La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/04/2005 | FRANCE | N°02-13599

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 19 avril 2005, 02-13599


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué, que M. X..., associé dans la société civile Cabinet Plasseraud, a poursuivi cette société en annulation des délibérations de son assemblée générale du 24 février 1999, par laquelle ont été approuvés les comptes de la société pour l'exercice écoulé et ont été votés la répartition entre les associés du bénéfice comptable et du bénéfice fiscal de l'exercice 1998, ainsi que la contribution de

chaque associé au fonds de roulement du cabinet ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué, que M. X..., associé dans la société civile Cabinet Plasseraud, a poursuivi cette société en annulation des délibérations de son assemblée générale du 24 février 1999, par laquelle ont été approuvés les comptes de la société pour l'exercice écoulé et ont été votés la répartition entre les associés du bénéfice comptable et du bénéfice fiscal de l'exercice 1998, ainsi que la contribution de chaque associé au fonds de roulement du cabinet ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande tendant à faire constater la nullité de l'assemblée générale ordinaire du 24 février 1999, alors, selon le moyen :

1 ) qu'en vertu de l'article 1844-10 du Code civil, la violation d'une disposition impérative du titre IX du livre III de ce Code suffit à provoquer la nullité des actes et délibérations des organes sociaux sans qu'il soit besoin de constater que la nullité est expressément prévue comme sanction de la disposition violée ; qu'ayant relevé que le gérant du Cabinet Plasseraud s'était dispensé de rendre compte de sa gestion par écrit avant l'assemblée générale du 24 février 2004, au mépris des exigences des articles 1856 du Code civil et 41 du décret du 3 juillet 1978, la cour d'appel ne pouvait écarter la nullité des délibérations de cette assemblée générale au motif inopérant que "cette formalité n'était pas prévue à peine de nullité" ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'ensemble des textes susvisés ;

2 ) que la sanction de nullité des délibérations sociales qui s'attache à un défaut total d'information des associés et en particulier à la méconnaissance de l'obligation de rendre compte par écrit faite au gérant par l'article 1856 du Code civil n'est pas subordonné à la démonstration d'un grief pour le demandeur ; qu'en fondant sa décision d'écarter la nullité sur la circonstance, d'ailleurs inexacte, que "M. X... ne justifiait pas du grief qui lui aurait causé l'omission reprochée", la cour d'appel a violé l'article les articles 1844-10 et 1856 du Code civil ;

3 ) que la circonstance que les associés et gérants successifs de la société Cabinet Plasseraud se seraient mutuellement dispensés de respecter les exigences de l'article 1856 du Code civil dans le passé ne pouvait conduire à écarter la demande de nullité formée par M. X... ; qu'en faisant néanmoins prévaloir une pratique illicite, fût-elle unanime et constante, sur les dispositions impératives de l'article 1856 du Code civil et de l'article 41 du décret du 3 juillet 1978, la cour d'appel a derechef violé les textes susvisés ;

Mais attendu que le prononcé de la nullité attachée au non respect de l'obligation faite au gérant de rendre compte de sa gestion par écrit est subordonné à l'existence d'un préjudice causé par cette irrégularité ;

Attendu que, par motifs propres et adoptés, l'arrêt relève, tout d'abord, que l'assemblée générale du 24 février 1999 avait été précédée de l'envoi aux associés des projets de résolutions qui seraient mises au vote et que cet envoi a donné lieu de la part de M. X... à une lettre adressée aux gérants, le 19 février 1999, critiquant de façon circonstanciée les diverses résolutions proposées et dans lesquelles il relève l'absence de rapport de gérance ; que l'arrêt observe, ensuite, que les documents comptables utiles étaient à la disposition de M. X..., qu'il pouvait, comme tout associé, les consulter avant la réunion et que, compte tenu des termes mêmes de la lettre du 19 février 1999, il ne peut se prévaloir d'une quelconque insuffisance d'information ; que l'arrêt relève, encore, que M. X... n'a pas pris part au vote et que le défaut d'information qu'il allègue est sans lien avec le contenu des décisions qu'il critique comme lui faisant grief ; qu'en l'état de ces constatations et observations, dont il résulte, d'un côté, que M. X... avait eu, préalablement à l'assemblée générale, connaissance de tous les documents utiles à l'exercice d'un contrôle des propositions mises aux votes, ce qui l'a conduit à ne pas les voter, de l'autre, que les griefs invoqués étaient sans lien avec la cause de nullité qu'il invoquait, la cour d'appel, abstraction faite des motifs erronés critiqués par les première et troisième branches du moyen, appréciant souverainement les éléments de preuve qui lui étaient soumis, a pu statuer comme elle a fait ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande tendant à faire constater les atteintes portées à ses droits d'associé par les délibérations prises lors de l'assemblée générale du 24 février 1999 et à faire condamner, en conséquence, la société Cabinet Plasseraud à lui rembourser la somme de 42 212 euros au titre du trop perçu de fond de roulement, alors, selon le moyen :

1 ) que la cour d'appel ne pouvait se contenter d'énoncer qu'il n'était pas démontré en quoi les délibérations sur ces questions seraient contraires aux statuts ou à l'intérêt de la société, ni qu'elles conduiraient à des pratiques discriminatoires, sans examiner les éléments de preuve régulièrement versés aux débats qui faisaient apparaître que la contribution personnelle de M. X... au fond de roulement avait été augmentée de 580 % entre l'exercice 1997 et l'exercice 1998 tandis que l'effort financier imposé aux autres associés n'augmentait dans le même temps que d'un pourcentage minime ; qu'en se dispensant de cet examen, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motif et méconnu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

2 ) que la part de chaque associé dans les bénéfices se détermine, d'après l'article 1844-1 du Code civil, à proportion de sa part dans le capital social ; qu'en se bornant à affirmer qu'il n'était pas démontré que les délibérations relatives à l'augmentation du fond de roulement et à son mode de répartition fussent contraire aux statuts, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les statuts de cette société avaient dérogé à la règle d'égalité contenue dans l'article 1844-1 du Code civil, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;

Mais attendu que c'est par une appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui étaient soumis que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre M. X... dans le détail de son argumentation, ni de répondre à des allégations dépourvues de précisions, a légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande tendant à faire constater les atteintes portées à ses droits d'associé par les délibérations prises lors des assemblées générales des 26 février 1998 et 24 février 1999 et à faire condamner, en conséquence, la société Cabinet Plasseraud à lui rembourser la somme de 31 372,48 euros compensant le supplément d'impôt encouru par suite d'une répartition inégalitaire de l'assiette de l'impôt, alors, selon le moyen :

1 ) qu'en vertu de l'article 1844-1 du Code civil, la part de chaque associé dans les bénéfices se détermine à proportion de sa part dans le capital social ; que les statuts de la société civile Cabinet Plasseraud n'ont ni directement ni indirectement dérogé au principe d'égalité de traitement des associés et n'ont certainement pas prévu que l'un des associés pourrait se voir imposer une charge fiscale supérieure en pourcentage à sa part des bénéfices ; qu'en énonçant péremptoirement qu'il n'était pas démontré que la répartition du bénéfice fiscal et du bénéfice comptable aurait été contraire aux statuts ou discriminatoire, la cour d'appel a violé le texte susvisé par refus d'application ;

2 ) que l'article 1836, alinéa 2, du Code civil dispose que les engagements d'un associé ne peuvent en aucun cas, être augmentés sans le consentement de celui-ci ; qu'en conséquence, le consentement de M. X... devait nécessairement être recueilli en vue d'élever la part d'impôt mise à sa charge à un pourcentage supérieur à ses droits sur les bénéfices ; qu"en affirmant, cependant, que les délibérations prises à la majorité s'imposaient à M. X... en vertu de la loi de la majorité, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

3 ) que la renonciation à un droit de critique ne se présume pas et suppose un consentement éclairé du renonçant ; qu'en se bornant à relever que M. X... avait émis un vote favorable sur la répartition des bénéfices comptables et fiscaux lors de l'assemblée générale de l'exercice précédent, sans répondre aux conclusions par lesquelles M. X... exposait qu'il n'avait pris conscience du caractère discriminatoire de la méthode de répartition du bénéfice fiscal que bien après ce vote et précisément en raison de l'accumulation des mesures défavorables prises à son encontre lors des assemblées générales de février 1998 et 1999, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

4 ) qu'il est de principe que la renonciation ne peut être efficace qu'à la condition que le droit de critique abdiqué soit d'ores et déjà acquis ; que le vote favorable de M. X... lors de l'assemblée générale du 20 février 1996 ne pouvait donc être retenu comme une renonciation à critiquer les délibérations qui seraient prises lors des assemblées futures ;

qu'en statuant comme elle a fait la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu que, par motifs adoptés, l'arrêt relève qu'il est constant et démontré, au vu des procès verbaux d'assemblée générale produits, que, pour les exercices 1997 et 1998 mis en cause, la répartition du bénéfice comptable et celle du bénéfice fiscal entre les associés de la société Cabinet Plasseraud s'est effectuée selon les mêmes modalités de calcul que pour les exercices précédents et depuis 1983 au moins et que, chaque fois, elle a conduit à la constatation d'une différence dans la quote-part de contribution de chaque associé à chacun de ces deux postes comptables ; que l'arrêt retient encore que par le passé, M. X..., comme l'ensemble des associés ont, de façon constante, avalisé par leurs votes favorables et sans réserve cette façon de calculer, ce dont il résulte que M. X... a expressément approuvé l'interprétation des statuts dont elle résulte ; qu'enfin, l'arrêt précise qu'il ressort de l'examen des procès-verbaux des deux assemblées générales concernées que les règles de répartition critiquées par M. X... sont appliquées à tous les associés et que sa participation au bénéfice distribuable et au bénéfice fiscal de la société Cabinet Plasseraud est identique à celle d'un autre associé retraité disposant du même nombre de parts de même nature que lui ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations dont il ressort que la méthode de répartition procédait d'une interprétation par les associés des statuts et qu'elle était appliquée de façon identique et non discriminatoire à tous les associés en fonction de leur participation au capital de la société, la cour d'appel qui n'encourt pas le grief de la deuxième branche, a, abstraction faite du motif surabondant critiqué par les troisième et quatrième branches, pu statuer comme elle a fait ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le quatrième moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande de paiement de la somme de 54 938 euros à titre de dommages-intérêts compensant la distribution différée de bénéfices occultés, alors, selon le moyen :

1 ) que la renonciation à un droit de critique ne se présume pas et suppose un consentement éclairé du renonçant ; qu'en se bornant à affirmer que les votes approbatifs de M. X... sur les comptes sociaux des exercices passés empêchaient celui-ci de demander ultérieurement la réintégration de bénéfices occultés dans les exercices au cours desquels ils avaient été acquis, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le vice de surévaluation des provisions révélé seulement en 1998 par le commissaire aux comptes pouvait être connu de M. X... lors de ces votes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;

2 ) que la réintégration rétroactive des bénéfices occultés dans les comptes des exercices au cours desquels ils avaient été acquis était le seul moyen de se conformer à la règle d'égalité de traitement des associés formulée par l'article 1844-1 du Code civil ; qu'en affirmant, cependant, que la révélation d'un bénéfice occulté n'impliquait nullement une nécessaire rectification rétroactive des dividendes versés de puis 1989, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Mais attendu que par motifs propres et adoptés, l'arrêt relève que l'approbation sans réserve à l'occasion des assemblées générales annuelles de reddition de comptes entre 1990 et 1997, par M. X..., des comptes annuels et bilans intégrant les mécanismes qu'il dénonce, lui interdit de remettre en cause les décisions prises à cet égard ; que l'arrêt précise que la révélation faite en 1998 par le commissaire aux comptes, de ce bénéfice occulté procède d'un changement des méthodes d'évaluation des provisions ; qu'en l'état de ces constatations dont il ressort que le bénéfice occulté ne procédait d'aucune faute ou irrégularité, la cour d'appel qui n'encourt pas le grief inopérant de la seconde branche a légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, le condamne à payer à la société Cabinet Plasseraud, la somme de 2 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf avril deux mille cinq.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 02-13599
Date de la décision : 19/04/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

SOCIETE CIVILE - Associé - Information - Violation de l'obligation de reddition de compte par écrit - Sanction - Détermination.

SOCIETE CIVILE - Associé - Information - Violation de l'obligation de reddition de compte par écrit - Sanction - Nullité - Condition

Le prononcé de la nullité attachée au non-respect de l'obligation faite au gérant de rendre compte de sa gestion par écrit est subordonné à l'existence d'un préjudice causé par cette irrégularité.


Références :

Code civil 1856, 1844-10 al. 2

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 12 février 2002

A rapprocher : Chambre civile 1, 1989-10-31, Bulletin 1989, I, n° 339, p. 226 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 19 avr. 2005, pourvoi n°02-13599, Bull. civ. 2005 IV N° 96 p. 100
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2005 IV N° 96 p. 100

Composition du Tribunal
Président : M. Tricot.
Avocat général : M. Jobard.
Rapporteur ?: Mme Michel-Amsellem.
Avocat(s) : la SCP Célice, Blancpain et Soltner, la SCP Thomas-Raquin et Bénabent.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:02.13599
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award