AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la Société générale (la banque) a consenti à partir de 1992 à la société Sarex divers concours partiellement garantis par le cautionnement de son gérant, M. X... ;
que celui-ci, par acte du 5 novembre 1992, a, par ailleurs, aux fins de régler une soulte due au titre d'un terrain reçu en donation-partage, souscrit, dans l'attente de sa vente, un prêt relais de 730 000 francs ; que, par acte du 29 décembre 1993, ce crédit a été renouvelé à concurrence de 830 000 francs, puis prorogé par deux avenants successifs en 1995 ;
que la société Sarex et M. X..., assignés par la banque en paiement en septembre 1998, ont recherché sa responsabilité au titre de l'octroi de ces différents crédits ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Sarex fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à la banque au titre du prêt de 350 000 francs consenti le 10 mars 1992 la somme de 142 687,45 francs outre les intérêts au taux conventionnel de 13,10 % sur 115 768,40 francs du 14 avril 2000 jusqu'au règlement, alors, selon le moyen, que le taux effectif global d'un prêt doit être mentionné dans le contrat de prêt lui-même ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt qu'en l'espèce, le taux effectif global était seulement mentionné dans l'offre de prêt ; qu'en décidant néanmoins que la mention du taux effectif global était régulière, la cour d'appel a violé l'article L. 313-2 du Code de la consommation ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la mention du taux effectif global pratiqué figure explicitement sur l'offre qui fait corps avec le prêt, la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la société Sarex et M. X..., en sa qualité de caution, au titre du prêt de 200 000 francs, font grief à l'arrêt de les avoir condamnés au paiement de la somme de 206 653,51 francs outre intérêts en invoquant, dans sa première branche, une violation de l'article 1147 du Code civil et, dans sa seconde branche, une violation des articles 1134 et 1147 du Code civil ;
Mais attendu qu'aucun de ces griefs ne serait de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que la société Sarex et M. X..., en sa qualité de caution dans la limite de 150 000 francs, font grief à l'arrêt de les avoir condamnés à payer le montant hors agios du solde débiteur du compte clos au 10 février 1998, en invoquant la violation des articles 1134 et 1147 du Code civil ;
Mais attendu que ce grief ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le quatrième moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt, au titre du crédit relais de 730 000 francs, de l'avoir condamné au paiement de la somme de 375 796,64 francs, outre les intérêts au taux conventionnel de 10,50 % sur 54 300 francs du 14 avril 2000 jusqu'au règlement, alors, selon le moyen :
1 / que manque à son obligation d'information et de conseil la banque qui accepte de prêter des fonds au moyen d'un crédit relais et de proroger ce crédit à plusieurs reprises, sur une durée totale de plus de cinq années, à un taux supérieur à ceux pratiquées pour les autres crédits, sans conseiller à l'emprunteur de recourir à un emprunt moins coûteux, qu'il est constant que M. X... a emprunté une somme de 730 000 francs le 5 novembre 1992 au moyen d'un crédit relais au taux de 12,69 %, que ce crédit a été prorogé par actes des 29 décembre 1993, 3 janvier et 7 juillet 1995, portant cette fois sur une somme de 830 000 francs au taux de 10,50 %, ce crédit n'étant remboursé qu'en 1998 ; qu'en décidant que la banque avait pu consentir et proroger ce crédit relais sans être tenue de conseiller à M. X... de souscrire un emprunt plus adapté à sa situation et moins coûteux, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147 du Code civil ;
2 / que les dispositions d'ordre public du Code de la consommation relatives au crédit immobilier s'appliquent aux prêts ayant pour objet le financement de l'achat de terrains destinés à la construction d'immeubles à usage d'habitation ou à usage professionnel et d'habitation ; qu'elles s'appliquent donc au financement de tout terrain sur lequel la construction d'un immeuble est possible, même si le propriétaire n'envisage pas de faire réaliser lui-même cette construction lors de la conclusion du prêt ; qu'en l'espèce, pour décider que les règles relatives au crédit immobilier n'étaient pas applicables, la cour d'appel a retenu que l'emprunt litigieux avait été souscrit pour acquérir une parcelle de terre destinée à être aussitôt revendue sans construction, qu'en ne recherchant pas si une construction était susceptible d'être réalisée sur ce terrain, la cour d'appel a violé les articles L. 312-2, L. 312-7 et L. 312-8 du Code de la consommation ;
3 / que le renouvellement d'un emprunt soumis aux dispositions du Code de la consommation relatives au crédit immobilier est lui-même soumis à ces dispositions légales ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que selon l'offre de crédit et l'acte du 5 novembre 1992, le crédit relais était soumis aux dispositions légales relatives aux opérations de crédit immobilier ; qu'en décidant que le renouvellement de ce crédit n'était pas soumis à ces dispositions, la cour d'appel a violé les articles L. 312-2 et L. 312-8 du Code de la consommation ;
4 / que le juge est tenu, en toutes circonstances, de respecter le principe de la contradiction et ne peut donc fonder sa décision sur des motifs relevés d'office sans avoir préalablement ordonné la réouverture des débats pour permettre aux parties de s'expliquer sur ces motifs ; qu'en l'espèce, à l'appui de sa décision, la cour d'appel a retenu que les renouvellements du crédit relais ne relevaient pas du champ d'application des dispositions applicables au crédit immobilier, et que l'offre de crédit initiale du 5 octobre 1992 respectait les dispositions de la loi de validation du 12 avril 1996 ; qu'en relevant d'office ces moyens, qui n'avaient pas été invoqués par la banque dans ses conclusions d'appel, sans avoir permis aux parties de s'expliquer sur leur bien-fondé, la cour d'appel a violé l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et 16 du nouveau Code de procédure civile ;
5 / que tout contrat de crédit, même conclu à titre professionnel doit mentionner le taux effectif global ; qu'en confirmant un jugement qui avait prononcé une condamnation assortie des intérêts au taux conventionnel, sans justifier d'une mention du taux effectif global dans les contrats de prorogation du prêt, la cour d'appel a violé l'article L. 313-2 du Code de la consommation ;
Mais attendu, d'une part, que l'arrêt constate que l'emprunteur, M. X..., recherchait un crédit à court terme lui permettant de faire face à un manque de trésorerie temporaire résultant de l'obligation de régler une soulte mise à sa charge sans pouvoir attendre de percevoir le prix de vente du terrain reçu en donation ; qu'il relève encore que M. X... ne pouvait ignorer ni les difficultés susceptibles d'entourer cette vente à raison d'une clause de l'acte de donation faisant interdiction d'aliéner ce terrain au profit du centre commercial contigu ni, en sa qualité de chef d'entreprise avisé, que le taux d'un crédit à court terme est plus élevé qu'un crédit à long terme ;
qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a décidé que la technique du crédit relais était appropriée, a pu statuer comme elle a fait ;
Attendu, d'autre part, que, selon l'article L. 312-2 du Code de la consommation, les dispositions du même Code s'appliquent au financement de l'achat de terrains destinés à la construction d'immeubles d'habitation ou à usage professionnel et d'habitation ; qu'il résulte de ce texte que si l'acquisition n'a pas été réalisée dans cette intention, l'acquéreur ne saurait bénéficier de la protection spécifique instaurée par ces dispositions ; qu'après avoir retenu que l'emprunt litigieux n'avait été souscrit qu'à l'effet de régler une soulte due au titre d'un terrain, reçu en donation partage, destiné à être aussitôt vendu sans construction, c'est à bon droit que la cour d'appel a décidé que l'opération litigieuse ne relevait pas des dispositions précitées du Code de la consommation ;
Attendu, ensuite, que les parties, en renouvelant un crédit par un nouveau contrat, peuvent en modifier les conditions contractuelles initiales ou les conditions impératives auxquelles elles s'étaient auparavant soumises volontairement ; que l'arrêt relève que si les parties ont entendu se soumettre volontairement aux dispositions du Code de la consommation dans le crédit relais initial du 5 novembre 1992, elles les ont expressément écartées dans le nouvel acte du crédit relais du 29 décembre 1993, pris pour son renouvellement ; qu'il résulte de ces constatations que c'est à bon droit que la cour d'appel a statué comme elle a fait ;
Attendu, en outre, que c'est sans violer le principe de la contradiction que l' arrêt se prononce sur la régularité du crédit-relais initial et celle de son renouvellement ;
Attendu, enfin, que c'est au contraire à bon droit que l'arrêt a prononcé une condamnation au paiement du crédit-relais du 29 décembre 1993 en l'assortissant des intérêts au taux contractuel, l'exigence de la mention du taux effectif global sur les deux avenants de prorogation des 3 janvier et 7 juillet 1995 ne s'y appliquant pas, dès lors qu'il n'était pas contesté que les conditions du crédit étaient demeurées inchangées ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Mais sur le cinquième moyen, pris en sa première branche :
Vu les articles 1126 et 1152 du Code civil ;
Attendu que pour rejeter la demande de M. X... et de la société Sarex de modération des majorations de taux d'intérêts contenus dans les contrats des 10 mars, 26 juin 1992 et 8 mars 1996, l'arrêt écarte la qualification de clause pénale figurant aux prêts litigieux après avoir relevé que la clause litigieuse prévoyait une majoration de taux d'intérêts lors de la déchéance du terme des crédits résultant de la défaillance de l'emprunteur ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que constitue une clause pénale la stipulation selon laquelle le taux sera majoré en cas de défaillance de l'emprunteur, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de M. X... et de la société Sarex à voir modérer les majorations de taux d'intérêts contenus dans les contrats des 10 mars 1992, 26 juin 1992 et 8 mars 1996, l'arrêt rendu le 30 octobre 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;
Laisse à chaque partie la charge respective de ses dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de la société Sarex et de M. X... ainsi que celle de la Société générale ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mai deux mille cinq.