AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu que, selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 octobre 2002), Mme X... et vingt autres salariés ou anciens salariés de la société Les Editions J'ai lu et le Syndicat CFDT livre-édition, qui estimaient que l'entreprise remplissait avant 1997 la condition d'effectif requise pour être assujettie à la participation, ont saisi le tribunal d'instance d'une demande tendant, s'agissant des salariés, à ce que la société ouvre, en application de l'article L. 442-12 du Code du travail, au nom de chacun d'eux un compte sur lequel seront portés leurs droits à participation pour la période de 1993 à 1996 et que les sommes qui auraient dues être distribuées portent intérêts au taux de 10 %, s'agissant du syndicat, à la condamnation de la société à lui payer des dommages-intérêts ;
Attendu que la société Les Editions J'ai lu fait grief à l'arrêt d'avoir fait droit aux prétentions des salariés et du syndicat, alors, selon le moyen :
1 / que si un accord de participation n'a pas été conclu dans le délai d'un an suivant la clôture de l'exercice au titre duquel sont nés les droits des salariés d'une entreprise, cette situation doit être constatée par l'inspecteur du travail ; que ce dernier régulièrement saisi par des salariés de la société des Editions J'ai lu et par celle-ci, n'a procédé à aucun constat ; que la cour d'appel de Paris en ne tirant aucune conséquence de cette absence de constat, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 442-12 du Code du travail ;
2 / qu'en toute hypothèse, si les salariés ont pu subir un préjudice en raison de l'absence d'accord de participation, ce dommage ne permettait pas nécessairement l'attribution de sommes portées sur des comptes courants mais se résolvait, comme toute inexécution contractuelle, en l'allocation de dommages-intérêts ; qu'en accordant aux salariés le plein de leurs requêtes, en prescrivant leur inscription sur des comptes courants, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 442-12 du Code du travail, 1147 du Code civil ;
3 / que la société des Editions J'ai lu avait nié le bien-fondé des demandes des salariés, ce qui impliquait la contestation de leurs modes de calcul et de leur montant ; qu'en ordonnant que les sommes réclamées soient portées sans aucune réserve sur des comptes courants, la cour de Paris a méconnu les conclusions de la société des Editions J'ai lu et violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
4 / que le taux d'intérêt affectant le montant de la réserve de la participation, fixé à l'origine à 10 %, a fait l'objet de réduction réglementaires ultérieures ; que ce taux est égal au taux moyen de rendement des obligations des sociétés privées publié par le ministre chargé de l'économie ; que la cour d'appel, en faisant abstraction de ces modifications et des données exactes de calcul, a violé l'article R. 442-23 du Code du travail ;
Mais attendu, d'abord, que l'absence de constat par l'inspecteur du travail du défaut de conclusion d'un contrat de participation dans le délai d'un an suivant la clôture de l'exercice au titre duquel sont nés les droits des salariés d'une entreprise ne prive pas ces derniers du droit de demander au juge de faire application du régime légal de participation prévu par l'article L. 442-12 du Code du travail lorsque les conditions de sa mise en oeuvre sont réunies ;
Attendu, ensuite, que, sans méconnaître les conclusions de la société Les éditions J'ai lu qui se bornaient à contester les prétentions des salariés sans dire en quoi le calcul des sommes devant leur être distribuées était erroné, la cour d'appel, qui n'était pas saisie d'une demande indemnitaire, a décidé à bon droit que les salariés devaient bénéficier du régime de participation prévu par l'article L. 442-12 du Code du travail et leur a attribué en conséquence les sommes auxquelles il leur ouvrait droit ;
Attendu, enfin, qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni de la procédure que la société Les Editions J'ai lu ait soutenu devant la cour d'appel que le taux d'intérêt de 10 % retenu par le premier juge n'était pas applicable ;
D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa quatrième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Les Editions J'ai lu aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Les Editions J'ai lu à payer aux salariés et au Syndicat CFDT livre édition la somme globale de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize septembre deux mille cinq.