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01/06/2005 | FRANCE | N°04-80970

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 01 juin 2005, 04-80970


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Eric,

- Y... Pierre,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 9ème chambre, en date du 29 janvier 2004, qui, pour fraude fiscale et omission de passation d'écritures en comptabilité, les a condamnés, chacun, à 1 an d'emprisonnement, a ordonné l'affichage et la publication de la décision, et a prononcé sur les demandes de l'administration des Impô

ts, partie civile ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 19 mai 2005 ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Eric,

- Y... Pierre,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 9ème chambre, en date du 29 janvier 2004, qui, pour fraude fiscale et omission de passation d'écritures en comptabilité, les a condamnés, chacun, à 1 an d'emprisonnement, a ordonné l'affichage et la publication de la décision, et a prononcé sur les demandes de l'administration des Impôts, partie civile ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 19 mai 2005 où étaient présents : M. Cotte président, M. Dulin conseiller rapporteur, MM. Pibouleau, Challe, Roger, Mmes Thin, Desgrange, MM. Rognon, Chanut, Mme Nocquet conseillers de la chambre, M. Soulard, Mmes Salmeron, Labrousse conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Fréchède ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

Sur le rapport de M. le conseiller DULIN, les observations de Me SPINOSI et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRECHEDE ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire commun aux demandeurs et le mémoire en défense produits ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, de l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales, 459, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt a rejeté l'exception de nullité de la procédure engagée à l'encontre d'Eric X... et Pierre Y... ;

"aux motifs que "les prévenus reprochent à l'administration fiscale de ne pas leur avoir adressé personnellement cet avis :

qu'Eric X... expose notamment que sa qualité de gérant de fait était connue du service vérificateur bien avant l'envoi de l'avis de vérification de comptabilité, et qu'il a été privé ainsi de la possibilité de présenter ses observations écrites dans le délai de trente jours" ;

"que, "toutefois, si l'absence d'envoi ou de remise de l'avis de vérification au gérant de fait peut justifier une décision faisant droit à une exception de nullité de procédure, cela suppose que la qualité de gérant de fait était connue de l'administration fiscale lors de l'envoi de l'avis de vérification" ;

"qu' "en l'espèce, il ressort des pièces figurant au dossier que les prévenus ont, au cours de la procédure, contesté leur gérance et qu'ils contestent toujours cette qualité ; que le gérant de droit, pour sa part, n'a contesté sa qualité de gérant qu'à la fin de la procédure, indiquant ne pas avoir réalisé ce qui se passait dans l'entreprise au cours de ses auditions et ajoutant n'avoir réalisé qu'après coup qu'il avait été un "gérant de paille"" ;

"que "l'Administration n'a eu connaissance de la qualité de gérant de fait des prévenus qu'en exerçant son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire, postérieurement à l'envoi de l'avis de vérification en date du 4 mai 1999" ;

"qu' "ayant reçu, pour information, les pièces de la procédure de contrôle à l'issue de la vérification, les prévenus n'ont fourni aucune observation" ;

"alors que, d'une part, le respect des droits de la défense, impliquant le droit à une procédure contradictoire, impose que l'administration fiscale notifie l'avis de vérification de comptabilité au gérant de fait de la société contrôlée dès qu'elle acquiert la connaissance de son existence et de son identité, peu important que celui-ci reconnaisse cette qualité ; qu'a privé sa décision de base légale, la cour d'appel qui s'est bornée à constater que, lorsque l'avis de vérification de la comptabilité avait été adressé au gérant de droit de l'EURL, l'administration fiscale ne savait pas que les prévenus étaient gérants de fait de cette entreprise, sans rechercher si la connaissance de l'existence ou de l'identité des gérants de fait n'avait pas été acquise par l'administration fiscale avant la fin des opérations de vérification de comptabilité, ce qui l'aurait obligé à leur notifier l'avis de vérification ;

"alors que, d'autre part, dans ses conclusions, Pierre Y... soutenait que l'administration fiscale avait procédé à un second avis de vérification le 7 juin 1999 et qu'il en résultait nécessairement que l'administration fiscale qui avait eu connaissance de la qualité de dirigeants de fait de l'EURL des prévenus, à l'occasion de la communication de la procédure d'instruction en cours le 2 juin 1999, avant cette date, aurait dû leur adresser l'avis de vérification de la comptabilité ; qu'en se contentant de constater que le premier avis de vérification était antérieur à la connaissance de la qualité de gérant de fait des prévenus par l'administration fiscale, la cour d'appel n'a pas répondu à ce chef péremptoire des conclusions ;

"alors qu'enfin, il était encore soutenu que l'administration fiscale du secteur de Paris avait pu acquérir la connaissance de l'existence et de l'identité des dirigeants de fait, au vu des investigations effectuées dans la procédure fiscale initiée dans le Val-de-Marne et qu'il appartenait à la cour d'appel de rechercher si cette date n'était pas antérieure à l'envoi de l'avis de vérification fiscale du 11 mai 1999 ; que la cour d'appel, qui n'a pas répondu à ce chef péremptoire de conclusions, a privé de plus fort sa décision de base légale" ;

Attendu que, pour écarter l'exception de nullité soulevée par Eric X... et Pierre Y..., tirée de l'absence d'envoi ou de remise à leur personne de l'avis de vérification de comptabilité de la société dont ils revendiquaient la gérance de fait, l'arrêt attaqué prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision ;

Qu'en effet, l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales selon lequel la vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été préalablement averti, n'implique pas l'envoi ou la remise de l'avis de vérification à une personne autre que le redevable de l'impôt ou son représentant légal ;

D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1741, 1743 du Code général des impôts, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré les prévenus coupables de fraudes fiscales et les a condamnés pénalement et civilement ;

"aux motifs que "Pierre Y..., que les coprévenus désignent expressément comme ayant été le principal animateur de la société, a reconnu avoir déjà été gérant de deux sociétés de négoce de produits informatiques ; que Gilles Z... a précisé que c'était Pierre Y... qui lui faisait signer des déclarations de TVA qu'il avait lui-même remplies" ;

"qu' "Eric X... ne peut utilement invoquer qu'il n'a pas commis de manière intentionnelle l'infraction qui lui est reprochée alors qu'il n'est pas contesté qu'il a été, avec Pierre Y..., à l'origine de la création de la société, et qu'il a reconnu, en outre, avoir eu dans la société World Computer System une activité centrée sur la vente mais a admis qu'il avait également choisi lui- même la banque Monte-Paschi ; qu'il a enfin reconnu à l'audience devant le tribunal correctionnel avoir été le dirigeant de fait de la société" ;

"et aux motifs adoptés que, "s'agissant de Pierre Y..., "son rôle de co-dirigeant de fait est toutefois suffisamment établi par les déclarations concordantes sur ce point de Gilles Z... et d'Eric X... alors qu'il ressort des informations recueillies par les services fiscaux à l'occasion de leur accès au dossier de l'instruction ouverte à l'encontre des prévenus des chefs de contrefaçon de marque et d'escroquerie qu'il avait, lors d'un interrogatoire s'étant déroulé le 16 juillet 1998, reconnu sa participation active à la direction de la société" (...) ;

"et aux motifs que, "lors de sa comparution à l'audience, Eric X... a admis avoir géré de fait l'EURL WCS conjointement avec Pierre Y..., dont il a cependant mis en avant le rôle prépondérant, lui-même s'étant, à ses dires, principalement occupé des achats et des ventes" ;

"alors que, d'une part, la qualité de gérant de fait implique un pouvoir de gestion de la société en toute indépendance ; que le fait d'avoir antérieurement dirigé deux sociétés, n'était pas de nature à établir la qualité de dirigeant de fait des prévenus ;

"alors que, d'autre part, le fait de remplir une déclaration de TVA n'était pas à elle seule de nature à établir la qualité de dirigeant de fait de Pierre Y..., soit de sa gestion en toute indépendance de l'EURL, faute pour la Cour d'avoir constaté que ce dernier décidait du contenu de cette déclaration ;

"alors qu'enfin, seuls les juges du fond ont qualité pour établir la qualité de dirigeant de fait ; que la reconnaissance par les prévenus de cette qualité n'était pas de nature à l'établir" ;

Attendu que, pour dire Eric X... et Pierre Y... dirigeants de fait de l'EURL World Computer System, l'arrêt attaqué, par motifs adoptés, énonce notamment qu'il résulte de leurs propres déclarations et des éléments recueillis que le gérant de droit de la société, chauffeur de taxis salarié, était un prête-nom et qu'ils étaient les véritables dirigeants de l'entreprise ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, relevant de son pouvoir souverain d'appréciation, et dès lors qu'il en résulte que les prévenus ont accompli des actes positifs de direction, de gestion ou d'administration générale de la société, la cour d'appel a justifié sa décision ;

Qu'ainsi, le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le premier juin deux mille cinq ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 04-80970
Date de la décision : 01/06/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

IMPOTS ET TAXES - Impôts directs et taxes assimilées - Procédure - Infractions - Constatation - Vérifications ou contrôle - Avis de vérification - Destinataire.

IMPOTS ET TAXES - Impôts directs et taxes assimilées - Procédure - Infractions - Constatation - Vérifications ou contrôle - Vérification de la situation fiscale ou de la comptabilité du contribuable - Formalités - Débat oral et contradictoire - Bénéficiaire - Gérant de fait (non)

La vérification de comptabilité, qui ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été préalablement averti, n'implique pas l'envoi ou la remise de l'avis de vérification à une personne autre que le redevable de l'impôt ou son représentant légal (arrêts n°s 1 et 2). Encourt dès lors la censure l'arrêt d'une cour d'appel qui, pour prononcer la nullité de la procédure, énonce que le gérant de fait d'une société doit bénéficier d'un débat oral ou contradictoire lorsque sa qualité est connue de l'administration des Impôts à la date d'envoi de l'avis de vérification (arrêt n° 1).


Références :

Livre des procédures fiscales L47

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 29 janvier 2004

En sens contraire : Chambre criminelle, 2000-03-01, Bulletin criminel 2000, n° 99 (arrêts n°s 1 et 2), p. 295 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 01 jui. 2005, pourvoi n°04-80970, Bull. crim. criminel 2005 N° 170 p. 596
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2005 N° 170 p. 596

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Fréchède (arrêts n°s 1 et 2).
Rapporteur ?: M. Rognon (arrêt n° 1), M. Dulin (arrêt n° 2).
Avocat(s) : Me Foussard (arrêts n°s 1 et 2), Me Blondel(arrêt n° 1), Me Spinosi (arrêt n° 2).

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:04.80970
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