AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 3 décembre 2004), que les époux X..., preneurs à bail de locaux à usage commercial appartenant à la société civile immobilière (SCI) Les Braies, lui ont notifié, par acte du 6 février 2001, une demande de renouvellement de leur contrat de location ; que le 19 juin 2001, la SCI Les Braies a assigné ses locataires aux fins de voir constater qu'ils n'avaient pas droit au renouvellement du bail au motif que Mme X..., cotitulaire de ce bail et séparée de biens de son époux, n'était pas inscrite au registre du commerce et des sociétés lors de la demande de renouvellement ;
Attendu que les époux X... font grief à l'arrêt d'accueillir la demande, alors, selon le moyen :
1 / que constitue une atteinte disproportionnée portée au droit à la "propriété commerciale" reconnue au preneur par les articles L. 145-1 et suivants du Code commerce le fait, pour un bailleur, de dénier le bénéfice de ce droit -en dépit de l'immatriculation régulière de l'un des époux séparés de biens au registre du commerce à la date de la demande de renouvellement du bail formée par les deux époux, cotitulaires du bail- sur le seul fondement du défaut d'immatriculation (non susceptible de lui causer grief et bientôt régularisé) de l'autre époux à cette date ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les dispositions combinées des articles L. 145-1, L. 145-10 du Code de commerce, ensemble l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention européenne des droits de l'homme et du citoyen ;
2 / qu'en toute hypothèse, une telle atteinte est excessive et, par là-même abusive, lorsque la dénégation du droit à la "propriété commerciale" permet au bailleur d'utiliser la mise en uvre jurisprudentielle rigide d'une réglementation destinée à l'information des tiers qui contractent avec les commerçants, comme moyen de pression pour tenter de se soustraire à l'indemnisation des préjudices causés aux preneurs par ses graves manquements à son obligation d'assurer "le clos et le couvert" pendant le bail et, en toute hypothèse pour se soustraire de façon certaine aux conséquences de ces manquements graves poursuivis au-delà de la date d'expiration du bail qu'il a ainsi non renouvelé ; qu'en l'espèce, en retenant que la SCI Les Braies avait pu valablement dénier à M. et Mme X... le bénéfice du statut et, donc, leur droit au renouvellement du bail, sans rechercher, alors qu'elle constatait que M. X... était régulièrement immatriculé au registre du commerce à la date de la demande de renouvellement, si le droit positif résultant de la jurisprudence ne permettait pas objectivement au bailleur de se servir abusivement du défaut d'immatriculation de Mme X... (ne lui causant aucun préjudice et depuis lors régularisé), d'une part, comme moyen de pression pour décourager toute demande d'indemnisation des préjudices subis au cours du bail dans une instance pendante et d'autre part, pour en limiter l'importance dans le temps, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 145-1, L. 145-10 du Code de commerce, ensemble l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention européenne des droits de l'homme et du citoyen ;
Mais attendu que le fait, pour un bailleur, de dénier le bénéfice du droit au renouvellement à deux époux séparés de biens sur le fondement du défaut d'immatriculation d'un seul d'entre eux à la date de leur demande de renouvellement ne constitue pas une atteinte disproportionnée au droit à la "propriété commerciale" reconnu aux locataires au regard des dispositions de l'article 1er du protocole additionnel n° 1 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que les dispositions du Code de commerce relatives au renouvellement du bail commercial réalisent un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général et les impératifs de sauvegarde des droits fondamentaux de la personne ;
qu'ayant constaté que Mme X... n'était pas inscrite au registre du commerce et des sociétés à la date de la demande de renouvellement ainsi qu'à la date d'expiration du bail, la cour d'appel, qui a fait la recherche prétendument omise, en a exactement déduit que les époux X... avaient perdu le droit au renouvellement de leur bail commercial ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les époux X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande des époux X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mai deux mille cinq.