AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Agen, 7 octobre 2003), que M. et Mme X... ont assigné la Société d'aménagement foncier et d'établissement rural Garonne-Perigord (SOGAP) en paiement de dommages et intérêts, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, pour n'avoir pas exercé son droit de préemption lors de la vente de terres alors que "l'attribution des parcelles objet de cette vente aurait permis d'aboutir à une amélioration parcellaire de leur propriété et à un apport de rentabilité pour eux-mêmes ainsi que pour leur fils" ; que leur fils Vincent est intervenu volontairement à l'instance ;
Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande alors, selon le moyen :
1 / que, si le juge judiciaire n'a pas le pouvoir d'apprécier l'opportunité des décisions prises par les SAFER dans l'exercice de leur droit de préemption, il lui incombe, en revanche, selon l'article L. 143-8 du Code rural, de contrôler la régularité de ces décisions, y compris de refus de préemption, et donc leur conformité aux objectifs assignés par l'article L. 143-2 du Code rural à l'exercice du droit de préemption des SAFER ;
qu'en se déniant le pouvoir d'examiner la demande des consorts X... tendant à faire constater le caractère irrégulier de la décision de non-préemption prise par la SOGAP en ce qu'une telle décision était directement contraire à la mission qui lui est assignée par la loi dans l'exercice de son droit de préemption, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé les textes susvisés ;
2 / que si le juge judiciaire n'a pas le pouvoir de contraindre une SAFER à exercer son droit de préemption, il lui incombe, en vertu de l'article L. 143-8 du Code rural, d'apprécier la régularité de la décision de ne pas préempter, et plus spécialement sa conformité aux objectifs fixés par l'article L. 143-2 du Code rural, dès lors que la conséquence qu'il lui est demandé de tirer de l'irrégularité n'est pas l'annulation de la décision négative, mais seulement la constatation d'une faute de la société susceptible d'engager sa responsabilité civile ; qu'en considérant qu'elle n'avait pas le pouvoir d'examiner la demande d'indemnisation des consorts X... fondée sur le fait que la SOGAP avait manifestement manqué à la mission que lui assigne la loi en décidant de ne pas préempter les terres de la succession Y..., alors que cette demande n'impliquait pas d'annuler la décision prise, ni donc d'enjoindre à la SOGAP d'exercer son droit de préemption, mais uniquement de tirer les conséquences sur le plan de la responsabilité civile de droit commun du manquement invoqué, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé l'article L. 143-8 du Code rural, ensemble l'article L. 143-2 du même Code ;
Mais attendu qu'ayant retenu, à bon droit, que le juge judiciaire n'avait pas la faculté d'enjoindre à une Société d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) d'exercer son droit de préemption ou de retrocession, ni le pouvoir d'apprécier l'opportunité d'exercer ou non ce droit, la cour d'appel, qui a constaté que la SOGAP n'avait pas usé de son droit de préemption, en a exactement déduit, dès lors qu'aucune intention de nuire n'était invoquée, que cette société n'avait pas commis de faute au préjudice des consorts X... ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le second moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les consorts X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande des consorts X..., les condamne à payer à la société anonyme Safer Garonne Perigord Sogap la somme de 2 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mai deux mille cinq.