AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Joint les pourvois n° H 04-17663 et M 04-18403 ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 22 juin 2004) et les productions, que Sébastien X..., né en 1990, qui vivait en Meurthe-et-Moselle chez ses grands-parents maternels, depuis l'âge de quatre ans, après la séparation de ses parents, a été confié en 2002 à son père par un juge des enfants de Briey ; que le 4 juillet 2003, Mme Y..., juge des enfants à Nanterre, après avoir entendu le père, l'enfant, le conseil de Sébastien et les grand-parents, assistés de leur conseil, a institué une mesure d'assistance éducative en milieu ouvert au profit de l'enfant et a chargé l'Oeuvre de secours aux enfants (l'OSE) de cette mesure ; que par ordonnance du 19 décembre 2003, Mme Z...
A..., substituant Mme Y..., a confié provisoirement Sébastien X... au service de placement de l'OSE et a suspendu le droit de visite et d'hébergement de la mère ; que le 30 décembre 2003, Mme Y... a ordonné le placement de l'enfant à l'OSE ; que par jugement du 25 juin 2004, Mme Y... a ordonné le maintien du placement de Sébastien à l'OSE, suspendu le droit d'hébergement des père, mère et grands-parents auxquels un droit de visite mensuel avait été accordé, dit que l'enfant correspondrait avec ses grands-parents maternels par lettre et maintenu secret le lieu du placement ; que la mère de Sébastien et sa grand-mère, Mme B... ont interjeté appel du jugement, l'affaire étant actuellement pendante devant la chambre spéciale de la cour d'appel de Versailles ; que le 10 juin 2004, Mme B... a déposé au greffe du tribunal pour enfants une demande de récusation de Mme Y... qui a été transmise à la cour d'appel de Versailles ;
Attendu que Mme B... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande de récusation alors, selon le moyen :
1 / que justifie la récusation, outre les cas de l'article 341 du nouveau Code de procédure civile et notamment son hostilité à une partie, la partialité du juge qu'elle soit appréciée objectivement ou subjectivement ; que la cour d'appel, qui n'a pas recherché si la conjonction des décisions prises par le magistrat - systématiquement défavorables à Mme B..., contraires aux souhaits manifestes de l'enfant et toujours favorables au père -, du fait qu'elle refuse ou omet de prendre en considération certains éléments qui auraient dû la conduire à modifier sa position, de ce que ses rapports avec Mme B... et l'enfant ont toujours été conflictuels et de ce que dans sa décision du 30 décembre 2003, elle fait état d'un contrôle judiciaire de Mme B... qui n'était pas effectif à cette date, ne démontrait pas l'inimitié notoire et la partialité objective du juge, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 341 du nouveau Code de procédure civile, ensemble l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2 / que l'intérêt supérieur de l'enfant doit présider aux décisions concernant sa situation et le traitement de celle-ci ; que l'obstination du magistrat, qui ne prend pas en considération les souhaits de l'enfant et dont les rapports avec l'enfant sont éminemment conflictuels, ne peut qu'être, compte tenu de la situation psychologique, récusé et dessaisi ; qu'en décidant l'inverse, et en se contentant d'analyser la partialité du juge envers Mme B... et son inimitié pour cette dernière, sans prendre en considération l'intérêt supérieur de l'enfant, la cour d'appel a violé l'article 341 du nouveau Code de procédure civile, ensemble l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3 de la Convention sur les droits de l'enfant du 20 novembre 1989 ;
3 / que la cour d'appel, qui n'a pas, compte tenu du contexte, mis en demeure le magistrat de produire des observations, afin de rétablir l'égalité des armes dans une matière où la preuve est par nature difficile, a violé l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel qui, recherchant l'existence d'une éventuelle cause de récusation et prenant ainsi en compte l'intérêt supérieur de l'enfant, a retenu qu'il ne résultait ni de la requête ni des pièces produites l'inimitié notoire alléguée du magistrat désigné dans la demande de récusation à l'égard de la requérante ou des éléments de nature à faire peser sur ce magistrat un soupçon légitime de partialité ;
Et attendu que la procédure de récusation, qui ne porte pas sur le bien-fondé d'une accusation en matière pénale et ne concerne pas une contestation sur un droit ou une obligation de caractère civil, n'entre pas dans le champ d'application de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne Mme B... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de Mme B... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept juillet deux mille cinq.