AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-neuf avril deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller CASTAGNEDE, les observations de Me BOUTHORS, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FINIELZ ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- LA FONDATION BRIGITTE BARDOT, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de RIOM, chambre correctionnelle, en date du 25 mars 2004, qui, dans la procédure suivie contre Jacques X... du chef de mauvais traitements envers animaux, a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 214-3, L. 214-23 du Code rural, R. 654-1 du Code pénal, 1er et 15 du décret n 80-791 du 1er octobre 1980, 2, 99-1, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré irrecevable la demande de réparation du préjudice matériel présentée par l'association La Fondation Brigitte Bardot ;
"aux motifs que, à la suite de l'enquête préliminaire de la procédure pénale engagée contre Jacques X..., un arrêté préfectoral du 22 juillet 2002 ordonnait le retrait d'un troupeau de bovins et d'une meute de chiens de l'exploitation de Jacques X... et en confiait la garde à la Fondation Brigitte Bardot, en se fondant sur la constatation que Jacques X... n'assurait pas l'entretien nécessaire aux besoins des animaux de son troupeau ;
que la Fondation Brigitte Bardot soutient que si Jacques X... avait correctement traité ses animaux, ceux-ci n'auraient pas été confiés à sa garde et qu'elle n'aurait pas eu à supporter la charge de leurs frais de pension ; qu'ainsi elle souffre bien personnellement du dommage directement causé par les infractions et se trouve recevable à agir ; que l'arrêté préfectoral a été pris au visa de l'article L. 214-23 du Code rural ; que cet article dispose que dans le cadre des contrôles qu'il vise, les fonctionnaires et agents habilités dressent procès-verbal lorsqu'ils constatent des mauvais traitements à animaux et transmettent celui-ci au procureur de la République ; qu'il énonce qu'en cas d'urgence, ils peuvent ordonner le retrait des animaux et confier ceux-ci à une fondation ou à une association de protection des animaux jusqu'au jugement ; que dès lors que la garde a été confiée par l'autorité administrative agissant sur le fondement de l'article L. 214-23 du Code rural qui vise l'urgence, la partie civile n'est pas recevable à réclamer dans le cadre de la procédure pénale et de l'action civile, le remboursement de ses frais de garde engagés sur un fondement administratif ; qu'en effet, la Fondation Brigitte Bardot n'a pas été personnellement et directement lésée par l'infraction au sens de l'article 2 du Code de procédure pénale, les dépenses par elle exposées étant consécutives à l'exécution de l'arrêté préfectoral en date du 22 juillet 2002 ; que le jugement doit être réformé à ce titre ; que la Fondation Brigitte Bardot est irrecevable en sa demande de réparation de son préjudice matériel ;
"1 ) alors que, d'une part, sauf exonération tirée du prononcé d'un non-lieu ou d'une relaxe, l'article 99-1 du Code de procédure pénale met à la charge du propriétaire les frais de garde des animaux retirés et placés à l'issue du constat, opéré sur le fondement de l'article L. 214-23 du Code rural, des infractions dont ces animaux sont victimes; qu'en l'état de la condamnation pénale de Jacques X... pour des faits ayant donné lieu au retrait et au placement d'un troupeau de vaches, la cour d'appel ne pouvait légalement refuser de condamner le civilement responsable à rembourser les frais de garde exposés et sollicités par l'association Fondation Brigitte Bardot en sa qualité de gardien du cheptel ;
"2 ) alors qu'en tout état de cause, le retrait et le placement d'animaux subissant des mauvais traitements ordonnés en raison de l'urgence par l'autorité administrative sur le fondement de l'article L. 214-23 du Code rural, à l'issue du constat d'infractions à l'élevage, la garde et la détention d'animaux domestiques, entraînent des frais de garde, de soins et de nourriture lesquels sont en relation de causalité directe avec les infractions constatées ; que la cour d'appel ne pouvait déclarer irrecevable la demande de réparation du préjudice matériel de l'association Fondation Brigitte Bardot qui était en charge les bovins de Jacques X... depuis le jour de leur retrait et de leur placement ordonné par arrêté préfectoral du fait des infractions constatées sur ces animaux" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 18 juillet 2002, des inspecteurs des services véterinaires du Puy-de-Dôme, qui contrôlaient l'exploitation agricole de Jacques X..., ont constaté que des mauvais traitements étaient exercés envers des animaux domestiques ; que, le 22 juillet 2002, le préfet de la région Auvergne a pris un arrêté ordonnant le retrait d'environ trois cents bovins, cinq chevaux et six chiens, qui ont été confiés à la fondation Brigitte Bardot ;
Que, par jugement du tribunal de police de Riom du 22 novembre 2002, Jacques X... a été condamné du chef des contraventions de la quatrième classe édictées par les articles L. 214-3 du Code rural et 1er et 15 du décret du 1er octobre 1980 ; que, constituée partie civile, la fondation Brigitte Bardot a obtenu la condamnation de l'intéressé au paiement de 800 euros, au titre du préjudice subi en raison de l'objet statutaire de cette fondation, ainsi que de 80 567,79 euros en réparation du préjudice matériel tenant aux frais exposés pour la garde et l'entretien des animaux ;
Attendu que, statuant sur l'appel interjeté par Jacques X... contre les seules dispositions civiles du jugement relatives à ces frais, l'arrêt relève, pour infirmer la décision déférée et débouter la partie civile de sa demande, que les dépenses engagées par la fondation, qui sont consécutives à l'exécution de l'arrêté préfectoral du 22 juillet 2002, ne constituent pas un élément du préjudice né directement des infractions poursuivies ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que les dispositions du dernier alinéa de l'article 99-1 du Code de procédure pénale ne trouvent application que dans le cas d'un placement de l'animal ordonné par le procureur de la République ou le juge d'instruction, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
DIT n'y avoir lieu à application, au profit de l'association Fondation Brigitte Bardot, de l'article 618-1 du Code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Castagnède conseiller rapporteur, MM. Farge, Blondet, Palisse, Le Corroller conseillers de la chambre, Mme Guihal, M. Chaumont, Mme Degorce conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Finielz ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;