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30/03/2005 | FRANCE | N°04-85709

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 30 mars 2005, 04-85709


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente mars deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire MENOTTI, les observations de la société civile professionnelle ANCEL et COUTURIER-HELLER, et de la société civile professionnelle BACHELLIER et POTIER de la VARDE, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Philippe, partie civile,

contre l'arrêt

de la cour d'appel de NOUMEA, chambre correctionnelle, en date du 31 août 2004, qui l'a ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente mars deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire MENOTTI, les observations de la société civile professionnelle ANCEL et COUTURIER-HELLER, et de la société civile professionnelle BACHELLIER et POTIER de la VARDE, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Philippe, partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de NOUMEA, chambre correctionnelle, en date du 31 août 2004, qui l'a débouté de ses demandes après relaxe de Christian Y... du chef d'injures publiques envers un particulier ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, défaut de réponse aux conclusions ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Christian Y... non coupable du délit d'injures publiques envers un particulier et en conséquence débouté Philippe X..., partie civile de toutes ses demandes ;

"aux motifs que la jurisprudence retient que l'appréciation du caractère outrageant de certains écrits ou propos doit être effectuée en fonction de leur contexte ; qu'elle rappelle également que la circonstance qu'une injure s'est produite dans le cadre d'un contexte électoral ne saurait en modifier le caractère ;

qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que les éditions du 25 mars et du 1er avril 2004 ont été publiées au cours de la campagne électorale précédant le renouvellement des assemblées des trois Provinces de la Nouvelle-Calédonie ; qu'il est de notoriété publique que le Nouvel Hebdo soutient ouvertement le RPCR, parti majoritaire à cette époque ; que la liste l'Avenir Ensemble, sur laquelle s'est présenté Philippe X..., constituait la cible principale des attaques portées par la rédaction du Nouvel Hebdo ; qu'il est reconnu que les limites de la critique admissible sont plus larges pour un personnage public que pour un simple particulier ; qu'en l'espèce, il est établi que le plaignant était, au moment des faits, maire de la commune de La Foa et candidat aux élections provinciales ; que de même, pour que l'injure soit constituée, il faut que le public ressente le terme proféré comme outrageant ; qu'à l'occasion de la campagne électorale dont s'agit, certaines publications soutenant certains des candidats ont déversé des flots de propos nauséabonds, outranciers, malveillants ; que les murs de la cité se sont couverts d'expressions déplorables et regrettables, telles que "untel voleur", "escroc", "trahir ensemble", etc... ; que dans ce contexte particulier, les expressions litigieuses "grand manipulateur, menteur, bonimenteur" ne sauraient constituer des injures au sens de l'article 29, alinéa 2, de la loi du 29 juillet 1881 (arrêt, p. 6) ;

"alors que la circonstance qu'une injure se soit produite dans un contexte électoral ne saurait en modifier le caractère ; d'où il résulte que la cour d'appel, qui rappelle in limine ce principe, ne pouvait ensuite décider que le délit n'était pas constitué au seul motif qu'au cours de la campagne électorale certaines publications avaient déversé des flots de propos outranciers, nauséabonds et malveillants et que les murs de la cité s'étaient couverts d'expressions déplorables et regrettables ; qu'elle n'a pas ainsi légalement justifié sa décision" ;

Vu l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 ;

Attendu qu'aux termes de cet article, toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l'imputation d'aucun fait est une injure ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le journal "Le Nouvel Hebdo" a publié deux articles, le premier qualifiant Philippe X..., maire de la commune de la Foa et candidat aux élections provinciales, de "grand manipulateur dont la trahison a des allures de vocation", le second comportant, en illustration d'une photographie, la légende suivante : "l'équipe pose encore incomplète, il y a quelques jours. C'était avant l'arrivée du grand manipulateur, menteur et bonimenteur" ;

Attendu que, pour infirmer le jugement et relaxer Christian Y..., directeur de la publication du journal, du délit d'injures publiques envers un particulier, la cour d'appel relève que les limites de la critique admissible sont plus larges pour un personnage public que pour un simple particulier, et que, dans un contexte de campagne électorale, au cours de laquelle certaines publications ont déversé des flots de propos nauséabonds, outranciers et malveillants, les expressions "manipulateur, menteur, bonimenteur" ne sauraient constituer des injures au sens de l'article 29, alinéa 2, de la loi du 29 juillet 1881 ;

Mais attendu que la Cour de cassation, à qui il appartient de contrôler et de rectifier les appréciations des juges du fond en ce qui concerne les éléments du délit, tels qu'ils se dégagent de l'écrit incriminé, est en mesure de s'assurer que les propos litigieux étaient injurieux et que le contexte de polémique électorale dans lequel ils ont été tenus n'était pas de nature à faire disparaître leur caractère gravement outrageant ; qu'en estimant l'infraction non constituée, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des propos incriminés, et du principe ci- dessus rappelé ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Nouméa, en date du 31 août 2004, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Nouméa et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

DIT n'y avoir lieu à application, au profit de Philippe X..., de l'article 618-2 du Code de procédure pénale ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, Mme Ménotti conseiller rapporteur, MM. Joly, Beyer, Pometan, Mmes Palisse, Guirimand conseillers de la chambre, M. Valat, Mme Labrousse conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Launay ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 04-85709
Date de la décision : 30/03/2005
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

PRESSE - Injures - Injures publiques - Injures publiques envers un particulier - Caractère outrageant - Interprétation en fonction du contexte - Polémique électorale - Portée.

INJURES - Injures publiques - Injures publiques envers un particulier - Caractère outrageant - Interprétation en fonction du contexte - Polémique électorale - Portée

Viole l'article 29, alinéa 2, de la loi du 29 juillet 1881 la cour d'appel qui, saisie de poursuites pour injures publiques envers un particulier, en raison d'écrits qualifiant la partie civile de " grand manipulateur dont la trahison a des allures de vocation ", de " menteur et bonimenteur ", relaxe le prévenu en considération du contexte de polémique électorale, alors qu'une telle circonstance n'était pas de nature à faire disparaître le caractère gravement outrageant de ces propos.


Références :

Loi du 29 juillet 1881 art. 29 al. 2

Décision attaquée : Cour d'appel de Nouméa, 31 août 2004


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 30 mar. 2005, pourvoi n°04-85709, Bull. crim. criminel 2005 N° 110 p. 379
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2005 N° 110 p. 379

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Launay.
Rapporteur ?: Mme Ménotti.
Avocat(s) : la SCP Ancel et Couturier-Heller, la SCP Bachellier et Potier de la Varde.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:04.85709
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