AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que, selon l'arrêt attaqué, MM. X..., Y..., Z..., A..., B..., C..., D..., E... et F..., agents titulaires de la RATP ont saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
qu'exposant, d'abord, avoir accompli des temps de travail hors roulement trois nuits par mois, qui n'entraient pas dans le calcul des temps de travail supplémentaires et qui leur étaient demandés en vertu d'une note n° 167-A du 17 avril 1979 sans qu'ait été respectée l'exigence statutaire d'une coupure de 10 heures 30 entre les services, et alors que l'employeur défalquait du paiement de ces heures les temps de repos, ils ont demandé le versement d'un rappel de salaire pour la période du 1er avril 1993 au 30 novembre 1996 ; que faisant valoir, ensuite, que la mise en place, à compter du 1er décembre 1996, d'une nouvelle organisation du travail, selon laquelle le travail accompli trois nuits par mois avait été inclus dans le roulement de leur service, dont la durée globale était cependant restée la même, en sorte que la prime forfaitaire réductible à l'avancement qui leur était versée désormais ne compensait pas la perte de rémunération qu'ils estimaient avoir subie, ils ont réclamé le maintien de la prime compensatrice versée antérieurement et le paiement d'un rappel de salaire à ce titre ; qu'en outre, ils ont sollicité l'intégration de la prime de compensation forfaitaire dans l'assiette des cotisations à leur régime de retraite ; qu'enfin, MM. X... et B... ont demandé le versement d'une indemnité kilométrique ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que les agents de la RATP font grief à l'arrêt de les avoir déboutés de leurs demandes afférentes à la prime de compensation forfaitaire au titre de la période postérieure au 1er décembre 1996, alors, selon le moyen :
1 / que les agents ne demandaient pas le maintien d'un avantage lié à la pratique du non-respect des temps de coupure entre deux services, mais réclamaient la contrepartie de la totalité des heures de travail réalisées par eux, notamment celles effectuées au-delà de la durée normale de travail ; qu'en affirmant que les agents n'étaient pas fondés à réclamer le maintien des avantages liés à une pratique irrégulière de non-respect des temps de coupure, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / que les juges du fond sont tenus de préciser et d'expliciter les éléments de preuve sur lesquels leur décision repose ;
qu'en se bornant à affirmer, pour rejeter la demande des agents, qu'ils avaient perçu la rémunération selon le calcul résultant de l'application des textes statutaires, sans désigner ces textes ni s'expliquer sur leur contenu, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
3 / que les agents de droit privé soumis à un statut ne peuvent se voir imposer aucune baisse de rémunération, laquelle leur est défavorable, en conséquence d'une modification de l'organisation du travail qui n'a d'incidences ni sur leur charge de travail, ni sur les heures de travail réalisées par eux, ni sur les conditions d'exécution de leur prestation de travail ; que le travail de nuit effectué trois fois par mois par les agents par roulement dans le cadre de la mise en oeuvre d'un service de nuit était un travail obligatoire, prévu par les fiches de poste des agents, une telle activité générant du temps de travail supplémentaire tel que mentionné dans l'IG n° 436-B établie au mois de novembre 1991 ;
que la cour d'appel, qui a refusé de faire droit à la demande des agents, sans constater que la durée de leur travail, les conditions d'exécution de leur prestation ou la nature de la tâche qui leur était confiée, avaient été modifiées, a violé les articles 1134 du Code civil et L. 121-1 du Code du travail ;
4 / que la mise en oeuvre d'un statut ne s'oppose pas au principe d'individualisation des rémunérations, lequel fait obstacle au versement d'une prime forfaitaire dès lors que cette dernière est destinée à compenser une perte de rémunération ; que les agents avaient fait valoir dans leurs écritures que la prime de compensation forfaitaire avait été calculée en minimisant le nombre de nuits réellement effectuées et en se référant à la situation d'un technicien S4 échelon 6, quand tous les agents avaient un échelon supérieur à 6 ; que la cour d'appel, qui a affirmé que les agents ne pouvaient prétendre au versement d'une prime individualisée, a violé l'article L. 121-1 du Code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui, sans encourir les griefs du moyen, a retenu à bon droit que le régime de rémunération du travail de nuit appliqué avant le 1er décembre 1996 constituait un usage de l'entreprise et qui a constaté que cet usage avait été dénoncé régulièrement par l'employeur et remplacé par un accord négocié avec les organisations syndicales, et dont les agents avaient été informés individuellement, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
Sur le troisième moyen :
Attendu qu'il est encore reproché à l'arrêt d'avoir débouté les intéressés de leur demande tendant à l'intégration de la prime de compensation forfaitaire dans l'assiette des cotisations à leur régime de retraite, alors, selon le moyen :
1 / que sont assujetties à cotisations sociales les salaires et les avantages en argent versés en contrepartie ou à l'occasion du travail ;
que les primes versées en raison des conditions de travail des salariés doivent en conséquence être intégrées dans l'assiette des cotisations sociales ; que doit être considérée comme un élément de salaire la prime de compensation forfaitaire destinée à compenser une pratique d'heures de travail dites exceptionnelles ; que la cour d'appel, qui a affirmé que la prime de compensation forfaitaire ne constituait pas un élément de salaire pour refuser de l'intégrer dans l'assiette des cotisations de retraite, sans rechercher, si, indépendamment des prévisions du règlement des retraites du personnel de la RATP, lequel ne pouvait tenir compte d'une prime qui n'existait pas à la date de son élaboration, la prime de compensation forfaitaire qu'elle s'était engagée à verser à ses agents n'était pas un élément de salaire nécessairement soumis à cotisations, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale ;
2 / qu'en tout état de cause, les juges du fond doivent examiner l'ensemble des pièces versées aux débats ; qu'il résulte notamment de l'IG n° 436-B du mois de novembre 1991, rapprochée d'une notification de points nuits, que l'allocation pour travaux de nuit, tardifs ou matinaux, est intégrée dans l'assiette des cotisations de retraite ; que la cour d'appel, qui a affirmé que les ressources du "compte de retraite" comprennent les éléments T (traitement) et C (complément spécial) du salaire, à l'exclusion de tous autres, sans rechercher, par l'examen des documents qui lui étaient soumis, si l'intégration attestée d'autres éléments ne justifiait pas une prise en considération de la prime litigieuse dans la détermination de l'assiette des cotisations de retraite, n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui était saisie du seul point de savoir si la prime de compensation forfaitaire devait donner lieu à cotisations au régime de l'assurance vieillesse des agents de la RATP, lequel régime est soumis à une organisation spéciale de sécurité sociale par application de l'article R. 711-1 du Code de la sécurité sociale, n'avait pas à se prononcer au regard des dispositions de l'article L. 242-1 du même Code qui lui sont étrangères ;
Et attendu que la cour d'appel n'avait pas à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante ;
D'où il suit que la première branche du moyen, qui se borne à invoquer des dispositions légales étrangères au litige, dont la cour d'appel n'avait pas à faire application, est inopérante et que la seconde branche n'est pas fondée ;
Et sur le quatrième moyen :
Attendu qu'il est enfin fait grief à l'arrêt d'avoir débouté MM. X... et B... de leur demande d'indemnité kilométrique de décembre 1996 à janvier 2002, alors, selon le moyen, que les juges du fond ne peuvent statuer par voie de simple affirmation ; que les agents avaient fait valoir dans leurs écritures, en mentionnant les horaires de trains, qu'ils n'avaient pas la possibilité d'utiliser les transports en commun pour prendre leur service de nuit et qu'ils étaient en conséquence obligés de se rendre sur leur lieu de travail avec leur véhicule personnel ; que la cour d'appel, qui s'est bornée à affirmer sans précision aucune que MM. X... et B... avaient la possibilité matérielle d'utiliser les transports en commun, sans s'expliquer sur cette affirmation, contraire aux écritures d'appel des agents, n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que, contrairement aux énonciations du moyen, la cour d'appel ne s'est pas bornée à affirmer que les agents avaient la possibilité matérielle d'utiliser les transports en commun ; que le moyen manque en fait ;
Mais sur le premier moyen pris en sa première branche :
Vu les articles R. 516-18 et R. 516-37 du Code du travail ;
Attendu que l'arrêt condamne les agents à restituer à la RATP, avec intérêts au taux légal à compter du jour de sa notification, les sommes qu'ils ont perçues à titre de rappel de salaire pour la période du 1er avril 1993 au 30 novembre 1996 en exécution provisoire de plein droit du jugement du conseil de prud'hommes de Paris rendu le 17 juin 2002 ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'obligation de rembourser ne pouvait résulter que de la réformation de la décision des premiers juges, la cour d'appel, qui s'est bornée à surseoir à statuer sur la demande de rappel de salaire des intéressés et qui, de surcroît, s'est abstenue d'exprimer des motifs au soutien de la condamnation qu'elle a prononcée, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du premier moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné MM. B..., Y..., A..., F..., X..., E..., C..., Z... et D... à restituer à la RATP les sommes perçues au titre de l'exécution provisoire, avec intérêts au taux légal à compter de sa notification, l'arrêt rendu le 24 juin 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Vu l'article 627 du nouveau Code de procédure civile ;
Décide qu'il n'y a pas lieu à remboursement des sommes perçues en exécution provisoire du jugement du conseil de prud'hommes de Paris rendu le 17 juin 2002 ;
Condamne la RATP aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un juin deux mille cinq.