COUR D'APPEL DE VERSAILLES 12ème chambre section 2 F.L./P.G. ARRÊT Nä DU 12 Juin 2003 R.G. Nä 01/06605 AFFAIRE : - S.A.R.L. JBS - S.A.R.L. CETIMAT C/ - S.A. SODICLAIR EXPANSION Copie certifiée conforme Expédition exécutoire délivrées le : à : ä SCP GAS ä SCP LEFEVRE TARDY etamp; HONGRE BOYELDIEU E.D. RÉPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS --------- LE DOUZE JUIN DEUX MILLE TROIS, La cour d'appel de VERSAILLES, 12ème chambre section 2, a rendu l'arrêt CONTRADICTOIRE suivant, prononcé en audience publique, La cause ayant été débattue à l'audience publique du VINGT QUATRE AVRIL DEUX MILLE TROIS DEVANT : MADAME FRANOEOISE LAPORTE, PRESIDENT chargée du rapport, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés, en application de l'article 786 du nouveau code de procédure civile, assistée de Mme Marie-Thérèse GENISSEL, greffier, Le magistrat rapporteur en a rendu compte à la cour, dans son délibéré, celle-ci étant composée de : MADAME FRANOEOISE LAPORTE, PRESIDENT, MONSIEUR JEAN-FRANOEOIS FEDOU, CONSEILLER, MONSIEUR DENIS COUPIN, CONSEILLER, et ces mêmes magistrats en ayant délibéré conformément à la loi, DANS L'AFFAIRE, ENTRE : - S.A.R.L. JBS ayant son siège ZA des Bruyères 71130 NEUVY GRANDCHAMPS, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. - S.A.R.L. CETIMAT ayant son siège ZA des Bruyères 71130 NEUVY GRANDCHAMPS, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. APPELANTES d'un jugement rendu le 04 Septembre 2001 par le Tribunal de Commerce de CHARTRES. CONCLUANT par la SCP GAS, Avoués près la Cour d'Appel de VERSAILLES PLAIDANT par Maître Patrick DUMONT, Avocat du Barreau de MACON. ET - S.A. SODICLAIR EXPANSION ayant son siège Pontault 28140 NOTTONVILLE, agissant poursuites et diligences de son Président du Conseil d'Administration domicilié en cette qualité audit siège. INTIMEE CONCLUANT par la SCP LEFEVRE TARDY etamp; HONGRE BOYELDIEU, Avoués près la Cour d'Appel de VERSAILLES
PLAIDANT par Maître Maud DELAYAT, Avocat du Barreau de TOURS. FAITS ET PROCEDURE : 5 Le 02 août 1987, la SA SODICLAIR EXPANSION a consenti à la SARL CETIMAT un contrat de franchise concernant une méthode d'exploitation de fonds de commerce de fabrication, commercialisation et d'installation de produits d'isolation et de stores de protection solaire pour une durée de six ans, renouvelable par tacite reconduction, l'exclusivité d'exploitation de la franchise étant concédée pour les départements 69, 42, 43, puis en vertu d'un avenant du 28 septembre 1987, 63 et 03 il a été stipulé dans cette convention une clause de non concurrence à la charge du franchisé en cas de rupture pour une durée de trois ans dans le secteur géographique précité sans indemnité. Un contrat identique a été conclu, le 09 juin 1987, par la société SODICLAIR EXPANSION avec la SARL JBS au titre des départements 89, 21, 71, 39, 25, 70, 90, l'exclusivité ayant été étendue à la Nièvre (58) selon avenant du 17 juin 1991. Par acte en date des 30 août et 25 novembre 1993, Madame X..., Présidente de la société SODICLAIR EXPANSION a cédé aux dirigeants de la société JBS les parts qu'elle détenait dans la société CETIMAT. Suivant courriers recommandés du 26 octobre 2001, les sociétés JBS et CETIMAT ont résilié le contrat de franchise à effet au 1er février 2001. Estimant être dans l'impossibilité totale d'exercer leur activité en raison de l'engagement de non concurrence, les sociétés JBS et CETIMAT ont assigné la société SODICLAIR EXPANSION devant le Tribunal de Commerce de CHARTRES aux fins d'obtenir son annulation. Par jugement rendu le 04 septembre 2001, cette juridiction a déclaré l'action de la société CETIMAT irrecevable, rejeté celle de la société JBS, débouté la société SODICLAIR de sa demande en vertu de l'article 32-1 du Nouveau Code de Procédure Civile, alloué à cette dernière une indemnité de 1.524,49 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure
Civile et condamné les demanderesses in solidum aux dépens. Appelantes de cette décision, les sociétés JBS et CETIMAT font grief au tribunal d'avoir retenu de manière erronée que la société CETIMAT était étrangère au contrat alors qu'elle en a conclu un avec la société SODICLAIR. Elles soutiennent que la validité d'une clause de non concurrence est subordonnée à la réunion de quatre conditions tenant à sa limitation quant à la nature de l'activité interdite, aux temps et lieu ainsi qu'à l'existence d'un caractère proportionné à l'objet du contrat ou aux intérêts légitimes à protéger, ce qui n'est pas le cas, selon elles, en l'espèce. Elles prétendent que cette clause est de plus dépourvue de cause licite ou, à tout le moins, disproportionnée puisqu'elles ont développé leur propre fonds de commerce et savoir faire et qu'elles ont constitué leur réseau de fournisseurs, la société SODICLAIR n'intervenant qu'au titre de l'enseigne. Elles affirment que la société SODICLAIR ne démontre pas l'effectivité de la transmission d'un savoir-faire particulier qui s'avérerait un élément positif important au regard de la clientèle, ni davantage dans le domaine technique tant dans la fabrication des stores et autres produits que dans leur pose, en soulignant que ceux-ci ne sont pas originaux. Elles ajoutent que le contrat de franchise comporte, en outre, une obligation de secret illimitée. Elles demandent donc à la Cour de déclarer la clause de non concurrence nulle, l'entier débouté de la société SODICLAIR et une indemnité de 4.000 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. La société SODICLAIR oppose que le tribunal a déclaré, à juste titre, l'action de la société CETIMAT irrecevable. Elle estime valable la clause de non concurrence en droit interne et inapplicable en l'espèce les règles communautaires résultant de l'article 85-3 du Traité de Rome devenu 81-3 CE s'agissant d'un accord d'importance mineure. Elle conteste les affirmations erronées
quant à l'absence alléguée de franchisage en réfutant point par point l'argumentation des appelantes. Elle fait valoir que la clause de non concurrence d'une durée de trois ans à une cause licite et n'est pas disproportionnée dès lors que les 15 territoires évoqués sont répartis entre les sociétés CETIMAT et JBS distinctement. Elle observe que l'obligation de confidentialité s'impose au franchisé car elle est de la nature du contrat. Elle conclut donc à la confirmation du jugement déféré sauf à y ajouter l'octroi de la somme de 3.049 euros sur le fondement de l'article 32-1 du Nouveau Code de Procédure Civile pour action manifestement abusive et une indemnité de 4.574 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. MOTIFS DE LA DECISION : SUR LA RECEVABILITE DE LA DEMANDE DE LA SOCIETE CETIMAT : Considérant que la société CETIMAT a également conclu le 02 février 1987 un contrat de franchise avec la société SODICLAIR dont les termes sont identiques à celui signé par la société JBS, hormis leur secteur géographique respectif et comportant une clause de non concurrence similaire ; qu'ainsi, nonobstant la rédaction du dispositif des écritures de cette société qui aurait pu être énoncé plus clairement, la société CETIMAT a qualité et intérêt à agir en nullité de ladite clause qui figure aussi dans les mêmes termes dans le contrat auquel elle a été partie ; que la société CETIMAT est donc recevable en sa demande. SUR LA NULLITE DE LA CLAUSE DE NON CONCURRENCE : Considérant que la clause de non concurrence post-contractuelle stipulée dans les conventions des 02 février et 09 juin 1987 est libellée comme suit : "EN CAS DE RUPTURE DU PRESENT CONTRAT, QUELLE QU'EN SOIT LA CAUSE, LE FRANCHISE S'INTERDIT DE CONCURRENCER DIRECTEMENT OU INDIRECTEMENT LE CONCEDANT OU LE NOUVEAU FRANCHISE DESIGNE DANS LE SECTEUR, PAR LA COMMERCIALISATION DE PRODUITS IDENTIQUES OU SEMBLABLES A CEUX VISES A L'ARTICLE 1 CI-DESSUS. CETTE OBLIGATION DE NON CONCURRENCE EST PREVUE POUR UNE
DUREE DE 3 ANS DANS LE SECTEUR PRECISE A L'ARTICLE 1 CI-DESSUS. DE PLUS LE FRANCHISE SODICLAIR S'ENGAGE EN TANT QU'ANCIEN MEMBRE DU RESEAU "SODICLAIR" A NE JAMAIS PORTER ATTEINTE DE MANIERE DIRECTE OU INDIRECTE AU RENOM DE LA MARQUE ET A LA NOTORIETE DU RESEAU. COMPTE TENU DE L'IMPACT COMMERCIAL RESULTANT DES CONDITIONS D'ASSORTIMENT DE L'ENSEIGNE DONT AURA BENEFICIE LE FRANCHISE PENDANT LA DUREE DU PRESENT CONTRAT, CELUI-CI S'INTERDIT APRES LA RUPTURE DE CE CONTRAT, QUELLE QU'EN SOIT LA CAUSE, DE PARTICIPER DIRECTEMENT OU INDIRECTEMENT A UN RESEAU DE DISTRIBUTION CONCURRENCE DE CELUI DU FRANCHISEUR PENDANT UN DELAI DE 3 ANS DANS LE SECTEUR VISE A L'ARTICLE 1 CI-DESSUS. CETTE OBLIGATION DE NON CONCURRENCE NE DONNERA DROIT A AUCUNE INDEMNITE AU BENEFICE DU FRANCHISE". Considérant qu'il n'est pas discuté que les contrats de franchise en cause constituent des accords d'importance mineure au sens de la communication de la Commission Européenne et qu'ils ne contribuent pas de manière significative à un effet de blocage du marché, en sorte qu'ils ne rentrent pas dans le champ d'application de l'interdiction de l'article 85-1 du Traité de Rome devenu 81-1 CE et n'ont pas lieu, notamment dans leurs dispositions afférentes aux obligations de non concurrence d'être conformes aux stipulations du règlement d'exemption de la Commission concernant l'application de l'article 85-3 du Traité (devenu 81-3 CE) à des catégories d'accords de franchise ; considérant que la validité d'une clause de non concurrence est subordonnée à sa limitation quant à l'activité interdite, le temps et le lieu ainsi qu'à son caractère proportionné au regard de l'objet du contrat ; considérant qu'il s'infère des termes des clauses litigieuses que celles-ci sont limitées dans leur étendue et objet-commercialisation directe ou indirecte de produits identiques ou semblables à ceux visés dans les contrat et participation directe ou indirecte à un réseau de distribution
concurrent à celui du franchiseur ; qu'elles comprennent aussi une limitation dans le territoire puisqu'elles portent sur le secteur géographique précisé aux contrats ainsi que dans sa durée fixée à 3 ans de la rupture ; considérant que les sociétés JBS et CETIMAT étant deux personnes morales distinctes ne peuvent utilement cumuler les départements qui les concernent respectivement qui sont de 5 pour la société CETIMAT et de 8 pour la société JBS, ce qui leur permet d'exercer leur activité dans tous les autres ; considérant, en outre, que pour contester le caractère proportionné de la clause de non concurrence avec l'objet de leur contrat et arguer de leur cause non licite, les sociétés appelantes ne peuvent sérieusement prétendre pour la première fois devant la cour, en 2002, que les contrats de franchise conclus en 1987 pour une durée initiale de 6 ans et renouvelé tant en 1993 et 2000 auxquels elles ont souscrit sans émettre la moindre réserve, ni observation et qu'elles ont exécuté sans nulle réclamation pendant quatorze ans, ne seraient pas véritablement du franchisage ; considérant, en effet, que les sociétés JBS et CETIMAT ont, lors de la signature, des conventions de franchise expressément reconnu la mise au point et le développement par le franchiseur d'une méthode d'exploitation de fonds de commerce appliquée depuis 8 ans, dans une société pilote sous l'enseigne "SODICLAIR", sa contribution établie par ses résultats passés au développement de la clientèle pour les produits et services traités selon ses méthodes propres et vendus sous la marque SODICLAIR, et le bien fondé ainsi que l'originalité de la réalisation du franchiseur et l'application de son savoir-faire et ont déclaré parfaitement connaître les avantages et les contraintes de ses méthodes et procédés ; considérant, en outre, que les sociétés appelantes se sont vu conférer l'usage de la marque SODICLAIR, dont est titulaire le franchiseur pour l'avoir régulièrement déposer à l'INPI et ont admis
son effectivité selon les modalités convenues dans leurs courriers du 26 octobre 2001 ; considérant que les franchisés n'ont jamais prétendu, pendant les quatorze années d'exécution des contrats, n'avoir jamais pu bénéficier des assistances lors de l'ouverture du fonds et postérieurement prévues aux articles 3 et 4 ; considérant qu'il ressort aussi de l'historique de la création du réseau, en 1976, puis de son extension que celui-ci n'est pas nouveau, ni sans consistance ; considérant qu'en outre, la société SODICLAIR souligne, à juste titre, qu'elle consent contrairement aux autres réseaux, la franchise de fabrication, de commercialisation et de pose et donc l'ensemble de la ligne ou d'activité dans le secteur et qu'elle vise une gamme de produits qui se complètent par une clientèle ciblée :
PME, PMI, administrations et collectivités et leurs bâtiments en commercialisant selon un particularisme qui lui est propre, deux produits saisonniers l'un de store pour l'été, l'autre de rideau d'isolation pour l'hiver ; qu'elle a ainsi pu développer tout un savoir-faire à la fabrication sur mesure et à la pose de ces produits en se spécialisant dans le même type de clientèle ; considérant que les très nombreuses pièces versées aux débats par ses soins attestent du respect de ses obligations et de la réalité indéniable de la franchise, au demeurant, expressément admise par les sociétés JBS et CETIMAT à qui il appartenait de dénoncer avant quatorze ans les contrats si elles estimaient le contraire ; considérant que la cause même de la clause de non concurrence post-contractuelle dans un contrat de franchise réside d'ailleurs dans la protection du réseau en termes de droit de propriété intellectuelle du franchiseur ou d'identité commune et de réputation du réseau, dont les deux franchisés ont bénéficié à titre exclusif dans leurs secteurs propres durant quatorze ans ; considérant qu'il suit de là que les clauses de non concurrence apparaissent proportionnées à l'objet des conventions
et qu'elles s'avèrent valables ainsi que l'a estimé le tribunal, à juste titre. SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES : Considérant que la société SODICLAIR ne démontrant que l'exercice par les sociétés JBS et CETIMAT de leur droit fondamental d'ester en justice ait dégénéré en abus sa demande sur le fondement de l'article 32-1 du Nouveau Code de Procédure Civile sera rejetée ; considérant que l'équité commande, en revanche, de lui accorder une indemnité supplémentaire de 2.500 euros en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; considérant que les sociétés JBS et CETIMAT qui succombent à titre principal en leurs prétentions, supporteront les dépens d'appel. PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, CONFIRME le jugement déféré hormis en sa disposition concernant l'irrecevabilité de la demande de la SARL CETIMAT, Et statuant à nouveau de ce chef, LA DECLARE recevable, Et y ajoutant, DEBOUTE la SA SODICLAIR EXPANSION de sa demande sur le fondement de l'article 32-1 du Nouveau Code de Procédure Civile, CONDAMNE les SARL JBS et CETIMAT in solidum à verser à la SA SODICLAIR EXPANSION une indemnité complémentaire de 2.500 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, LES CONDAMNE sous la même solidarité aux dépens d'appel qui seront recouvrés par la SCP LEFEVRE-TARDY HONGRE-BOYELDIEU, conformément à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. ARRET REDIGE ET PRONONCE PAR MADAME LAPORTE, PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER
LE PRESIDENT M. THERESE GENISSEL
FRANOEOISE LAPORTE