AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 mars 2002), que la société Socinter a chargé la société Danzas, commissionnaire en douane, de procéder aux formalités douanières d'exportation de viande bovine à destination de la Bulgarie; qu'elle a fait assigner cette société devant le tribunal de commerce au motif qu'elle n'avait pas régulièrement établi les documents d'exportation des marchandises, au cours du mois d'octobre 1993, la privant des restitutions à l'exportation auxquelles elle estimait avoir droit ;
Attendu que la société Socinter reproche à l'arrêt d'avoir dit que le commissionnaire en douane n'avait commis aucune faute à l'origine de son préjudice et rejeté ses demandes, alors, selon le moyen :
1 ) que le commissionnaire agréé en douane est tenu de connaître l'ensemble des réglementations relatives aux mentions figurant sur les documents douaniers qu'il est chargé de remplir pour le compte de son client ; qu'il doit notamment vérifier si l'exportation du produit qui lui est confié permet l'obtention de restitutions communautaires dès lors que ces aides sont subordonnées, notamment, à l'apposition de la mention "AFD" (Aide FEOGA Demandée) sur le document douanier EX1 ; qu'en décidant cependant que le commissionnaire agréé en douane n'avait commis aucune faute au motif que les conditions d'octroi des restitutions communautaires n'entraient pas dans les attributions spécifiques de son activité, la cour d'appel a violé l'article 5 de l'arrêté du 24 décembre 1986 ainsi que les articles 1991 et suivants du Code civil ;
2 ) qu'en tout état de cause, que le commissionnaire agréé en douane a l'obligation de s'informer sur les spécificités du produit exporté afin de porter sur les déclarations douanières les mentions permettant à son client de bénéficier des aides, primes ou déductions de droits résultant de ces spécificités ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme il lui était demandé, si le commissionnaire agréé en douanes n'aurait pas dû interroger son client sur les spécificités du produit et sur les aides qu'il entendait obtenir, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 5 de l'arrêté du 24 décembre 1986 et des articles 1991 et suivants du Code civil ;
3 ) que pour écarter toute faute du commissionnaire agréé en douane, la cour d'appel a retenu que l'expéditeur n'avait pas explicitement requis que la mention "AFD" soit portée sur les documents douaniers ; qu'en statuant ainsi sans rechercher, comme il lui était demandé, si, compte tenu des circonstances particulières de l'espèce, la nécessité d'indiquer la mention "AFD" sur le document douanier ne résultait pas nécessairement des indications précises données par l'expéditeur quant à la nature de la marchandise exportée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 5 de l'arrêté du 24 décembre 1986 et des articles 1991 et suivants du Code civil ;
4 ) que l'expéditeur faisait valoir que le commissionnaire agréé en douane avait commis une erreur quant à la position tarifaire du produit exporté et que l'absence d'apposition de la mention "AFD" sur le document douanier EX1 n'était que la conséquence de cette erreur originelle (conclusions d'appel de la société Socinter, p. 11 et 12) ; qu'en s'abstenant de répondre à cette argumentation, la cour d'appel a méconnu les exigences des articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'il résulte de l'article 5 de l'arrêté du 24 décembre 1986 relatif aux personnes habilitées à déclarer les marchandises en détail et à l'exercice de la profession de commissionnaire en douane, alors applicable, que le commissionnaire agréé en douane accomplit pour autrui les formalités de douane concernant la déclaration en détail des marchandises; qu'après avoir constaté que la société exportatrice n'avait pas informé la société Danzas, au moment de l'expédition des marchandises, que leur exportation pouvait être assortie du bénéfice de restitutions à l'exportation, ni requis de sa part qu'elle porte la mention "AFD" (Aide FEOGA Demandée) sur le document douanier et que la société Danzas avait, pour le surplus, accompli sa mission, la cour d'appel a retenu à bon droit, sans être tenue de procéder à la recherche visée par les deuxième et troisième branches, que ses énonciations et constatations rendaient inopérantes, qu'en ne portant pas la mention "AFD" sur le document douanier, la société Danzas n'avait pas manqué à son obligation de conseil, dès lors que, sauf instruction de son client, l'accomplissement de cette formalité permettant l'attribution des aides communautaires à l'exportation en matière agricole n'entre pas dans la mission du commissionnaire en douane ;
Attendu, en second lieu, qu'en retenant que les instructions insuffisantes de la société exportatrice quant à la nécessité de porter la mention "AFD" sur le document douanier ont suffi, à elles seules, à la priver du bénéfice des restitutions à l'exportation sans que les imprécisions dont la société Danzas était l'auteur puissent être considérées comme étant à l'origine de cette situation, la cour d'appel a répondu aux conclusions invoquées ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Socinter aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Socinter ; la condamne à payer à la société Danzas la somme de 2 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille cinq.