CASSATION PARTIELLE sur les pourvois formés par X... Louisette, épouse Y..., Y... Jacky, contre l'arrêt de la cour d'appel de Pau, chambre correctionnelle, en date du 3 juin 2004, qui, pour fraude fiscale, les a condamnés, à titre de peine principale, à des mesures de publication et d'affichage et a prononcé sur les demandes de l'administration des Impôts, partie civile.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 227 du Livre des procédures fiscales, 1741 du Code général des impôts, ensemble les articles 256 bis-I-2° bis et 297 A du même Code :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Louisette X... et Jacky Y..., en leur qualité respective de gérant de droit et de fait de la société Auto-Import, coupables de s'être soustraits à l'établissement et au paiement de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à la période du 2 janvier au 31 décembre 1997, éludant ainsi 828 081 francs d'impôts et, sur l'action civile, a dit qu'ils seront solidairement tenus avec la société au paiement des impôts fraudés et pénalités s'y rapportant ;
" aux motifs d'abord que, sur les véhicules ayant appartenu à des entreprises de location "toutefois, la prévention repose également, en ce qui concerne les véhicules d'occasion acquis dans la Communauté économique européenne sur l'exclusion de la taxation sur la marge lorsque les fournisseurs, assujettis, avaient bénéficié d'une déduction : sur ce point, dès lors qu'il apparaît, à la seule lecture des cartes grises, que ces véhicules avaient été la propriété de sociétés de location internationalement connues, ou que les négociants se les étaient procurés auprès d'elles, la mention spécifique demeurant inscrite sur le document administratif, les prévenus ne sauraient arguer de leur ignorance ni même de leur bonne foi" (arrêt, p. 9, paragraphe 3) ;
" alors que le délit suppose que le service fiscal et le ministère public aient établi la volonté délibérée de se soustraire au paiement de l'impôt ; que l'élément intentionnel n'est pas caractérisé à l'égard de prévenus qui ont présenté aux services chargés de délivrer les certificats fiscaux des documents sincères et probants remis par leurs fournisseurs ; d'où il résulte, en l'état de prévenus dont il est établi qu'ils ont produit des factures sincères mentionnant un prix toutes taxes comprises et précisant que la vente était effectuée sous le régime mis en place par la 7e directive, la cour d'appel ne pouvait, au seul regard des mentions portées sur la carte grise, elle-même remise par les prévenus à l'administration fiscale pour l'obtention du certificat fiscal, décider que l'infraction était constituée ;
" aux motifs, ensuite, que sur les véhicules UE vendus par des professionnels français "il en est de même pour les véhicules d'occasion provenant de pays membres de la Communauté économique européenne mais acquis auprès de fournisseurs français (vingt-sept véhicules achetés 2 866 209 francs et revendus pour 3 177 300 francs) pour lesquels il ne pouvait y avoir d'équivoque, l'avantage taxe sur la valeur ajoutée résultant de l'acquisition intracommunautaire ayant déjà joué au profit du fournisseur des prévenus, de la sorte nécessairement astreints à cette imposition sur la valeur totale de la marchandise" (arrêt, p. 9, paragraphe 4) ;
" alors que le régime de droit commun de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge est applicable aux livraisons effectuées par un assujetti revendeur à un autre assujetti revendeur, peu important que le premier assujetti revendeur ait acquis le véhicule d'occasion d'un vendeur ressortissant d'un autre Etat membre ; d'où il résulte que les prévenus, qui ont poursuivi le régime de droit commun applicable aux biens d'occasion, n'ont matériellement pas commis le délit reproché ;
" et alors subsidiairement que le délit suppose que le service fiscal et le ministère public aient établi la volonté délibérée de se soustraire au paiement de l'impôt ; que la cour d'appel n'a en rien caractérisé en quoi les prévenus, parce qu'ils ont acquis sous le régime de droit commun de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge des véhicules d'occasion d'un assujetti revendeur français, auraient eu la volonté délictuelle délibérée de se soustraire au paiement de l'impôt " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Jacky et Louisette Y..., gérants de la société Import Auto ayant pour objet d'acquérir des véhicules automobiles d'occasion en provenance d'Etats membres de l'Union européenne pour les revendre à des clients résidant en France, ont été poursuivis du chef de soustraction à l'établissement et au paiement partiel de la taxe sur la valeur ajoutée pour avoir indûment soumis ces véhicules au régime de la taxation sur la marge, qui correspond à la différence entre leur prix de vente et leur prix d'achat ;
Sur le moyen pris en sa première branche :
Attendu que, pour déclarer les prévenus coupables de ce délit du fait de la revente de véhicules qui avaient été affectés à la location, l'arrêt attaqué retient qu'il apparaissait à la lecture des cartes grises que ces véhicules, ayant " été la propriété de sociétés de location internationalement connues ", ne pouvaient relever du régime de la marge ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, les juges ont justifié leur décision ;
Mais sur le moyen pris en ses deuxième et troisième branches :
Vu articles 256 bis-I-2° bis, et 297 A du Code général des impôts ;
Attendu que, selon ces textes, le régime de la taxation sur la marge auquel a été soumise l'acquisition d'un bien d'occasion faite auprès d'un assujetti appartenant à un pays membre de l'Union européenne est applicable aux reventes ultérieures ;
Attendu que, pour retenir la culpabilité des prévenus en raison de la revente de véhicules acquis auprès de fournisseurs français, l'arrêt énonce qu'ils se sont placés sous le régime de la taxation sur la marge indûment, au motif que les véhicules avaient déjà bénéficié d'un tel régime à l'occasion d'une précédente acquisition intracommunautaire ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE en ses seules dispositions ayant déclaré les prévenus coupables de fraude fiscale, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Pau, en date du 3 juin 2004, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Bordeaux, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.