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30/03/2005 | FRANCE | N°04-85890

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 30 mars 2005, 04-85890


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente mars deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller PALISSE, les observations de la société civile professionnelle ROGER et SEVAUX, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Sylvain,

contre l'arrêt de la cour d'appel de TOULOUSE, chambre correctionnelle, en date du 17 mars 2004, qui, pour entrave à la liberté de

s enchères et travail dissimulé, l'a condamné à 6 mois d'emprisonnement avec sursis, 20...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente mars deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller PALISSE, les observations de la société civile professionnelle ROGER et SEVAUX, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Sylvain,

contre l'arrêt de la cour d'appel de TOULOUSE, chambre correctionnelle, en date du 17 mars 2004, qui, pour entrave à la liberté des enchères et travail dissimulé, l'a condamné à 6 mois d'emprisonnement avec sursis, 20 000 euros d'amende, à 5 ans d'interdiction d'une activité de marchand de biens et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 324-9, L. 324-10, L. 362-3 et L. 362-4 du Code du travail, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Sylvain X... coupable du délit de recours aux services d'une personne exerçant un travail dissimulé l'a condamné à la peine de six mois d'emprisonnement avec sursis ainsi qu'à une amende de 20 000 euros ;

"aux motifs que Marie-Christine Y..., épouse Z..., a reconnu avoir occasionnellement effectué des prestations de secrétariat pour le compte de Sylvain X..., rédigeant notamment des courriers ; qu'en contrepartie, elle a admis qu'elle n'avait plus payé son loyer à la SARL Immo 2000, gérée par Sylvain X..., pour son logement, pendant un an et demi et avoir reçu 4 500 francs (686,02 euros) par chèque en 1998 ainsi qu'une somme de 11200 francs (1707,43 euros) ; que cette dernière somme, qualifiée dans un premier temps comme commission rétribuant l'indication de la vente d'une maison à Molas le 5 octobre 1999, constituait en fait, comme l'a reconnu finalement Marie-Christine Y..., épouse Z..., la rémunération des travaux de secrétariat qu'elle avait accomplis pour le compte de Sylvain X... ; que ce dernier n'a pas déclaré Marie-Christine Y..., épouse Z..., aux organismes de protection sociale ou à l'administration fiscale et la SARL Immo 2000 n'a déclaré aucun employé à l'URSSAF ; que le délit reproché est constitué ;

"alors que l'existence d'un contrat de travail mettant à la charge de l'employeur diverses obligations déclaratives ne saurait résulter du seul accomplissement de prestations occasionnelles moyennant rémunérations ou avantages en nature mais suppose qu'il soit établi la réalité d'un lien de subordination juridique, de sorte que la Cour, qui en l'espèce a déclaré Sylvain X... coupable de recours aux services d'une personne exerçant un travail dissimulé pour ne pas avoir procédé aux déclarations devant être faites aux organismes de protection sociale ou à l'administration fiscale sans aucunement constater que Marie-Christine Y..., épouse Z..., se soit trouvée dans un lien de subordination juridique vis-à-vis de Sylvain X..., n'a pas, en l'état de cette insuffisance de motifs, légalement justifié sa décision" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Mais sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-4 et 313-6 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Sylvain X... coupable d'entrave à la liberté des enchères, l'a condamné à la peine de six mois d'emprisonnement avec sursis ainsi qu'à une amende de 20 000 euros, a prononcé à son encontre l'interdiction d'exercer pendant 5 ans l'activité de marchand de biens en application des dispositions de l'article 313-7, 2 , du Code pénal, et, sur l'action civile, l'a condamné à payer à Dominique A... les sommes de 2 500 euros à titre de dommages-intérêts et de 800 euros en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

"aux motifs, d'une part, que, le 5 mai 1999, Jean B... a déposé plainte à l'encontre de Sylvain X... pour des faits d'entrave aux enchères dans le cadre d'une vente par adjudication, expliquant qu'il faisait l'objet d'une saisie immobilière de son chalet à Sengouagnet début 1999 et que sa fille Aline envisageait de se porter acquéreur de ce bien ; que, lors de la visite du bien saisi, le 19 février 1999 Sylvain X... et Norbert C... avaient sollicité la remise d'une somme de 50 000 francs (7 622,45 euros) moyennant quoi ils s'abstiendraient de participer aux enchères et s'arrangeraient à faire obstacle à toute forme de surenchère ; que, le 13 mars 1999, sa fille Aline avait fait l'acquisition du bien saisi pour la somme de 125 000 francs (19 056,13 euros) en présence de Sylvain X... et de Norbert C... qui n'étaient pas intervenus ;

que, deux jours plus tard, Sylvain X... l'avait contacté téléphoniquement pour le mettre en demeure de lui payer la somme de 50 000 francs (7 622,45 euros) et qu'à défaut de paiement, il prévenait qu'il allait surenchérir ou faire surenchérir ; qu'aucun versement ne lui ayant été remis, Sylvain X... avait formalisé une surenchère le 25 mars 1999 ; qu'Aline B... avait été contrainte, pour faire l'acquisition du bien, de monter les enchères jusqu'à la somme de 192 000 francs (29 270,21 euros) ; qu'il est suffisamment établi que Sylvain X... a promis de s'abstenir de surenchérir afin de limiter les enchères de façon à permettre à la fille de Jean B... de racheter le bien, en contrepartie du versement d'une somme d'argent ; qu'il importe peu que ces promesses n'aient pas été agréées et que la surenchère n'ait pas été finalement perturbée ;

que, quand bien même le résultat n'aurait pas été atteint, Sylvain X... a tenté de troubler la liberté des enchères pendant leur cours, dans le but d'obtenir indûment des fonds contre la promesse de renoncer à une éventuelle surenchère de sa part ; que ces agissements entrent dans les prévisions des dispositions de l'article 313-6 du Code pénal ;

"et aux motifs, d'autre part, que, le 12 juillet 1999, Dominique A..., restaurateur, gérant de la SARL "La Gourmande" à Aurignac, exploitant le fond de commerce à l'enseigne "Le Cerf Blanc" abrité dans l'immeuble de la SCI Saint-Michel, objet d'une enchère publique, portait à son tour plainte en indiquant que Sylvain X... lui avait indiqué qu'il le garderait comme locataire, étant prêt à enchérir jusqu'à 800 000 francs ; qu'il lui avait proposé qu'il pourrait cependant s'abstenir de se présenter au tribunal pour faire monter les enchères, moyennant une récompense pécuniaire à fixer en fonction du prix de la vente, ajoutant qu'il lui laissait un délai de réflexion de huit jours ; qu'il avait décliné cette offre ; qu'il ne s'était pas présenté pas plus que Sylvain X... à la barre du tribunal lors de l'adjudication où aucun enchérisseur ne s'était manifesté ; qu'une nouvelle vente avait été fixée au 27 juillet 1999 ; que ce jour là, les enchères avaient monté jusqu'à 570 000 francs (86 895,94 euros) remportées par Sylvain X... ; qu'à la sortie du tribunal, ce dernier lui avait alors proposé, soit de lui faire un bail, soit de lui vendre les murs ; qu'il importe peu que les promesses faites par Sylvain X... n'aient pas été agréées et que la vente aux enchères n'ait pas été perturbée ; que, quand bien même le résultat n'aurait pas été atteint, Sylvain X... a tenté de troubler les enchères pendant leur cours, dans le but d'obtenir indûment des fonds contre la promesse de renoncer à une éventuelle surenchère de sa part ; que ces agissements sont constitutifs du délit prévu à l'article 313-6 du Code pénal ;

"alors que le fait de monnayer sa propre abstention à des enchères, en ce qu'il ne fait pas pour autant obstacle à l'intervention de tiers susceptibles de faire monter lesdites enchères, ne saurait dès lors être considéré comme constitutif d'une limite apportée auxdites enchères au sens de l'article 313-6 du Code pénal et qui suppose des actes positifs susceptibles de restreindre le cours des enchères, de sorte qu'en décidant du contraire, la Cour a, par cette interprétation erronée des dispositions de l'article 313-6 du Code pénal, violé le principe d'interprétation stricte de la loi pénale" ;

Vu l'article 593 du Code de procédure pénale, ensemble l'article 313.6 du Code pénal ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ;

que l'insuffisance ou la contradiction de motifs équivaut à leur absence ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Sylvain X..., est poursuivi pour entrave à la liberté des enchères à la suite de plaintes émanant notamment de Jean B... et de Dominique A... ; qu'il lui était reproché d'avoir proposé au premier, dont le chalet devait être mis en vente par adjudication à la requête de créanciers saisissants, de s'abstenir d'enchérir moyennant la remise d'une somme de 50 000 francs ; que, faute d'avoir obtenu le versement de cette somme, Sylvain X... avait surenchéri ; que le prévenu se voyait également reproché d'avoir, moyennant le versement d'une somme d'argent, offert à Dominique A..., locataire d'un fonds de commerce de restauration exploité dans un immeuble mis en vente par adjudication, de s'abstenir d'enchérir que cette offre ayant été repoussée, Sylvain X... avait emporté l'adjudication qu'il avait alors proposé à Dominique A..., contre paiement d'une somme d'argent, soit de "lui faire un bail, soit de lui vendre les murs" ; que lors de ces visites, le prévenu était accompagné de Marie-Christine Z... qu'il présentait comme un acquéreur éventuel et dont il se portait fort d'obtenir qu'elle s'abstienne d'enchérir ;

Attendu que, pour retenir Sylvain X... dans les liens de la prévention, l'arrêt attaqué retient que celui-ci a " tenté de troubler la liberté des enchères pendant leur cours, dans le but d'obtenir indûment des fonds contre la promesse de renoncer à une éventuelle surenchère de sa part "

Mais attendu qu'en statuant ainsi, sans caractérise en quoi il avait été porté atteinte à la liberté des enchères par la mise à l'écart d'éventuels enchérisseurs, et sans rechercher si les faits n'étaient pas susceptibles de revêtir la qualification de tentative d'escroquerie, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue, qu'en raison de l'indivisibilité existant entre la déclaration de culpabilité et la décision sur la peine, la cassation doit être totale ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Toulouse en date du 17 mars 2004, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Pau, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Toulouse, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, Mme Palisse conseiller rapporteur, MM. Joly, Beyer, Pometan, Mme Guirimand conseillers de la chambre, M. Valat, Mmes Ménotti, Labrousse conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Launay ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 04-85890
Date de la décision : 30/03/2005
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

ENTRAVE A LA LIBERTE DES ENCHERES - Bien immobilier - Saisie - Adjudication - Proposition de s'abstenir d'enchérir contre paiement (non).

Ne justifie pas sa décision, la cour d'appel qui, pour condamner le prévenu du chef d'entrave à la liberté des enchères, retient que ce dernier a proposé, contre paiement d'une somme, de s'abstenir d'enchérir, puis est intervenu dans le cours des enchères, sans caractériser en quoi il avait porté atteinte à leur liberté par la mise à l'écart d'éventuels enchérisseurs.


Références :

Code de procédure pénale 593
Code pénal 313-6

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 17 mars 2004


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 30 mar. 2005, pourvoi n°04-85890, Bull. crim. criminel 2005 N° 106 p. 367
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2005 N° 106 p. 367

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Launay.
Rapporteur ?: Mme Palisse.
Avocat(s) : la SCP Roger et Sevaux.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:04.85890
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