AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 26 mars 2004), que M. X..., qui perçoit une rente d'invalidité au titre d'une maladie professionnelle occasionnée par l'amiante reconnue par la Caisse primaire d'assurance maladie de Strasbourg le 15 février 2000, a saisi, le 19 novembre 2002, aux fins d'indemnisation, le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (le Fonds), qui, après lui avoir alloué une provision de 4 000 euros, lui a notifié une offre d'indemnisation ; que, refusant celle-ci, M. X... a saisi la cour d'appel d'une action contre la décision du Fonds ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande en paiement de diverses sommes au titre des pertes de salaires pour la période 1979 à 1997 et au titre de sa pension de retraite de sécurité sociale, alors, selon le moyen :
1 / que, dans ses écritures d'appel, M. X... soutenait, d'une part, que les médecins n'ont fait aucun lien entre le tabagisme et ses difficultés respiratoires et, d'autre part, qu'il fumait seulement des cigarettes à l'eucalyptus achetées en pharmacie ; qu'en s'abstenant de rechercher si le fait de fumer ces cigarettes qui sont reconnues sans tabac et sans nicotine est de nature à provoquer une obstruction des bronches, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
2 / que M. X... avait soutenu qu'avant d'être atteint par sa maladie, il pratiquait de nombreux sports ; qu'il a dû cesser son activité sportive et toute activité engendrant des efforts au moment où sont apparus les problèmes de manque de capacité respiratoire, soit en 1978-1979 ; que l'arrêt de toute activité sportive a engendré durant des années un surpoids ; qu'en s'abstenant de répondre à ce chef de conclusions de nature à exercer une influence juridique sur l'issue du litige, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que sous le couvert des griefs non fondés de violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile et de défaut de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion devant la Cour de Cassation la valeur et la portée des éléments de preuve soumis au débat devant la cour d'appel, qui, répondant aux conclusions par une décision motivée, et sans être tenue de mieux s'expliquer sur le choix des critères d'évaluation de l'incapacité permanente partielle qu'elle retenait ni de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inutile, a souverainement apprécié l'existence et l'étendue du préjudice patrimonial subi par M. X... pour la seule période postérieure à la première constatation médicale de la maladie provoquée par l'amiante du 15 avril 1997, ainsi que le montant de la rente annuelle propre à assurer l'entière réparation de l'intégrité physique qu'il avait subie du fait de cette maladie ;
D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande en réparation de son préjudice patrimonial, alors, selon le moyen, que les prétentions d'une partie formulée dans les motifs de ses conclusions doivent être prises en considération par le juge ; qu'en décidant que M. X... ne réclame aucun montant au titre de son préjudice patrimonial, alors que dans les motifs de ses conclusions il sollicitait l'allocation d'une somme de 755 344,45 euros, la cour d'appel a violé les articles 4 et 954, alinéa 1er, du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que, selon les productions, M. X... réclamait la somme visée par le moyen pour une période antérieure à l'année 1997, cependant exclue par la cour d'appel pour indemniser le préjudice patrimonial découlant de la maladie provoquée par l'amiante, et admettait être de ce chef rempli de ses droits par la rente versée par la Sécurité sociale ;
D'où il suit que le moyen, contraire aux écritures d'appel, est irrecevable ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de lui avoir alloué des sommes en réparation de son préjudice moral, de son préjudice d'agrément et des souffrances endurées, alors, selon le moyen :
1 / que, en déclarant seulement qu'au vu des éléments produits par les parties les montants proposés par le FIVA, soit respectivement 200 euros et 800 euros au titre du pretium doloris et du préjudice d'agrément, apparaissent insuffisants et il y a lieu d'allouer une somme de 1 500 euros pour chacun de ces deux chefs de préjudice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe de la réparation intégrale ;
2 / que, en déclarant que le montant proposé par le FIVA au titre du préjudice moral apparaît effectivement justifié en tenant compte de l'âge du requérant et du risque limité de voir les plaques pleurales dégénérer en une maladie maligne, la cour d'appel, qui s'est déterminée par une simple affirmation, sans préciser en quoi l'évaluation de l'une des parties au procès doit être préférée à celle de l'autre, n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
3 / que, et pour les mêmes raisons, la cour d'appel a méconnu le principe de l'égalité des armes et celui de l'équité de la procédure, violant ainsi l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu que sous le couvert des griefs non fondés de violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile et de l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de défaut de base légale au regard du principe de la réparation intégrale, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion devant la Cour de Cassation la valeur et la portée des éléments de preuve soumis au débat devant la cour d'appel, qui, par une décision motivée, répondant aux conclusions, et sans être liée par un barème ni tenue de mieux s'expliquer sur le choix des critères d'évaluation qu'elle retenait ou de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a souverainement apprécié, par l'évaluation qu'elle en a faite, l'existence et l'étendue des préjudices extra-patrimoniaux subis par M. X..., ainsi que le montant des indemnités propres à en assurer l'entière réparation ;
D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ; le condamne à payer au Fonds d'Indemnisation des victimes de l'amiante la somme de 2 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mai deux mille cinq.