AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :
Vu les articles 24 bis et 29 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Attendu que M. X... a fait publier dans l'édition du 6 juillet 2000 du magazine l'Evènement du Jeudi un article intitulé Y... le roué qui faisait réponse à l'article que M. Y... avait fait paraître dans le Figaro littéraire sous le titre Vérité historique et vérité humaine ; que rappelant la comparaison que M. Y... avait faite entre Patrick Modiano et Marcel Aymé lesquels avaient déjà montré dans leurs romans les deux faces sombres de cette période noire (qui est celle de l'occupation et de la collaboration, suivie de l'épuration) : les résistants et les juifs fugitifs, poursuivis, condamnés, auxquels allaient succéder ensuite les proscrits de l'épuration ainsi que leurs familles, alors que l'un, l'auteur de Dora Bruder est à l'origine d'un monument dédié à la Shoah tandis que l'autre a eu une attitude si contestable, pendant l'occupation, M. X... conclut :
quant à la comparaison entre les juifs pourchassés et les proscrits de l'épuration elle relève du révisionnisme, le vrai pas celui des dingues à la Faurisson. C'est en cela que M. Y... a commis une mauvaise action. C'est en cela que M. Y... est dangereux ; qu'estimant que ces deux dernières phrases étaient attentatoires à son honneur et à sa considération en ce qu'elles le présentaient comme un révisionniste, M. Y... a attrait M. Z..., directeur de la publication, M. X..., journaliste et la société l'Evènement du Jeudi éditrice pour voir réparer le préjudice né de la diffamation ;
Attendu que pour décider que l'article litigieux intitulé "Y... le roué" présentait un caractère diffamatoire, la cour d'appel a notamment relevé que dans le contexte de ces publications, le terme révisionniste ne pouvait évoquer pour le lecteur que celui de négationniste et que cette allégation ne pouvait être assimilée à une critique intellectuelle portant sur un travail de révision historique mais qu'elle tendait au contraire à dévoiler que M. Y... dont l'honnêteté intellectuelle était mise en cause appartiendrait à un courant idéologique délictueux et serait dangereux et qu'elle constituait un fait précis tombant sous le coup de la loi pénale ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'affirmation consistant à dire de M. Y... qu'il est un vrai et dangereux révisionniste en raison du jugement de valeur qu'il porte sur les événements vécus en France lors de la seconde guerre mondiale, ne comportait pas l'imputation d'un fait susceptible de preuve de nature à porter atteinte à l'honneur ou à la considération de celui-ci, mais était l'expression d'une opinion qui relève du seul débat d'idées fût-il polémique, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Vu l'article 627 du nouveau Code de procédure civile ;
Et attendu qu'il peut être mis fin au litige en appliquant la règle de droit appropriée qu'il n'y a donc pas lieu à renvoi ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 octobre 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Rejette la demande de M. Y... ;
Condamne M. Y... aux dépens exposés devant les juges du fond et devant la Cour de cassation ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juillet deux mille cinq.