AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le deux septembre deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire LEMOINE, les observations de la société civile professionnelle BACHELLIER et POTIER de la VARDE et de la société civile professionnelle LE BRET-DESACHE, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FINIELZ ;
Statuant sur les pourvois formés par :
- X... Claude,
- Y... Marleen, épouse X...,
contre l'arrêt de la cour d'assises de la NIEVRE, en date du 19 mai 2004, qui, pour viols aggravés, a condamné le premier à 10 ans de réclusion criminelle et 5 ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille et, la seconde, à 8 ans d'emprisonnement et 10 ans de suivi socio-judiciaire, ainsi que contre l'arrêt du même jour par lequel la Cour a prononcé sur les intérêts civils ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits ;
Sur le premier moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Le Bret-Desaché pour Claude X..., pris de la violation des articles 272, 276, 277, 376, 592 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que le procès-verbal des débats ne mentionne pas que les accusés ont été interrogés au moins cinq jours avant le début de l'audience par le président de la cour d'assises d'appel" ;
"alors que, l'interrogatoire préalable constitue une formalité obligatoire et substantielle dont l'omission entraîne la nullité des débats et de la condamnation prononcée ; que cette irrégularité est d'ordre public et échappe à toute forclusion" ;
Sur le premier moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Bachellier et Potier de la Varde pour Marleen Y..., épouse X..., pris de la violation des articles 272, 276, 277, 376, 592 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que le procès-verbal des débats ne mentionne pas que les accusés ont été interrogés au moins cinq jours avant le début de l'audience par le président de la cour d'assises d'appel ;
"alors que, l'interrogatoire préalable constitue une formalité obligatoire et substantielle dont l'omission entraîne la nullité des débats et de la condamnation prononcée ; que cette irrégularité est d'ordre public et échappe à toute forclusion" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte des articles 305-1 et 599, alinéa 2, du Code de procédure pénale que les accusés ne sont pas recevables à présenter comme moyen de cassation une nullité entachant la procédure qui précède l'ouverture des débats et qu'ils n'ont pas soulevée devant la cour d'assises dès la constitution définitive du jury de jugement ;
D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;
Mais sur le deuxième moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Le Bret-Desaché pour Claude X..., pris de la violation des articles 327, 592 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce qu'il résulte du procès-verbal des débats que le président a invité les demandeurs à écouter avec attention la lecture de l'ordonnance de mise en examen et de renvoi et que le greffier a procédé à cette lecture ainsi qu'aux questions auxquelles la cour d'assises de Bourges a eu à répondre et des condamnations prononcées par ladite Cour ;
"alors que, d'une part, en invitant les seuls demandeurs à écouter avec attention la lecture de l'ordonnance de mise en examen et de renvoi, des questions posées à la cour d'assises de Bourges ayant statué en premier ressort et des condamnations prononcées, le président de la cour d'assises a méconnu les exigences des dispositions de l'article 327 du Code de procédure pénale ; qu'ainsi la procédure est entachée de nullité ;
"alors que, d'autre part, il ne résulte d'aucune mention du procès-verbal des débats que le greffier ait également donné lecture des réponses faites aux questions par la cour d'assises de première instance, d'où il suit une violation de l'article 327 du Code de procédure pénale" ;
Et sur le second moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Bachellier et Potier de la Varde pour Marleen Y..., épouse X..., pris de la violation de l'article 327 du Code de procédure pénale ;
"en ce que qu'il ressort du procès-verbal des débats que le président a invité les accusés à écouter la lecture de l'ordonnance de mise en examen et de renvoi et s'est conformé aux dispositions de l'article 327 du Code de procédure pénale, puis que le greffier a procédé à cette lecture ainsi qu'aux questions auxquelles la cour d'assises de Bourges a eu à répondre et des condamnations prononcées par ladite cour d'assises ;
"alors que, suivant l'article 327 du Code de procédure pénale, le président invite l'accusé et les jurés à écouter la lecture, lorsque la cour d'assises statue en appel, des questions posées à la cour d'assises ayant statué en premier ressort, des réponses faites aux questions, de la décision et de la condamnation prononcée ;
qu'il ne résulte d'aucune mention du procès-verbal des débats que les jurés aient été invités à écouter la lecture qui a été faite, ni que le greffier ait donné lecture des réponses faites aux questions posées à la cour d'assises du Cher et de la décision prise par cette Cour" ;
Les moyens étant réunis ;
Vu l'article 327 du Code de procédure pénale ;
Attendu qu'aux termes de ce texte, le président invite l'accusé et les jurés à écouter avec attention la lecture de la décision de renvoi, ainsi que, lorsque la cour d'assises statue en appel, des questions posées à la cour d'assises ayant statué en premier ressort, des réponses faites aux questions, de la décision et de la condamnation prononcée ;
Attendu que le procès-verbal des débats énonce que le président a invité les accusés à écouter avec attention la lecture de l'ordonnance de mise en examen et de renvoi et s'est conformé aux dispositions de l'article 327 du Code de procédure pénale ; que le greffier a procédé à cette lecture ainsi qu'aux questions auxquelles la cour d'assises de première instance a eu à répondre et des condamnations prononcées par ladite cour d'assises ;
Mais attendu qu'il ne résulte d'aucune mention que le greffier ait également donné lecture des réponses faites aux questions posées à la cour d'assises ayant statué en premier ressort et de la décision prononcée ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Et sur le troisième moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Le Bret-Desaché pour Claude X..., pris de la violation des articles 348 et 351 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt a déclaré Claude X... coupable de viol sur mineur de quinze ans par personne ayant autorité et l'a condamné à une peine de 10 années de réclusion criminelle ainsi qu'à l'interdiction pour une durée de 5 ans des droits civiques, civils et de famille dont le condamné est titulaire ;
"alors que, selon les dispositions combinées des articles 348 et 351 du Code de procédure pénale s'il résulte des débats une qualification pénale autre que celle donnée par l'arrêt de renvoi, le président doit poser une ou plusieurs questions subsidiaires dont il est tenu de donner lecture, sauf si l'accusé ou son défenseur y renonce ; qu'en l'espèce, le procès-verbal des débats se borne à mentionner que le président a indiqué que les questions auxquelles la Cour et le jury auront à répondre sont conformes aux termes de l'ordonnance de renvoi et que seraient posées des questions subsidiaires d'agressions sexuelles concernant notamment Claude X... ; qu'il ne résulte pas de ces mentions que les questions subsidiaires, fussent-elles ultérieurement déclarées sans objet, aient été lues ou que le demandeur ou son défenseur ait renoncé à cette lecture ; que dès lors la procédure est entachée de nullité" ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que, selon les dispositions combinées de ces textes, s'il résulte des débats une qualification légale autre que celle donnée par la décision de mise en accusation, le président doit poser une ou plusieurs questions subsidiaires dont il est tenu de donner lecture, sauf si l'accusé ou son défenseur y renonce ;
Attendu, en l'espèce, qu'après que la Cour et le jury eurent répondu affirmativement aux huit questions principales portant sur la culpabilité de Claude X..., du chef de viols commis sur mineures de quinze ans par personne ayant autorité, seize questions subsidiaires relatives à la culpabilité de l'accusé, du chef d'agressions sexuelles commises sur mineures de quinze ans par personne ayant autorité, ont été déclarés sans objet ;
Attendu que le procès-verbal des débats mentionne que "le président a indiqué que les questions auxquelles la Cour et le jury auront à répondre sont conformes aux termes de l'ordonnance de renvoi" et qu'il a cependant indiqué que seraient posées des questions subsidiaires d'agressions sexuelles ;
Mais attendu qu'il ne résulte pas de cette mention que les questions subsidiaires, fussent-elles ultérieurement déclarées sans objet, aient été lues ou que l'accusé ou son défenseur aient renoncé à cette lecture ;
D'où il suit que la cassation est, à nouveau, encourue de ce chef ;
Par ces motifs,
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'assises de la Nièvre, en date du 19 mai 2004, ensemble la déclaration de la Cour et du jury et les débats qui l'ont précédée ;
CASSE et ANNULE, par voie de conséquence, l'arrêt du même jour par lequel la Cour a prononcé sur les intérêts civils ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'assises de l'Yonne, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'assises de la Nièvre et sa mention en marge ou à la suite des arrêts annulés ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Lemoine conseiller rapporteur, MM. Le Gall, Pelletier, Mme Ponroy, M. Arnould, Mme Koering-Joulin, M. Corneloup conseillers de la chambre, M. Sassoust, Mme Caron conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Finielz ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;