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25/05/2005 | FRANCE | N°04-85180

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 25 mai 2005, 04-85180


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-cinq mai deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ARNOULD, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHEMITHE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Seddik,

contre l'arrêt de la cour d'appel de DOUAI, 6ème chambre, en date du 18 mai 2004, qui a rejeté sa requête en relèvemen

t de l'interdiction définitive du territoire français ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-cinq mai deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ARNOULD, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHEMITHE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Seddik,

contre l'arrêt de la cour d'appel de DOUAI, 6ème chambre, en date du 18 mai 2004, qui a rejeté sa requête en relèvement de l'interdiction définitive du territoire français ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et 1er du premier protocole additionnel à la même Convention, 591 à 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et de réponse à conclusions, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la requête en relèvement d'une interdiction définitive du territoire français présentée par Seddik X... ;

"aux motifs que Seddik X..., de nationalité marocaine, a été condamné le 10 décembre 1987 à 4 ans d'emprisonnement et à l'interdiction définitive du territoire français, dans le cadre d'un trafic de produits stupéfiants ; cette condamnation étant antérieure au 1er mars 1994, il ne peut être relevé de plein droit de l'interdiction définitive du territoire qui le frappe ; Seddik X... a été condamné deux fois pour des infractions à la législation sur les stupéfiants, soit le 24 septembre 1986 et le 10 décembre 1987 ; l'importance du trafic de produits stupéfiants sanctionné en 1987, par une peine de 4 ans d'emprisonnement, et le fait qu'il s'agisse d'une deuxième condamnation, rendent inopportun un relèvement de la mesure d'interdiction définitive du territoire français ;

"alors, d'une part, qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, et il ne peut être porté atteinte à ce droit que si la mesure est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre, à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé et de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; qu'en l'espèce, Seddik X... a fait savoir à l'appui de sa demande de relèvement d'interdiction définitive du territoire français, qu'il résidait en France depuis 1973, était marié avec Sfia Y...
Z... avec laquelle il avait eu 6 enfants légitimes, tous nés entre 1982 et 1997, dont les trois premiers sont de nationalité française et les trois derniers sont mineurs et scolarisés en France où ils résident régulièrement ; qu'en justifiant le refus du relèvement d'interdiction définitive du territoire français par les seules condamnations passées qui remontent aux 24 septembre 1986 et 10 décembre 1987, soit il y a plus de 17 ans, sans rechercher si le maintien de cette interdiction définitive du territoire français respectait encore un juste équilibre entre, d'une part, le droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé et, d'autre part, les impératifs de sûreté publique, de défense de l'ordre et de prévention des infractions pénales, prévus par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

"alors, d'autre part, que constitue une ingérence dans la vie privée et familiale de l'intéressé, excessive au regard des intérêts visés par l'article 8 2 de la Convention européenne des droits de l'homme, le fait de maintenir au-delà de 17 ans une interdiction du territoire frappant un homme qui est en France depuis plus de 30 ans qui n'a eu aucun démêlé judiciaire depuis cette date, dont les 6 enfants sont nés en France, les 3 premiers étant de nationalité française et les trois derniers, encore mineurs, scolarisés en France où ils vivent régulièrement depuis leur naissance et ne connaissent que la vie française, nonobstant la circonstance, insuffisante pour justifier le déracinement complet de la cellule familiale ou l'arrachement du père à son foyer en France, que le relèvement serait une mesure "inopportune" au regard des infractions reprochées ; que la cour d'appel a ainsi manifestement violé l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme" ;

Vu l'article 593 du Code pénal, ensemble les articles 702-1 et 703 du Code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction de motifs équivaut à leur absence ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Seddik X..., ressortissant marocain, a déposé une requête en relèvement de la peine d'interdiction définitive du territoire français, prononcée à titre complémentaire, par arrêt antérieur, du chef d'infractions à la législation sur les stupéfiants ; qu'il a notamment invoqué, à l'appui de sa demande, sa résidence en France depuis 1973, soit depuis 14 ans lors de sa condamnation, ainsi que son mariage avec une personne résidant également en France ; qu'il a, en outre, fait valoir qu'il était père de six enfants, quatre d'entre eux étant de nationalité française ;

Attendu que, pour rejeter cette requête, l'arrêt prononce par les motifs reproduits au moyen ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans rechercher si le maintien de la mesure en cause respectait un juste équilibre entre, d'une part, le droit au respect de la vie privée et familiale du requérant et, d'autre part, les impératifs de sûreté publique , de prévention des infractions pénales et de protection de la santé publique, prévus par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Douai, en date du 18 mai 2004, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Amiens, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Douai et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Arnould conseiller rapporteur, M. Le Gall conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 04-85180
Date de la décision : 25/05/2005
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 8.1. - Droit au respect de la vie privée et familiale, du domicile et de la correspondance - Etranger - Interdiction du territoire français - Relèvement - Motivation.

PEINES - Peines complémentaires - Interdiction, déchéances ou incapacités professionnelles - Interdiction du territoire français - Interdiction définitive du territoire français - Trafic de stupéfiants - Relèvement - Motivation - Convention européenne des droits de l'homme - Article 8

ETRANGER - Interdiction du territoire français - Interdiction définitive du territoire français - Infraction à la législation sur les stupéfiants - Relèvement - Motivation - Convention européenne des droits de l'homme - Article 8

Méconnaît les dispositions de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme la cour d'appel qui, saisie d'une demande de relèvement d'une peine d'interdiction définitive du territoire français par un requérant invoquant le droit au respect de sa vie privée et familiale, ne recherche pas si le maintien de la mesure en cause respecte un juste équilibre entre le droit précité et les impératifs visés à l'article 8.2 de ladite Convention.


Références :

Code de procédure pénale 593, 702-1, 703
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales art. 8

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 18 mai 2004

Dans le même sens que : Chambre criminelle, 2001-03-13, Bulletin criminel 2001, n° 63, p. 216 (cassation)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 25 mai. 2005, pourvoi n°04-85180, Bull. crim. criminel 2005 N° 158 p. 565
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2005 N° 158 p. 565

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Chemithe.
Rapporteur ?: M. Arnould.
Avocat(s) : la SCP Waquet, Farge et Hazan.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:04.85180
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