AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon la décision attaquée (Chambre nationale de discipline des commissaires aux comptes, 1er février 2002), que M. X..., commissaire aux comptes des sociétés Distrimar et Groupe PH a refusé de certifier les comptes de ces sociétés pour l'exercice clos le 30 novembre 1991 ; que la société Cecaudit, désignée en qualité de second commissaire aux comptes, a ultérieurement rédigé des rapports approuvant les comptes des deux sociétés pour l'exercice clos le 30 novembre 1992 et sollicité de M. X... qu'il appose sa signature au bas de ces rapports ; que M. X... a refusé et rédigé des rapports déclarant non sincères les comptes de l'exercice ; qu'il a ensuite établi et adressé aux sociétés, au titre de la vérification des comptes de l'exercice, des notes d'honoraires incluant la rémunération du travail consacré par lui à l'étude du dossier d'incompatibilité de la société Cecaudit ; que les sociétés ayant refusé de régler ces honoraires, M. X... a soumis le litige à la Chambre régionale de discipline des commissaires aux comptes ; que la Chambre nationale de discipline des commissaires aux comptes a confirmé la décision ayant réduit de moitié le montant des honoraires demandés ;
Attendu que M. X... fait grief à la décision d'avoir ainsi statué alors, selon le moyen :
1 / que le commissaire aux comptes a l'obligation de révéler au procureur de la République, dès qu'il en a connaissance à l'occasion de sa mission, les irrégularités susceptibles de recevoir une qualification pénale ; que la Chambre nationale de discipline des commissaires aux comptes a décidé que les heures consacrées, par M. X..., à l'étude du dossier d'incompatibilité de la société Cecaudit, désignée comme commissaire aux comptes par les deux sociétés contrôlées, à la suite du refus de M. X... de certifier leurs comptes, ne pouvaient être assimilées à des travaux destinés à établir la révélation de faits délictueux au procureur de la République ; qu'en se prononçant ainsi, alors que constitue une infraction pénale le fait d'exercer conjointement les missions d'élaboration des comptes et celle de leur certification, qui, en tant que telle, doit être dénoncée au procureur de la République par le commissaire aux comptes, la Chambre nationale de discipline des commissaires aux comptes a violé les articles L. 225-240, L. 225-239 et L. 225-224.4 du Code de commerce ;
2 / que l'exercice conjoint des missions d'élaboration des comptes et de leur certification est une infraction pénalement sanctionnée ; que la Chambre nationale de discipline des commissaires aux comptes a décidé que les heures consacrées, par M. X..., à l'étude du dossier d'incompatibilité de la société Cecaudit ne pouvaient être assimilées à des travaux destinés à établir la révélation de faits délictueux au procureur de la République ; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher, comme l'y invitait M. X..., si le fait pour la société Cecaudit, commissaire aux comptes, d'avoir les mêmes administrateurs que la société Cecofrance, qui avait été chargée d'établir les comptes des sociétés Distrimar et Groupe PH, ne caractérisait pas une infraction pénale qui, en tant que telle, devait être dénoncée au procureur de la République, la Chambre nationale de discipline des commissaires aux comptes n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 225-240, L. 225-239 et L. 225-224. 4 du Code de commerce ;
3 / que la contrepartie du travail d'un commissaire aux comptes réside dans le versement d'honoraires par la société contrôlée et que les heures de travail consacrées à la révélation de faits délictueux doivent être rémunérées au même titre que celles consacrées aux opérations de contrôle ; qu'en décidant que les heures de travail consacrées à l'étude du dossier d'incompatibilité ne peuvent donner lieu à facturation, la Chambre nationale de discipline des commissaires aux comptes a violé les articles 1134 du Code civil et L. 225-239 du Code de commerce ;
4 / que le commissaire aux comptes est rémunéré en fonction du nombre d'heures de travail affectées à l'accomplissement de ses diligences ; que la Chambre nationale de discipline des commissaires aux comptes a décidé, pour réduire les honoraires de M. X... de moitié, que les heures qu'il avait consacrées à l'étude du dossier d'incompatibilité de la société Cecaudit, ne rentrant pas dans la mission légale du commissaire aux comptes et n'ayant pas été effectuées dans l'intérêt de la société, ne peuvent donner lieu à facturation ; qu'en se prononçant ainsi, en omettant de prendre en considération le fait que M. X... avait passé 29,13 % de son temps facturé et non 50 % à l'étude du dossier d'incompatibilité, la Chambre nationale de discipline n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 225-239 du Code de commerce et 119 du décret n° 69-810 du 12 août 1969 ;
Mais attendu, en premier lieu, que si le commissaire aux comptes doit être rémunéré par la société pour les heures de travail consacrées à la révélation de faits délictueux au procureur de la République, c'est à la condition qu'il ait eu connaissance de ces faits dans le cadre de sa mission ; qu'ayant retenu que les heures consacrées à la recherche d'incompatibilités frappant la société Cecaudit n'entraient pas dans la mission du commissaire aux comptes, la Chambre nationale de discipline des commissaires aux comptes en a déduit à bon droit qu'elles ne pouvaient donner lieu à facturation ;
Et attendu, en second lieu, que la Chambre nationale de discipline des commissaires aux comptes, statuant au regard de l'ensemble des éléments soumis à son appréciation, a souverainement décidé de réduire de moitié le montant des honoraires demandés par M. X... ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mai deux mille cinq.