AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été embauché par la société Mavit Sival le 2 mai 1989 en qualité de VRP multicartes ; que le 2 novembre 1994, un avenant a été conclu entre les parties fixant la rémunération et les modalités de celle-ci ; qu'une clause de non-concurrence a été acceptée par le salarié ; que le 19 décembre 1996 un autre avenant a été signé par le salarié concernant le taux des commissions ; que le 26 janvier 1998, M. X... a pris acte de la rupture de son contrat en raison de fautes imputées à l'employeur et que le 10 mars 1998, l'employeur l'a licencié pour fautes graves ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt d'avoir limité la condamnation de la société à la somme de 8 843,61 euros à titre de rappel de commissions outre celle de 884,36 euros à titre de congés payés et "déboute ce dernier du surplus de sa demande de rapport de commissions" alors, selon le moyen, que aux termes d'un avenant au contrat de travail en date du 2 novembre 1994, remplaçant le contrat initial du 2 mai 1989 prévoyant, notamment, une commission de 5 % sur les anciens clients, M. X... devait être uniquement rémunéré sur la base d'une commission de 12 % ; que, par attestation valant avenant du 19 décembre 1996, l'exposant a seulement accepté de prendre une commission de 5 % au lieu de 12 % sur les travaux de la société Perimedias ; qu'en retenant que le client Appaloosa, déjà client de la société Imprimerie Mavit Sival, aurait dû faire l'objet d'une commission de 5 % et non de 12 % et en réduisant, en conséquence, à due concurrence le montant du rappel de commissions dû par cette société à M. X..., la cour d'appel, qui a méconnu les clauses contractuelles liant les parties, a violé le contrat de travail de M. X... du 2 novembre 1994, l'attestation de ce dernier valant avenant audit contrat en date du 19 décembre 1996 ainsi que l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu que procédant à l'interprétation souveraine des contrats et avenants rendue nécessaire par leur ambiguïté la cour d'appel, par motifs propres et adoptés, a estimé que la commission due sur le client Appaloosa était de 5 % ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que son licenciement par la société Imprimerie Mavit Sival était justifié pour faute grave et de l'avoir débouté, en conséquence, de ses demandes d'indemnité de préavis, de congés payés sur préavis, d'indemnité spéciale de rupture, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de commission sur retour d'échantillonnage et de contre partie pécuniaire de la clause de non-concurrence alors, selon le moyen :
1 / que le seul fait pour l'employeur de ne pas verser la rémunération convenue au salarié rend la rupture du contrat de travail imputable à l'employeur et autorise ce dernier à quitter l'entreprise sans préavis quand bien même le non paiement de la rémunération ne caractériserait pas une volonté délibérée de l'employeur, correspondrait à des versements qui auraient dû s'étaler sur cinq ans et qu'une expertise ait été rendue nécessaire pour chiffrer de façon certaine le montant de ce rappel de rémunération ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société à responsabilité limitée Imprimerie Mavit Sival était redevable de la somme de 8 843,61 euros à titre de rappel de commissions sur cinq années au moment de la rupture du contrat de travail de M. X..., soit plus de 57 000 francs ; que compte tenu de l'importance de ce rappel de commissions, M. X... était donc fondé à prendre acte de la rupture de son contrat de travail et à quitter l'entreprise sans préavis ; qu'en décidant le contraire du
seul fait que ce rappel de commissions, dont le non paiement n'aurait pas caractérisé une volonté délibérée de l'employeur, aurait prétendument nécessité une interprétation des clauses contractuelles, n'aurait représenté qu'une "moyenne" de 147 euros par mois sur cinq années et qu'une expertise avait été également rendue nécessaire pour faire apparaître de façon certaine le solde de commissions restant dû à M. X..., la cour d'appel a violé les articles L. 122-14-3, L. 122-14-4, L. 143-2 et L. 751-1 et suivants du Code du travail ;
2 / que l'absence de réclamation ou de mise en demeure par le représentant à son employeur au sujet d'un rappel de commissions ou de la mauvaise exécution de livraisons par ce dernier n'est pas de nature à priver de tout caractère fautif le défaut de versement par l'employeur de la rémunération contractuellement due au représentant et les retards de livraison vis-à-vis de celui-ci ; qu'en retenant que l'absence de mise en demeure de la société à responsabilité limitée Imprimerie Mavit Sival et l'absence de réclamation formulée par M. X... au sujet du paiement du rappel de commissions qui lui était dû et de la mauvaise exécution des livraisons étaient de nature à priver de tout caractère fautif le défaut de versement à l'exposant de cet important rappel de commissions et les retards de commandes et ne permettaient pas à M. X... de prendre acte de la rupture de son contrat de travail et de quitter l'entreprise sans préavis, la cour d'appel a derechef violé les articles 122-14-3, L. 122-14-4, L. 143-2 et L. 751-1 et suivants du Code du travail ;
3 / que la rupture du contrat de travail est imputable à l'employeur lorsque celui-ci place le représentant dans l'impossibilité de continuer utilement sa prospection, notamment en raison de la mauvaise exécution des commandes passées et en accumulant les retards de livraison ; qu'en l'espèce, M. X... avait versé aux débats plusieurs lettres de clients de la société Imprimerie Mavit Sival, dont les dernières en date des 30 octobre 1997, 5 novembre et 31 décembre 1997 ainsi qu'une lettre du 12 janvier 1998 émanant de la société Bioprim, soit moins de deux mois avant la rupture du contrat de travail du représentant intervenue le 26 janvier 1998, faisant état de livraisons incomplètes et de retards de livraisons et demandant à celui-ci, notamment en ce qui concerne la société Bioprim, de ne plus faire appel à cette imprimerie ;
qu'en retenant, pour dire que la mauvaise exécution des commandes et le retard des commandes imputés à la société Imprimerie Mavit Sival ne pouvaient autoriser M. X... à prendre acte de la rupture de son contrat de travail, que les retards de commandes n'étaient pas significatifs et étaient antérieurs de deux ans à cette rupture sans même s'expliquer sur ces lettres et, en particulier, sur la lettre précitée de la société Bioprim, antérieure de quelques semaines seulement à cette rupture, dénonçant une mauvaise exécution de la commande passée et du retard à exécuter cette commande, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1315 du Code civil et des articles L. 122-14-3, L. 122-14-4 et L. 751-1 et suivants du Code du travail ;
4 / que la rupture du contrat de travail d'un représentant est imputable à l'employeur et autorise ce dernier à prendre acte de cette rupture sans préavis lorsque l'employeur envoie un intermédiaire prospecter sur le secteur exclusif qui lui a été concédé ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel (p. 10, paragraphe c), M. X... avait fait valoir que la société Imprimerie Mavit Sival avait elle-même reconnu avoir demandé à un de ses collègues de travail de prendre son relais pour décrocher des marchés, ce que ce dernier aurait fait à des marges supérieures à celles de l'exposant ; qu'à l'appui du moyen tiré de la concurrence de son employeur, M. X... avait versé aux débats la lettre de son employeur en date du 3 février 1998 emportant reconnaissance de ces faits ainsi que le rapport d'expertise judiciaire confirmant (p. 7) que deux autres VRP travaillaient sur son secteur ; qu'en affirmant que la société Imprimerie Mavit Sival ne démontrait pas la visite de prospects de M. X... par d'autres commerciaux de la société sans s'expliquer ni sur la lettre de l'employeur du 3 février 1998 qui reconnaissait elle-même l'existence de cette visite ni sur les constatations de l'expert sur ce point, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article 1315 du Code civil et des articles L. 122-14-3, L. 122-14-4 et L. 751-1 et suivants du Code du travail ;
Mais attendu que lorsque le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission ; et le contrat étant rompu par la prise d'acte du salarié, l'initiative prise ensuite par l'employeur de le licencier est non avenue ;
Et attendu que la cour d'appel appréciant souverainement la réalité et la gravité des manquements que le salarié imputait à l'employeur a estimé par motifs propres et adoptés qu'ils n'étaient pas fondés ; que par ce seul motif, d'où il résulte que la rupture par le salarié a produit les effets d'une démission, elle a légalement justifié sa décision ;
Qu'ainsi le moyen, inopérant en ce qu'il conteste le licenciement pour faute grave qui est non avenu, et infondé en ce qui concerne les effets de la prise d'acte, ne peut être accueilli ;
Sur le quatrième moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande tendant à la condamnation de la société Imprimerie Mavit Sival à lui payer des commissions sur retour d'échantillonnage ;
Mais attendu que le moyen dénonce une omission de statuer qui ne peut être réparée que selon les dispositions de l'article 463 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais sur le troisième moyen :
Vu l'article 17 de l'Accord national interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975 ;
Attendu qu'aux termes de ce texte sous condition de prévenir, par lettre recommandée avec accusé de réception, dans les quinze jours suivant la notification par l'une ou l'autre des parties de la rupture, l'employeur pourra dispenser l'intéressé de l'exécution de la clause de non concurrence ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande en paiement de la contrepartie pécuniaire de la clause de non concurrence contractuelle, la cour d'appel a énoncé que le salarié qui a été libéré de cette clause dans les 15 jours suivant la lettre de licenciement, conformément aux modalités conventionnelles applicables entre les parties, soit par lettre recommandée avec accusé de réception présentée et notifiée le 16 mars 1998, est mal fondé à réclamer une quelconque contrepartie financière ;
Qu'en statuant ainsi alors que le point de départ du délai de quinze jours prévu par l'article susvisé était la date de réception par l'employeur de la lettre de prise d'acte de la rupture par le salarié, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et attendu qu'en application de l'article 627 du nouveau Code de procédure civile, la cour d'appel est en mesure, - l'employeur n'ayant pas devant la cour d'appel discuté à titre subsidiaire le montant de la contrepartie financière réclamée -, de mettre fin au litige par application de la règle de droit appropriée ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en sa disposition déboutant M. X... de sa demande relative à la clause de non-concurrence, l'arrêt rendu le 18 mars 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Condamne la société Imprimerie Mavit-Sival à payer à M. X... la somme de 16 165,35 euros à titre de contrepartie financière à la clause de non-concurrence, avec intérêts au taux légal à compter de la demande ;
Condamne la société Imprimerie Mavit-Sival aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Imprimerie Mavit-Sival à payer la somme de 2 500 euros à M. X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit juin deux mille cinq.