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08/06/2005 | FRANCE | N°05-81800

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 08 juin 2005, 05-81800


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le huit juin deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller KOERING-JOULIN, les observations de Me BLONDEL, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Orhan,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de COLMAR, en date du 10 février 2005, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef d'assassinat, a

rejeté sa demande de mise en liberté ;

Vu le mémoire et les observations complément...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le huit juin deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller KOERING-JOULIN, les observations de Me BLONDEL, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Orhan,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de COLMAR, en date du 10 février 2005, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef d'assassinat, a rejeté sa demande de mise en liberté ;

Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation spécialement de l'article 21 de la Convention d'entraide judiciaire en matière pénale, en date du 20 avril 1959, violation des règles et principes qui gouvernent l'autorité de la chose jugée, violation de la liberté d'aller et de venir, violation des articles 148-2, 191 et suivants du Code de procédure pénale, de l'article 6 de la Convention européenne ;

"en ce que la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Colmar a rejeté la demande de mise en liberté présentée le 26 janvier 2005 par l'avocat d'Ohran X... ;

"aux motifs que les moyens invoqués par le requérant ne peuvent pas être retenus ; qu'en effet, l'anéantissement de l'arrêt par contumace, du 11 septembre 2000, laisse subsister l'arrêt du 1er juillet 1999 par lequel la chambre d'accusation avait renvoyé l'accusé devant la cour d'assises du Haut-Rhin et ordonné qu'il soit pris de corps et incarcéré ; que, d'autre part, si le moyen tenant au dessaisissement des juridictions françaises au profit des juridictions turques apparaît sérieux, il doit cependant être constaté que la chambre de l'instruction a déjà statué sur cette question par son arrêt du 13 janvier 2005 ; que, sous réserve d'un pourvoi en cassation, ledit arrêt a autorité de la chose jugée et la chambre de l'instruction ne peut donc pas statuer à nouveau sur le même problème relatif à la compétence des juridictions françaises ;

"alors que, d'une part, la compétence de la juridiction d'un Etat, eu égard aux dispositions d'une convention internationale qui s'impose, est d'ordre public, et peut être invoquée en tout état de cause, et notamment à l'occasion d'une nouvelle demande de mise en liberté sans que l'on puisse utilement opposer une autorité de chose jugée qui résulterait d'un précédent arrêt de la chambre de l'instruction, en date du 13 janvier 2005, qui avait écarté une première demande de mise en liberté ; qu'ainsi, la chambre de l'instruction, en statuant comme elle l'a fait, viole les textes et principes cités au moyen ;

"alors que, d'autre part, et en toute hypothèse, ainsi d'ailleurs que la chambre de l'instruction l'admet, conformément à l'article 21 de la Convention d'entraide judiciaire en matière pénale, en date du 20 avril 1959, les autorités françaises ont procédé à une dénonciation officielle aux fins de poursuites auprès des autorités turques et, par courrier, en date du 7 janvier 2002, ainsi que cela ressort du dossier, le Garde des sceaux, ministre de la Justice, a adressé au ministre de la Justice de Turquie un dossier de dénonciation officielle émanant du procureur général près la cour d'appel de Colmar, en date du 18 décembre 2001, sollicitant que les autorités turques soient saisies de l'affaire, tout en tenant informées les autorités françaises ; que les autorités turques ont expressément accepté de se saisir de ce dossier, lequel a été transmis le 28 février 2002 à la cour d'assises de Unye, étant observé qu'une instruction est actuellement en cours, à l'initiative des autorité turques, Ohran X... ayant été placé sous contrôle judiciaire par lesdites autorités moyennant le paiement d'une importante caution, en sorte que les autorités de justice françaises sont irrévocablement dessaisies du dossier et ne pouvaient en aucun cas appréhender et incarcérer, dans l'attente d'un jugement, Ohran X... ; qu'en décidant le contraire, à la faveur d'une motivation tout à la fois insuffisante et inopérante, la Cour viole par fausse application les règles et principes qui s'évincent de la Convention d'entraide judiciaire en matière pénale, en date du 20 avril 1959, et spécialement l'article 21 de ladite Convention" ;

Attendu que, par arrêt du 11 septembre 2000, la cour d'assises du Haut-Rhin a condamné Ohran X..., par contumace, à la réclusion criminelle à perpétuité, pour un assassinat perpétré à Mulhouse, le 1er janvier 1998 ; que, le condamné s'étant enfui en Turquie, le ministre de la Justice a, le 7 janvier 2002, procédé à la dénonciation des faits aux fins de poursuites à son homologue turc, qui l'a acceptée, en application de l'article 21 de la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959 ; que l'intéressé, placé sous contrôle judiciaire, a quitté la Turquie pour l'Allemagne, dont il a été extradé vers la France au mois de décembre 2004 ; que, constatant que l'anéantissement de l'arrêt de contumace avait laissé subsister l'arrêt de mise en accusation ordonnant prise de corps, rendu par la chambre d'accusation de la cour d'appel de Colmar le 1er juillet 1999, le juge des libertés et de la détention de Colmar a, le 27 décembre 2004, ordonné le placement en détention provisoire d'Ohran X... jusqu'à sa comparution devant une cour d'assises, en vertu des dispositions transitoires de l'article 209 de la loi du 9 mars 2004 ainsi que de l'article 379-4 du Code de procédure pénale ; qu'enfin, par arrêt du 5 mai 2005, la cour d'assises d'Unye (Turquie) l'a condamné, alors qu'il était représenté par son avocat, à dix-sept ans et six mois de réclusion criminelle ;

Attendu que, pour rejeter la demande de mise en liberté formée par Ohran X..., l'arrêt attaqué prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en cet état, l'arrêt n'encourt pas les griefs allégués ;

Qu'en effet, d'une part, la dénonciation aux fins de poursuites, au sens de l'article 21 de la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale, n'emporte pas renonciation de la part de l'Etat requérant à l'exercice de son droit de poursuite ; que, d'autre part, l'exception de la chose jugée à l'étranger prévue aux articles 113-9 du Code pénal et 692 du Code de procédure pénale ne saurait faire obstacle à l'exercice de poursuites exercées sur le fondement de la compétence territoriale française ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier tant en la forme qu'au regard des dispositions des articles 143-1 et suivants du Code de procédure pénale ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, Mme Koering-Joulin conseiller rapporteur, MM. Le Gall, Pelletier, Mme Ponroy, MM. Arnould, Corneloup conseillers de la chambre, M. Sassoust, Mme Caron, M. Lemoine conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Mouton ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 05-81800
Date de la décision : 08/06/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

CONVENTIONS INTERNATIONALES - Convention européenne d'entraide judiciaire du 20 avril 1959 - Dénonciation aux fins de poursuite - Effet - Renonciation de la part de l'Etat requérant à l'exercice de son droit de poursuite (non).

CHOSE JUGEE - Décisions susceptibles - Décision d'une juridiction étrangère - Crime commis en France par un étranger - Autorité de la chose jugée (non)

LOIS ET REGLEMENTS - Application dans l'espace - Infraction commise sur le territoire de la République - Crime - Crime commis par un étranger - Condamnation prononcée à l'étranger - Nouvelles poursuites en France - Autorité de la chose jugée (non)

Une dénonciation aux fins de poursuites, au sens de l'article 21 de la convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale, est un acte d'entraide judiciaire n'emportant pas renonciation de la part de l'Etat requérant à l'exercice de son droit de poursuite. L'exception de la chose jugée à l'étranger ne fait pas obstacle à cet exercice lorsque la compétence internationale des juridictions françaises est fondée sur le principe de la territorialité.


Références :

Code de procédure pénale 692
Code pénal 113-9
Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959 art. 21

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar (chambre de l'instruction), 10 février 2005

A rapprocher : Chambre criminelle, 1999-03-17, Bulletin criminel 1999, n° 44, p. 104 (cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 08 jui. 2005, pourvoi n°05-81800, Bull. crim. criminel 2005 N° 174 p. 620
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2005 N° 174 p. 620

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Mouton.
Rapporteur ?: Mme Koering-Joulin.
Avocat(s) : Me Blondel.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:05.81800
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