AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que la Caisse de garantie de l'immobilier FNAIM a mis à la retraite M. X..., délégué syndical et représentant élu du personnel après que le ministre du Travail, par une décision du 25 février 1994, a annulé la décision de refus de l'inspecteur du Travail au motif que la mise à la retraite, prévue par l'article L. 122-14-13 du Code du travail, était un mode autonome de rupture du contrat de travail échappant à la compétence de l'inspecteur du Travail ; que cette décision est devenue effective le 14 juin 1994 ; que le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du ministre du Travail par un jugement du 19 décembre 1995 notifié à M. X... le 8 février 1996 ; que ce dernier a sollicité sa réintégration par lettre du 21 février 1996 que l'employeur a refusée ; que l'intéressé a saisi la juridiction prud'homale le 18 mai 1998 de demandes tendant notamment à la réparation du préjudice subi pour licenciement non autorisé et en particulier au paiement d'une somme à titre de salaire du jour de son éviction au 30 décembre 2002, et en remboursement de frais de mutuelle ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir alloué une somme à M. X... à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de l'adhésion à une mutuelle, alors, selon le moyen :
1 / qu'un employeur n'a pas la charge des frais de mutuelle d'une personne qui n'est plus salariée de l'entreprise ; que la cour d'appel qui a constaté que M. X... n'a pas demandé en justice sa réintégration suite à la rupture de son contrat de travail n'était plus salarié ; qu'en condamnant néanmoins l'ancien employeur à lui payer des dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de l'adhésion de l'ancien salarié à une mutuelle après son éviction de l'entreprise, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, et a violé l'article L. 122-14-13 du Code du travail ;
2 / qu'aucune obligation d'adhérer à une mutuelle ne pèse sur un salarié mis à la retraite ; qu'en retenant que le salarié avait eu l'obligation d'adhérer à une mutuelle, sans caractériser la source de cette "obligation" pour condamner l'employeur à lui verser des dommages-intérêts correspondant aux cotisations supportées volontairement par l'ancien salarié, la cour d'appel a violé l'article L. 122-14-13 du Code du travail ;
Attendu que ce moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine du préjudice, qu'il ne peut dès lors être accueilli ;
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal :
Vu l'article L. 412-19, alinéa 3, du Code du travail ;
Attendu que pour allouer à M. X..., qui sollicitait le paiement des salaires depuis le jour de son éviction de la Caisse jusqu'au 30 décembre 2002, une somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice né de la violation du statut protecteur du salarié, la cour d'appel retient que, si la mise à la retraite était illicite en raison de l'absence d'autorisation de l'inspecteur du Travail et si le refus opposé par l'employeur à la demande de réintégration était illicite, le salarié n'a pas demandé en justice cette réintégration, si bien que la sanction de la méconnaissance du statut protecteur est constituée par une indemnité égale au montant de la rémunération qu'il aurait perçue depuis la date de son éviction jusqu'à la fin de la période de protection prévue par l'article L. 412-18, alinéa 4, du Code du travail, soit douze mois ;
Attendu, cependant, que lorsque l'autorité administrative a pris une décision d'incompétence pour statuer sur la demande d'autorisation de mise à la retraite d'un salarié protégé, seul le jugement du tribunal administratif annulant cette décision prive d'effet la décision de l'employeur et permet au salarié de solliciter sa réintégration ; que dans ce cas, les dispositions de l'article L. 412-19 du Code du travail sont applicables si bien que lorsque le salarié sollicite auprès de l'employeur sa réintégration, dans le délai de deux mois prévu par ce texte et y renonce ensuite, il a droit à une indemnité réparant le préjudice subi du jour de son éviction jusqu'à l'expiration du délai pour demander sa réintégration ; d'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen du pourvoi principal qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
REJETTE le pourvoi incident ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que l'arrêt de la cour d'appel de Paris a alloué à M. X... une somme de 27 505,77 euros au titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice né de la violation du statut protecteur du salarié, l'arrêt rendu le 23 mai 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la Caisse de garantie de l'immobilier FNAIM aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze octobre deux mille cinq.