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11/03/2005 | FRANCE | N°02-41371

France | France, Cour de cassation, Chambre mixte, 11 mars 2005, 02-41371


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, siégeant en CHAMBRE MIXTE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la SA Codéviandes (la société), dont le siège social est situé en France à Folschviller (Moselle), a embauché M. X..., en juin 2000, pour aller travailler aux Pays-Bas ; que le salarié ayant fait convoquer la société à Arras devant le conseil de prud'hommes de son domicile, pour avoir paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaire, la société, se fondant sur l'article R. 517-1 du Code du travail et sur la convention d

e Bruxelles du 27 septembre 1968 modifiée, a opposé la compétence de la jurid...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, siégeant en CHAMBRE MIXTE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la SA Codéviandes (la société), dont le siège social est situé en France à Folschviller (Moselle), a embauché M. X..., en juin 2000, pour aller travailler aux Pays-Bas ; que le salarié ayant fait convoquer la société à Arras devant le conseil de prud'hommes de son domicile, pour avoir paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaire, la société, se fondant sur l'article R. 517-1 du Code du travail et sur la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 modifiée, a opposé la compétence de la juridiction de Maastricht, aux Pays-Bas, en tant que lieu d'exécution du contrat de travail ; que la cour d'appel a dit que le conseil de prud'hommes de Forbach (Moselle), dans le ressort duquel est situé le siège de la société, était compétent ;

Sur le premier moyen, après avertissement délivré aux parties conformément aux dispositions de l'article 1015 du nouveau Code de procédure civile :

Attendu que la société Codéviandes fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir renvoyé les parties devant le conseil de prud'hommes de son siège social, alors, selon le moyen, qu'il résulte de l'article 5, 1) de la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, tel que modifié par la convention de Saint-Sébastien du 26 mai 1989, que la juridiction territorialement compétente pour juger des actions engagées par un travailleur contre son employeur est celle du lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail ; que ces dispositions impératives priment sur celles de droit interne, seraient-elles moins favorables que ces dernières aux salariés ; qu'en retenant que les conventions internationales ne pouvaient pas priver le salarié du bénéfice des dispositions relatives à la compétence plus favorables du pays avec lequel le contrat présente les liens les plus étroits, la cour d'appel a violé l'article 5, 1) de la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, par refus d'application, et les articles R. 517-1 alinéa 2 du Code du travail, 14 du Code civil et 42 du nouveau Code de procédure civile, par fausse application ;

Mais attendu que les règles de droit interne ne sont pas applicables pour la détermination de la compétence internationale du juge saisi d'un litige d'ordre international intra-communautaire, soumis aux dispositions de la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 modifiée par la convention de Saint-Sébastien du 26 mai 1989 ; que le défendeur, assigné devant une juridiction de l'Etat de son domicile conformément à l'article 2 de la convention précitée, n'est pas en droit, pour écarter la compétence internationale de ce juge, de se prévaloir des compétences spéciales de la section 2 du titre II de cette convention, et, notamment, de son article 5, 1), qui permet au seul demandeur de l'attraire, dans un autre Etat contractant, devant le tribunal du lieu d'exécution de l'obligation ; qu'en l'espèce, la société Codéviandes, dont le siège est situé en France, ayant été attraite devant une juridiction de l'Etat de son domicile, n'était pas fondée à invoquer la compétence spéciale du lieu d'exécution du contrat de travail pour revendiquer la compétence du tribunal de Maastricht, situé dans un autre Etat contractant ; que par ces motifs de pur droit, substitués à ceux justement critiqués, la décision se trouve légalement justifiée de ce chef ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 559 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que pour condamner la société Codéviandes à une amende civile, l'arrêt retient que le recours de cette société pour écarter la compétence du conseil de prud'hommes de Forbach constitue une manoeuvre purement dilatoire ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé la faute commise par la société appelante dans l'exercice de cette voie de recours, a violé le texte susvisé ;

Et vu l'article 627 du nouveau Code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, seulement en ce qu'il a condamné la société Codéviandes à une amende civile de 381,12 euros, l'arrêt rendu le 31 janvier 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi ;

Condamne la société Codéviandes aux dépens de l'instance en cassation et à ceux afférents aux instances devant les juges du fond ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Codéviandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, siégeant en Chambre mixte, et prononcé par le premier président en son audience publique du onze mars deux mille cinq.

LE CONSEILLER RAPPORTEUR, LE PREMIER PRESIDENT, LE GREFFIER EN CHEF.

Moyens produits par la SCP GATINEAU, Avocat aux Conseils pour la société Codéviandes

MOYENS ANNEXES à l'arrêt n° 229 (Chambre mixte)

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé l'ordonnance de référé du conseil de prud'hommes d'ARRAS du 4 mai 2001 en ce qu'elle avait dit le conseil de prud'hommes de FORBACH compétent et renvoyé les parties devant cette juridiction et D'AVOIR condamné la société Codéviandes à payer à M. X... une somme de 381,12 euros (2 500 francs) pour appel abusif ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'aux termes des dispositions de l'article R. 517-1 du Code du travail, le conseil de prud'hommes territorialement compétent pour connaître d'un litige est celui dans le ressort duquel est effectué le travail ; que si celui-ci est effectué en dehors de tout établissement ou à domicile, la demande est portée devant le conseil de prud'hommes du domicile du salarié ; que le salarié peut toujours saisir le conseil de prud'hommes du lieu où l'engagement a été contracté ou celui du lieu où l'employeur est établi ; qu'en vertu du troisième alinéa de l'article R. 517-1 du Code du travail, le salarié demandeur bénéficie d'un droit d'option qui lui permet de saisir le conseil de prud'hommes du lieu où l'engagement a été contracté ou celui du lieu où l'employeur est établi ; que le siège social de l'entreprise d'où émane le courrier donnant les directives aux salariés, où ceux-ci s'adressent pour mettre fin à leur contrat de travail est bien le lieu où l'employeur est établi ; qu'en conséquence, le salarié est fondé à présenter ses demandes devant le conseil de prud'hommes dans le ressort duquel est situé FOLSCHVILLER, c'est-à-dire le conseil de prud'hommes de FORBACH par application de l'article R. 517-1 du Code du travail ; que l'employeur entend invoquer l'application des conventions de BRUXELLES et de ROME, au motif que le contrat de travail présente des éléments d'extranéité pour écarter cette compétence du conseil de prud'hommes de FORBACH ; que les conventions internationales ne permettent pas de priver le salarié de la protection de la loi la plus favorable du pays avec lequel le contrat présente les liens les plus étroits ; que s'agissant d'un contrat entre un salarié français et une entreprise française ayant son siège social en France et établie en France, l'entreprise Codéviandes n'est pas fondée à priver le salarié de l'application de l'article R. 517-1 du Code du travail qui lui permet de saisir en l'espèce le conseil de prud'hommes de FORBACH, lieu du siège de l'entreprise qui l'emploie ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE en cas d'impossibilité d'appliquer l'article R. 517-1 du Code du travail, l'article 42 du NCPC attribue compétence au tribunal du lieu de résidence du défendeur ; que l'article 14 du Code civil donne la possibilité aux salariés envoyés à l'étranger par une entreprise française de saisir les tribunaux français en cas de litige avec l'employeur, même en l'absence d'une clause le prévoyant expressément ; qu'en l'espèce, les parties n'ont pas signé de contrat écrit ; qu'il n'y a aucune clause attributive de juridiction permettant d'établir la commune intention des parties quant à la localisation du contrat et à déterminer la juridiction à saisir ; que le demandeur réside dans le PAS-DE-CALAIS et travaille en HOLLANDE ; qu'il a été recruté en France et que la SA Codéviandes a son siège à FOLSCHVILLER ; que le litige entre les parties se rapporte au paiement d'un élément de la rémunération et que le salarié se trouve toujours en activité dans l'entreprise ; qu'il y a lieu en conséquence de renvoyer le demandeur devant le conseil de prud'hommes du ressort du domicile du défendeur ;

Qu'en conséquence, la demande d'incompétence territoriale soulevée par la partie défenderesse est recevable, mais qu'il convient de dire que c'est la juridiction française, en l'occurrence le conseil de prud'hommes de FORBACH qui est compétent et non le tribunal hollandais situé à MAASTRICHT ;

ALORS QU'il résulte de l'article 5.1 de la convention de BRUXELLES du 25 septembre 1968, tel que modifié par la convention de Saint-Sébastien du 26 mai 1989, que la juridiction territorialement compétente pour juger des actions engagées par un travailleur contre son employeur est celle du lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail ; que ces dispositions impératives priment sur celles de droit interne, seraient-elles moins favorables que ces dernières aux salariés ; qu'en retenant que les conventions internationales ne pouvaient priver le salarié du bénéfice des dispositions relatives à la compétence plus favorables du pays avec lequel le contrat présente les liens les plus étroits, la cour d'appel a violé l'article 5.1 de la convention de BRUXELLES du 25 septembre 1968 par refus d'application et les articles R. 517-1 alinéa 2 du Code du travail, 14 du Code civil et 42 du nouveau Code de procédure civile par fausse application ;

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné la société Codéviandes à payer à M. X... une somme de 381,12 euros (2 500 francs) pour appel abusif ;

AUX MOTIFS QUE le recours pour écarter la compétence du conseil de prud'hommes de FORBACH est une manoeuvre purement dilatoire au sens de l'article 559 du nouveau Code de procédure civile, ce qui justifie la condamnation de la société Codéviandes à une amende civile de 2 500 francs ;

ALORS QUE le fait de défendre, par la voie du contredit, une exception d'incompétence territoriale ne constitue pas à lui seul un abus de droit ; qu'en se bornant à dire que le recours pour écarter la compétence du conseil de prud'hommes de FORBACH constituait une manoeuvre purement dilatoire au sens de l'article 559 du nouveau Code de procédure civile justifiant une condamnation au paiement d'une amende civile, sans préciser en quoi l'exercice d'une voie de recours réglementée par le nouveau Code de procédure civile pouvait être regardé comme dilatoire ou abusif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 75, 80, 88 et 559 du nouveau Code de procédure civile ;

LE GREFFIER EN CHEF.


Synthèse
Formation : Chambre mixte
Numéro d'arrêt : 02-41371
Date de la décision : 11/03/2005
Sens de l'arrêt : Cassation partielle par voie de retranchement sans renvoi
Type d'affaire : Chambre mixte

Analyses

1° CONVENTIONS INTERNATIONALES - Accords et conventions divers - Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 - Compétence internationale - Règles applicables - Détermination - Portée.

1° COMMUNAUTE EUROPEENNE - Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 - Compétence judiciaire - Règles applicables - Détermination - Portée.

1° Les règles de droit interne ne sont pas applicables pour la détermination de la compétence internationale du juge saisi d'un litige d'ordre international intra-communautaire, soumis aux dispositions de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 modifiée par la Convention de Saint-Sébastien du 26 mai 1989 (arrêts n° 1 et 2).

2° CONTRAT DE TRAVAIL - EXECUTION - Lieu d'exécution - Travail accompli à l'étranger - Juridiction compétente - Détermination.

2° CONVENTIONS INTERNATIONALES - Accords et conventions divers - Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 - Compétence internationale - Article 2 - Saisine par le demandeur de la juridiction du domicile du défendeur - Effets - Possibilité pour le défendeur de revendiquer les compétences spéciales de la Convention (non) 2° COMMUNAUTE EUROPEENNE - Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 - Compétence judiciaire - Compétences spéciales (art - 5 à 6 bis) - Possibilité pour le défendeur de les revendiquer - Exclusion - Cas - Défendeur attrait devant la juridiction de son domicile - Portée.

2° Le défendeur assigné devant une juridiction de l'Etat de son domicile conformément à l'article 2 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 modifiée par la Convention de Saint-Sébastien du 26 mai 1989, n'est pas en droit, pour écarter la compétence internationale de ce juge, de se prévaloir des compétences spéciales de la section 2 du titre II de cette Convention, et notamment de l'article 5,1) qui permet au seul demandeur de l'attraire, dans un autre Etat contractant, devant le lieu d'exécution de l'obligation ; par suite, la société employeur - dont le siège est situé en France - attraite par son salarié devant une juridiction française n'est pas fondée à invoquer la compétence spéciale du lieu d'exécution du contrat de travail situé dans un autre Etat contractant, en l'espèce les Pays-Bas, pour revendiquer la compétence d'une juridiction hollandaise (arrêts n° 1 et 2).

3° AMENDE - Amende civile - Domaine d'application - Appel principal dilatoire ou abusif - Caractérisation - Nécessité.

3° APPEL CIVIL - Exercice - Exercice abusif ou dilatoire - Caractérisation - Défaut - Applications diverses.

3° Encourt la cassation l'arrêt qui condamne l'appelant à une amende civile pour appel abusif ou dilatoire sans caractériser la faute qu'il aurait commise dans l'exercice de cette voie de recours (arrêts n° 1 et 2).


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 31 janvier 2002


Publications
Proposition de citation : Cass. ch. mixte., 11 mar. 2005, pourvoi n°02-41371, Bull. civ. 2005 MIXTE N° 2 p. 3
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2005 MIXTE N° 2 p. 3

Composition du Tribunal
Président : Premier président : M. Canivet.
Avocat général : M. Foerst.
Rapporteur ?: M. Pluyette assisté de Mme Amand, auditeur.
Avocat(s) : la SCP Gatineau.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:02.41371
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