AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé le divorce à ses torts exclusifs, alors, selon le moyen, qu'il avait expressément exposé dans ses conclusions que les personnes qui avaient rédigé les attestations ne fréquentaient pas la famille et étaient des occasionnels incapables de discerner les intérêts de cette famille, que M. Y... n'était pas présent à Rocroi et n'était pas témoin direct des faits et que les témoins de Mme X... ne fréquentaient pas leur famille et n'étaient témoins directs d'aucun fait grave et renouvelé (conclusions récapitulatives du 17 avril 2003) ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a, par une décision motivée, considéré que les faits retenus contre l'époux constituaient une violation grave et renouvelée des devoirs et obligations du mariage et prononcé le divorce à ses torts exclusifs ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur les première et troisième branches du second moyen :
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que M. X... versera à sa femme une prestation compensatoire payable par l'abandon d'un bien commun et le versement d'un capital de 192 000 francs payable en 96 mensualités à compter du jour où il ne versera plus de contribution à l'entretien et à l'éducation des deux enfants aînés, alors, selon le moyen :
1 / que, la prestation compensatoire est fixée en tenant compte des besoins de l'époux à qui elle est versée et des ressources de l'autre ; que les sommes versées au titre de contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants constituent des charges qui doivent venir en déduction des ressources de l'époux débiteur pour apprécier la disparité entre la situation respective des époux ; qu'en l'espèce, en compensant la disparité créée par le divorce dans la situation des époux par le versement successif tout d'abord de la contribution de M. X... à l'entretien et à l'éducation des deux enfants aînés, ensuite de la prestation compensatoire, la cour d'appel a violé les articles 270, 271 et 272 du Code civil ;
2 / que, dans le cadre de la fixation d'une prestation compensatoire par le juge, les parties fournissent une déclaration certifiant sur l'honneur l'exactitude de leurs ressources, revenus, patrimoine et conditions de vie ; qu'en l'espèce, les juges d'appel ont fixé le montant de la prestation compensatoire due par M. X... au vu d'éléments de preuve non assortis d'une déclaration sur l'honneur en violation de l'article 271 du Code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui n'avait pas à faire spécialement mention dans sa décision de la déclaration sur l'honneur prévue par l'article 271 du Code civil, a estimé par une appréciation souveraine des besoins et ressources des époux et après avoir évalué les charges de chacun, y compris en ce qui concerne les sommes dont M. X... est redevable pour l'entretien et l'éducation des enfants, que la rupture du mariage allait entraîner une disparité au détriment de l'épouse qui n'a jamais exercé de profession rémunérée et s'est consacrée à l'éducation de ses six enfants ; que le moyen ne peut être accueilli en ses première et troisième branches ;
Mais sur le second moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 275-1 du Code civil dans sa rédaction issue de la loi du 30 juin 2000 ;
Attendu que selon ce texte, lorsque le débiteur n'est pas en mesure de verser le capital dans les conditions prévues par l'article 275 du Code civil, le juge fixe les modalités de paiement du capital dans la limite de huit années, sous forme de versements mensuels ou annuels indexés selon les règles applicables aux pensions alimentaires ;
Attendu que l'arrêt condamne M. X... à payer une prestation compensatoire sous la forme de l'abandon d'un bien immobilier et du versement d'un capital de 192 000 francs payable en 96 mensualités de 2 000 francs, à compter du jour où sa contribution à l'entretien des deux enfants aînés ne sera plus versée ;
Qu'en accordant à M. X... un délai, au demeurant indéterminé, pour différer le versement de la première des 96 mensualités, la cour a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE et ANNULE, mais seulement en ce qui concerne les modalités de paiement du capital de 192 000 francs alloué à l'épouse à titre de prestation compensatoire, l'arrêt rendu le 12 juin 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu les articles 700 du nouveau Code de procédure civile et 37, alinéa 2 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, rejette la demande de M. X... et celle de la SCP Ancel et Couturier-Heller ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille cinq.