne devait être limitée à 12 heures motif pris que selon les experts, "les nuits se passaient habituellement sans problème", la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que le moyen ne tend qu'à remettre en discussion devant la Cour de Cassation l'appréciation souveraine par la cour d'appel de la durée nécessaire de l'assistance d'une tierce personne ;
Mais sur le deuxième moyen :
Vu l'article 706-9 du Code de procédure pénale ;
Attendu que pour évaluer le préjudice soumis à recours de Mlle X... après déduction de la somme versée par la société CHUBB France, assureur de l'AIM, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que ni la perception d'une indemnisation au titre d'un contrat d'assurance de personne ni la prédétermination en fonction du taux d'incapacité fonctionnelle du capital versé à la victime par la société CHUBB au titre de ce contrat d'assurance ne sauraient à elles seules faire obstacle à la qualification indemnitaire du capital reçu ; que ce même caractère indemnitaire, au sens de l'article susvisé, ne saurait être automatiquement exclu au seul motif que la police souscrite et financée par un tiers, ne se prévaudrait pas des dispositions de l'article L. 211-25 du Code des assurances ; qu'en effet le souci d'éviter une double indemnisation des victimes d'infraction à raison de la subsidiarité de la solidarité nationale qui s'exprime dans un mode de réparation autonome répondant à des règles qui lui sont propres, se révèle distinct des conditions exhaustives d'admission des recours de tiers payeurs contre les personnes tenues à réparation d'un dommage résultant d'une atteinte à la personne énoncées dans le dernier article visé ; que le versement du capital d'assurance ne relève pas d'une opération de capitalisation ou prévoyance effectuée par la victime elle-même, simple bénéficiaire de la garantie souscrite ; qu'il n'est pas fait état de préjudices personnels échappant à la compétence de la CIVI et demeurant non indemnisés que le capital aurait eu pour but ou pour résultat de compenser ; qu'il résulte dès lors des documents produits par les parties que la somme de 800 000 francs au titre de la garantie accidents corporels contractée auprès de la CHUBB France par l'association humanitaire dans le véhicule de laquelle était passagère Mlle X..., doit être intégralement déduite de la réparation ci-dessus arrêtée ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait du contrat d'assurance régulièrement produit aux débats que la somme versée à la victime, fonction d'un capital fixé aux conditions particulières affecté d'un pourcentage résultant d'un barème de référence, était indépendante dans ses modalités de calcul et d'attribution de celles de la réparation du préjudice selon le droit commun et, par suite, revêtait un caractère nécessairement forfaitaire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le troisième moyen :
Vu l'article 706-3 du Code de procédure pénale ;
Attendu que ce texte pose, sous certaines conditions, le principe de la réparation intégrale des dommages résultant des atteintes à la personne ;
Attendu que pour débouter les ayants droit de Mlle X... de leur demande tendant à l'indemnisation du préjudice résultant des frais de déplacement supportés pour se rendre auprès de la victime hospitalisée, l'arrêt énonce que le règlement des frais de déplacements n'est pas prévu par l'article 706-3 susvisé ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher si les suites de l'accident ne rendaient pas nécessaires en l'espèce les frais de déplacement exposés par les parents de la victime, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement sur le préjudice soumis à recours et sur le rejet de la demande d'indemnisation des frais de déplacement, l'arrêt rendu le 19 février 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
Dit que sur les diligences du Procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille cinq.