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08/03/2005 | FRANCE | N°04-83141

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 08 mars 2005, 04-83141


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le huit mars deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller BLONDET, les observations de la société civile professionnelle CHOUCROY, GADIOU et CHEVALLIER, et de la société civile professionnelle BORE et SALVE de BRUNETON, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHEMITHE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... François,

- Y... Marie-Christine, épouse X...,

pa

rties civiles,

contre l'arrêt de la cour d'appel de RIOM, chambre correctionnelle, en date du...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le huit mars deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller BLONDET, les observations de la société civile professionnelle CHOUCROY, GADIOU et CHEVALLIER, et de la société civile professionnelle BORE et SALVE de BRUNETON, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHEMITHE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... François,

- Y... Marie-Christine, épouse X...,

parties civiles,

contre l'arrêt de la cour d'appel de RIOM, chambre correctionnelle, en date du 29 avril 2004, qui, dans la procédure suivie contre Anne-Claude Z... pour blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que François X..., artisan boulanger, a été victime, le 12 juillet 1998, d'un accident de la circulation dont Anne-Claude Z..., reconnue coupable de blessures involontaires, a été déclarée entièrement responsable ; que François X... et son épouse se sont constitués parties civiles tant en leur nom personnel qu'en qualité d'administrateurs légaux de leurs deux enfants mineurs ; qu'à la suite du dépôt d'un premier rapport d'expertise du dommage corporel de François X..., le tribunal correctionnel, par jugement du 23 juillet 2003, a fixé le montant de son préjudice soumis au recours des organismes sociaux sans y inclure le poste des pertes de revenus résultant de l'incapacité permanente partielle et celui des dépenses futures de tierce personne, dont il a ordonné l'expertise ; qu'après avoir déduit du préjudice économique ainsi partiellement déterminé la créance de la caisse régionale des artisans et commerçants d'Auvergne, le premier juge a condamné Anne-Claude Z... à payer, à François X..., 267 691,47 euros en réparation de son préjudice économique, 140 000 euros de provisions à valoir sur les éléments de ce préjudice restant à expertiser, ainsi que 49 700 euros en réparation de son préjudice personnel, à Marie-Christine X..., 50 000 euros en réparation de son préjudice moral, sexuel et d'accompagnement, et, à chacun des enfants, 20 000 euros en réparation de son préjudice moral ; que François X... ainsi que Anne-Claude Z... et son assureur ont interjeté appel du jugement ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 3 et 593 du Code de procédure pénale, 29, 30, 31 et 33 de la loi du 5 juillet 1985, L. 376-1 du Code de la sécurité sociale, 1382 du Code civil, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a refusé de liquider la créance de François X... soumise au recours des organismes sociaux ;

"aux motifs que, si la créance de la sécurité sociale est limitée aux frais d'hospitalisation et frais médicaux, la victime artisan boulanger, n'ayant pas reçu de prestation d'une autre nature de la part de la CMRA, il semble toutefois que François X... perçoive ou ait également perçu des sommes de la part d'Organic ;

qu'il importe de savoir si les prestations servies par cet organisme relèvent du champ d'application de l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985 ; que, pour permettre la liquidation des préjudices soumis à recours qu'il sollicite, il appartiendra à François X... d'apporter tous les renseignements indispensables pour apprécier sa demande et notamment de produire tous justificatifs d'Organic relatifs à la nature et au montant des prestations perçues et à percevoir ; que, dans ces conditions, le tribunal a liquidé prématurément certains préjudices soumis à recours en limitant les déductions à la seule créance de la CMRA alors que le dossier ne permet pas de savoir si les sommes versées par Organic font ou non l'objet de subrogation ;

que la fixation des indemnisations des postes de préjudices dont l'estimation n'est pas subordonnée aux résultats de l'expertise comptable est possible, mais ne pourra donner lieu à liquidation de la créance devant revenir à François X... auquel sera allouée une provision au titre des préjudices soumis à recours ;

"alors que l'article L. 376-1 du Code de la sécurité sociale impose seulement à l'assuré social, victime d'un accident de droit commun, d'indiquer sa qualité ainsi que les caisses de sécurité sociale auxquelles il est affilié et d'appeler ces caisses en déclaration de jugement commun ; qu'en l'espèce où la victime a satisfait à ces obligations puisque le jugement a constaté que la CMRA et l'Organic ont été régulièrement appelés à la cause, la Cour a violé le texte précité ainsi que l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985, en refusant de liquider la créance de la victime sous prétexte qu'il appartiendrait à cette dernière d'établir la nature et le montant des prestations qu'elle semble avoir perçues de l'Organic qui n'a pourtant jamais réclamé ni en première instance ni en appel la condamnation de la prévenue à lui rembourser aucune prestation" ;

Attendu que le demandeur ne saurait se faire un grief de la décision de la cour d'appel lui enjoignant de produire les justificatifs de la nature et du montant des prestations qui lui ont été servies ou qui lui seront servies par la Caisse autonome d'assurance vieillesse-invalidité-décès des non-salariés de l'industrie et du commerce, dite Organic, dès lors que cet organisme est tenu, en application de l'article 15 du décret n° 86-15 du 6 janvier 1986, d'indiquer au président de la juridiction saisie, qui est en droit d'en exiger la communication, le décompte des prestations versées à la victime et celles qu'il envisage de lui servir ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du Code civil, 3 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a omis de statuer sur les demandes d'indemnités réparatrices des préjudices de Julien et Cécile X..., enfants mineurs de la victime, auxquels les premiers juges avaient alloué deux indemnités de 20 000 euros en réparation de leurs préjudices moraux ;

"alors que l'article 593 du Code de procédure pénale prévoit expressément que les arrêts rendus en dernier ressort doivent être annulés quand ils ont omis ou refusé de prononcer sur une ou plusieurs demandes des parties, en sorte qu'en s'abstenant, sans énoncer aucun motif, de statuer sur les demandes d'indemnité pour les préjudices moraux des enfants mineurs de la victime, la Cour a violé le texte précité et exposé sa décision à la censure" ;

Attendu que l'examen des pièces de procédure permet de s'assurer que l'appel d'Anne-Claude Z... et de son assureur n'était pas dirigé contre les dispositions du jugement accordant la réparation de leur préjudice moral aux enfants Julien et Cécile X... ;

Qu'ainsi, le moyen manque en fait ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 3 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Anne-Claude Z... et la MATMUT in solidum à payer et porter à François X... la somme globale de 25 345,80 euros en réparation de ses préjudices personnels en prétendant confirmer le jugement en ce qu'il a fixé le pretium doloris à la somme de 12 000 euros, le préjudice esthétique à la somme de 1 500 euros, le préjudice sexuel à la somme de 10 000 euros et le préjudice matériel à la somme de 845,80 euros et y ajouter le préjudice d'agrément qu'elle a fixé à la somme de 1 000 euros ;

"aux motifs que le tribunal ayant exactement apprécié les postes de préjudices personnels et matériels subis par François X..., il convient de confirmer purement et simplement sa décision, sauf à ajouter l'indemnisation du préjudice d'agrément par l'allocation d'une somme de 1 000 euros ;

"alors que les premiers juges ayant condamné la prévenue à payer à François X... la somme de 49 700 euros au titre du préjudice corporel non soumis à recours de cette victime après avoir fixé son pretium doloris à 14 000 euros, son préjudice de désagrément à 9 200 euros et son préjudice sexuel à 25 000 euros, la Cour qui a prétendu confirmer ces évaluations qu'elle a pourtant minorées sans les justifier par aucun motif, et qui n'a tenu aucun compte de l'indemnité de 9 200 euros allouée en première instance à la victime pour réparer son préjudice de désagrément en prétendant ajouter aux différents chefs de préjudices non soumis à recours un préjudice d'agrément qu'elle a évalué à 1 000 euros seulement, s'est mise en contradiction avec elle-même et a entaché sa décision d'un défaut de motifs qui doit entraîner la censure" ;

Sur le moyen en ce qu'il critique l'évaluation du préjudice résultant de la gêne dans les actes de la vie courante ;

Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que les juges du second degré ont confirmé la décision du premier juge condamnant Anne-Claude Z... à réparer le préjudice de gêne dans les actes de la vie courante subi par la victime pendant la durée de son incapacité totale de travail, fixé à 9 200 euros, en reclassant toutefois ce préjudice, après avoir recueilli l'accord des parties, dans les éléments soumis au recours des organismes sociaux ; qu'ajoutant au jugement, ils ont en outre accordé à François X... une indemnité de 1 000 euros en réparation de son préjudice d'agrément ;

Que, dès lors, le moyen n'est pas fondé ;

Mais, sur le moyen en ce qu'il critique l'évaluation du préjudice de souffrance et du préjudice sexuel ;

Vu l'article 593 du Code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que l'arrêt, après avoir énoncé qu'il y avait lieu de confirmer l'estimation faite par les premiers juges du dommage subi par François X... au titre des souffrances endurées et du préjudice sexuel, évalue, dans la suite de la motivation puis dans le dispositif, ces deux postes d'indemnisation respectivement à 12 000 et 10 000 euros ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que le tribunal correctionnel avait alloué à la victime 14 000 euros en réparation des souffrances endurées et 25 000 euros en réparation du préjudice sexuel, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE, l'arrêt précité de la cour d'appel de Riom, en date du 29 avril 2004, en ses seules dispositions relatives à la réparation du dommage subi par François X... au titre des souffrances endurées et à celui du préjudice sexuel, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Riom, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Riom, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Blondet conseiller rapporteur, MM. Farge, Palisse, Le Corroller, Castagnède conseillers de la chambre, Mmes Gailly, Guihal, M. Chaumont, Mme Degorce conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Chemithe ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 04-83141
Date de la décision : 08/03/2005
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

RESPONSABILITE CIVILE - Dommage - Réparation - Victime assurée sociale - Prestations versées par un organisme gérant un régime obligatoire de sécurité sociale - Décompte des prestations - Communication au président - Nécessité.

SECURITE SOCIALE - Assurances sociales - Tiers responsable - Recours de la victime - Victime assurée sociale - Prestations versées par un organisme gérant un régime obligatoire de sécurité sociale - Décompte des prestations - Communication au président - Nécessité

La victime d'un accident de la circulation, partie civile, ne saurait se faire un grief de ce que la juridiction correctionnelle lui ait enjoint de produire les justificatifs de la nature et du montant des prestations qui lui ont été servies ou lui seront servies par la caisse autonome d'assurance vieillesse, invalidité-décès des non-salariés de l'industrie et du commerce, dite Organic, dès lors que cet organisme est tenu, en application de l'article 15 du décret 86-15 du 6 janvier 1986, d'indiquer au président de la juridiction saisie, qui est en droit d'en exiger la communication, le décompte des prestations versées à la victime et celles qu'il envisage de lui servir.


Références :

Décret 86-15 du 06 janvier 1986 art. 15

Décision attaquée : Cour d'appel de Riom, 29 avril 2004

A rapprocher : Chambre civile 2, 1998-11-05, Bulletin 1998, II, n° 262, p. 157 (cassation partielle)

arrêt cité ; Chambre criminelle, 2004-09-07, Bulletin criminel 2004, n° 201, p. 720 (cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 08 mar. 2005, pourvoi n°04-83141, Bull. crim. criminel 2005 N° 79 p. 280
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2005 N° 79 p. 280

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Chemithe.
Rapporteur ?: M. Blondet.
Avocat(s) : la SCP Choucroy, Gadiou et Chevallier, la SCP Boré et Salve de Bruneton.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:04.83141
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