AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le treize avril deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller PONROY, les observations de la société civile professionnelle CHOUCROY, GADIOU et CHEVALLIER, et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Françoise, épouse Y...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de CAEN, chambre correctionnelle, en date du 31 mars 2004, qui, pour non-assistance à personne en péril, l'a condamnée à 18 mois d'emprisonnement avec sursis, 5 ans d'interdiction professionnelle et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 223-6 et 223-16 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
"en ce que Françoise X..., épouse Y..., a été déclarée coupable du délit de non-assistance à personne en péril, condamnée à 18 mois d'emprisonnement avec sursis, outre une mesure d'interdiction professionnelle et le paiement d'une somme de 2 000 euros à la partie civile à titre de dommages-intérêts ;
"aux motifs que les malaises importants de Mme Z... persistant malgré la sollicitude des agents de service, seul le recours au médecin de garde ou à un service d'urgence constituait une modalité adéquate d'assistance exigée par la loi, peu important l'issue de cette démarche ; que le tableau préoccupant et d'intensité croissante dressé par les agents de service caractérisent l'imminence du péril encouru par Mme Z... sans qu'objectivement ces signes cliniques puissent être assimilés à des troubles purement psychiques, même liés à des problèmes familiaux ; que Françoise X..., épouse Y..., a donc eu connaissance du danger encouru par Mme Z... et n'étant pas médecin ne peut se prévaloir d'une erreur de diagnostic ; que Françoise X..., épouse Y..., bien que pressée d'appeler le médecin de garde ou les services hospitaliers d'urgence, s'est volontairement abstenue de le faire substituant, malgré son incompétence en la matière, son propre jugement médical à celui des hommes de l'art, mieux qualifiés qu'elle pour prendre les mesures appropriées ;
"alors que la cour d'appel, qui a constaté que Françoise X..., épouse Y..., avait substitué, malgré son incompétence en la matière, son propre jugement médical à celui des hommes de l'art, ne pouvait néanmoins énoncer que celle-ci s'était volontairement abstenue d'appeler le médecin de garde ou les urgences sans se contredire, dès lors que cette incompétence excluait toute abstention volontaire en sorte que l'arrêt attaqué n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les textes visés au moyen" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré la prévenue coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Mais sur le moyen de cassation relevé d'office, pris de la violation des articles 131-9 et 131-10 du Code pénal ;
Attendu que, selon ces textes, les peines privatives ou restrictives de droit, prévues par l'article 131-6 du Code susvisé, ne peuvent être prononcées cumulativement avec une peine d'emprisonnement sauf si la loi le prévoit expressément ;
Attendu qu'après avoir déclaré Françoise X..., épouse Y..., coupable de non-assistance à personne en péril, l'arrêt l'a condamnée à 18 mois d'emprisonnement avec sursis et à 5 ans d'interdiction d'exercer une activité professionnelle dans le domaine de la santé ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que les articles 223-6 et 223-16 du Code pénal ne prévoient pas le cumul d'une peine d'emprisonnement avec une interdiction professionnelle, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs,
CASSE et ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Caen, en date du 31 mars 2004, en ses seules dispositions ayant condamné la demanderesse à 5 ans d'interdiction d'exercer une activité professionnelle dans le domaine de la santé, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Caen, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
FIXE à 1 500 euros la somme que Françoise X..., épouse Y..., devra payer à Didier Z... au titre de l'article 618-1 du Code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Ponroy conseiller rapporteur, M. Le Gall conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;