AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, après avis donné par la Chambre commerciale :
Vu les articles L. 121-10 du Code des assurances et L. 621-88 du Code de commerce ;
Attendu, selon le premier de ces textes, qu'en cas de décès de l'assuré ou d'aliénation de la chose assurée, l'assurance continue de plein droit au profit de l'héritier ou de l'acquéreur, à charge par celui-ci d'exécuter toutes les obligations dont l'assuré était tenu vis-à-vis de l'assureur en vertu du contrat ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société René Clément, qui avait souscrit auprès de la société Azur assurances une police "multirisques industriels", a été mise en redressement judiciaire, puis cédée, dans le cadre d'un plan de cession arrêté par jugement du tribunal de commerce de Pontoise en date du 16 avril 1999, à la société René Clément technologies ; que la société Azur assurances a assigné la société cessionnaire, elle-même placée en redressement judiciaire, afin de voir inscrire au passif la créance correspondant aux primes d'assurance dues pour la période comprise entre le 16 avril et le 30 août 1999 ;
Attendu que, pour débouter la société Azur assurances de sa demande, l'arrêt retient que l'article L. 121-10 du Code des assurances ne prévoit le transfert automatique d'un contrat d'assurance qu'en cas de décès de l'assuré ou d'aliénation de la chose assurée ; que cette disposition constitue une exception au principe de l'effet relatif des contrats et doit être interprétée strictement ; que la cession d'une entreprise dans le cadre d'une procédure de redressement judiciaire, qui obéit aux dispositions d'ordre public des articles L. 621-83 et suivants du Code de commerce, ne saurait être qualifiée d'aliénation de la chose assurée ; qu'il en résulte que l'article L. 121-10 n'est pas applicable à l'espèce ; que de surcroît, aucune disposition du Code des assurances ne précise que les contrats doivent être automatiquement continués en cas d'adoption par le tribunal d'un plan de cession ; qu'il appartenait au Tribunal, en application de l'article L. 621-88 du Code du commerce, de déterminer si ladite police était nécessaire au maintien de l'activité et de prévoir expressément sa cession le cas échéant ; que le plan de cession adopté par le tribunal de commerce de Pontoise ne fait pas état de la cession de ladite police ; qu'il en résulte qu'elle n'a pas été transmise à la société René Clément technologies ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'article L. 121-10 du Code des assurances ne distingue pas selon le mode d'aliénation de la chose assurée et que la transmission du contrat d'assurance accessoirement à la cession d'un actif s'effectuant de plein droit, les dispositions de l'article L. 621-88 du Code de commerce étaient sans application, la cour d'appel a violé ces textes ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 novembre 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne la société René Clément technologies, MM. X... et Y..., ès qualités, aux dépens ;
Dit que sur les diligences du Procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize juillet deux mille cinq.