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08/03/2005 | FRANCE | N°02-30998

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 08 mars 2005, 02-30998


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Marcel X..., employé de 1961 à 1978 par la société Rhône-Poulenc industrie, aux droits de laquelle se trouve la société Rhodia organique, puis par la société Rhône-Poulenc industrialisation, aux droits de laquelle se trouve la société Rhodia recherches, a été exposé au benzène jusqu'en 1979, puis d'octobre 1990 au 1er avril 1991 ; qu'il a déclaré le 19 janvier 1996 un syndrome myélodysplasique à type d'anémie réfractaire,

maladie professionnelle du tableau n° 4 provoquée par l'exposition au benzène, const...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Marcel X..., employé de 1961 à 1978 par la société Rhône-Poulenc industrie, aux droits de laquelle se trouve la société Rhodia organique, puis par la société Rhône-Poulenc industrialisation, aux droits de laquelle se trouve la société Rhodia recherches, a été exposé au benzène jusqu'en 1979, puis d'octobre 1990 au 1er avril 1991 ; qu'il a déclaré le 19 janvier 1996 un syndrome myélodysplasique à type d'anémie réfractaire, maladie professionnelle du tableau n° 4 provoquée par l'exposition au benzène, constaté par certificat médical du 15 novembre 1995 ; qu'après avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, la caisse primaire d'assurance maladie a reconnu le caractère professionnel de la maladie, dont il est décédé le 11 janvier 1997 ; que les consorts X... ont formé une demande de reconnaissance de la faute inexcusable des employeurs ; que, par ailleurs, la société Rhône-Poulenc industrialisation a contesté la décision de la caisse primaire de lui imputer, en qualité de dernier employeur ayant exposé le salarié au risque, les conséquences financières de la maladie, et que les deux sociétés ont contesté la décision de la Caisse de reconnaître l'existence de la maladie professionnelle ; que la cour d'appel a jugé, d'une part, que Marcel X... était décédé d'une maladie professionnelle inscrite au tableau n° 4 causée par l'exposition au benzène au cours de son activité professionnelle au sein des divers établissements du groupe Rhône-Poulenc, d'autre part, confirmé la décision de la commission de recours amiable sur l'imputation des conséquences financières de la maladie professionnelle à la société Rhodia recherches, débouté en conséquence les sociétés Rhodia chimie et Rhodia recherches de leur contestation et dit, d'autre part, que la maladie professionnelle dont Marcel X... était décédé était due à la faute inexcusable de la société Rhodia chimie, venant aux droits de la société des Usines chimiques Rhône-Poulenc et Rhône-Poulenc industries, fixé enfin au maximum la majoration de rente et fixé le montant de l'indemnisation du préjudice moral de chacun des consorts X... ;

Sur le premier moyen de la société Rhodia recherches et sur le second moyen de la société Rhodia organique, qui sont identiques, tels qu'ils sont reproduits en annexe :

Attendu que les sociétés font grief à l'arrêt d'avoir dit que la maladie dont était décédé Marcel X... était une maladie professionnelle ;

Mais attendu que ces moyens ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Sur le premier moyen de la société Rhodia organique :

Attendu que la société Rhodia organique fait grief à l'arrêt d'avoir retenu sa faute inexcusable, alors, selon le moyen :

1 / qu'il résulte des articles L.411-1, L.451-1, L.452-1 et L.461-1 du Code de la sécurité sociale qu'il existe une indivisibilité entre la prise en charge d'une maladie professionnelle contractée au service de l'employeur d'une part, et les majorations et compléments d'indemnités auxquels les victimes ou ayants droit peuvent prétendre lorsque la maladie ainsi contractée résulte d'une faute inexcusable de l'employeur d'autre part ; qu'ayant constaté que la CPAM et la commission de recours amiable statuant sur la demande de prise en charge de la maladie de M. X... avaient décidé que celle-ci avait été contractée au service, non de la société exposante, mais de la société Rhodia recherches, viole les textes susvisés l'arrêt qui décide cependant de caractériser une faute prétendument inexcusable et d'en faire supporter les conséquences à l'employeur précédent (la société Rhodia chimie) à l'égard duquel aucune décision de prise en charge de la maladie professionnelle n'avait été sollicitée et n'était intervenue ;

2 / que prive sa décision de toute base légale au regard des mêmes textes la décision des juges du fond qui relève, elle-même, que les conséquences financières liées à la reconnaissance de la maladie professionnelle ne peuvent être procéduralement imputées qu'au dernier employeur, Rhodia recherches et qui cependant prétend mettre à la charge de l'un des employeurs précédents (Rhodia chimie) les indemnités correspondant aux préjudices complémentaires des ayants droit, "dont la CPAM devrait seulement faire l'avance" ;

3 / que l'indemnisation complémentaire prévue par l'article L.452-1 du Code de la sécurité sociale suppose qu'il soit préalablement établi et reconnu que la maladie professionnelle a été contractée au service de l'employeur actionné en faute inexcusable, et que ne satisfait pas à cette exigence fondamentale en violation de ce texte et de l'article 1842 du Code civil l'arrêt qui, ayant reconnu que la maladie avait été constatée à l'égard d'une entreprise, fait cependant supporter les réparations complémentaires à une autre entreprise au motif qu'il s'agissait de deux sociétés appartenant au même "groupe" ;

Mais attendu que le fait que la maladie professionnelle soit imputée à divers employeurs, chez lequel le salarié à été exposé au risque, n'interdit pas à celui-ci, pour demander une indemnisation complémentaire, de démontrer que l'un d'entre eux a commis une faute inexcusable ;

Et attendu qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits utilisés dans l'entreprise ;

que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L.452-1 du Code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; que les énonciations de l'arrêt caractérisent, d'une part, le fait que l'employeur, aux droits duquel vient la société Rhodia organique, avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il exposait son salarié, le benzène étant une substance inscrite depuis 1932 au tableau n° 4 comme susceptible de provoquer des maladies professionnelles, d'autre part, qu'il n'avait pas pris les mesures nécessaires pour en préserver son salarié ; que la cour d'appel a pu en déduire que la société avait commis une faute inexcusable ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le deuxième moyen de la société Rhodia recherches, pris en ses trois premières branches :

Vu l'article 2, 4 , de l'arrêté du 16 octobre 1995 pris pour l'application de l'article D.242-6-3 du Code la sécurité sociale ;

Attendu que, selon ce texte, applicable en l'espèce dès lors que la maladie a été déclarée après le 1er janvier 1996, sont inscrites au compte spécial les dépenses afférentes à des maladies professionnelles lorsque la victime a été exposée au risque successivement dans plusieurs établissements d'entreprises différentes, sans qu'il soit possible de déterminer celle dans laquelle l'exposition au risque a provoqué la maladie ;

Attendu que pour imputer à la société Rhodia recherches les conséquences financières de la maladie professionnelle inscrite au tableau n° 4 causée par l'exposition au benzène, au cours de son activité professionnelle au sein des divers établissements du groupe Rhône-Poulenc dont elle avait dit que Marcel X... était décédé, la cour d'appel retient que c'est à juste titre que la caisse primaire d'assurance maladie avait appliqué le principe selon lequel la maladie est réputée avoir été contractée au service du dernier employeur chez lequel la victime a été exposée au risque ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la quatrième branche du second moyen de la société Rhodia recherches :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a confirmé la décision de la commission de recours amiable de la CPAM de Vienne sur l'imputation des conséquences financières de la maladie professionnelle dont était décédé Marcel X... à la société Rhodia recherches, l'arrêt rendu le 13 mai 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne les consorts X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande des consorts X... ;

Dit que sur les diligences du Procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit mars deux mille cinq.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 02-30998
Date de la décision : 08/03/2005
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° SECURITE SOCIALE - ACCIDENT DU TRAVAIL - Faute inexcusable de l'employeur - Indemnisations complémentaires - Pluralité d'employeurs - Imputation - Preuve - Charge - Portée.

1° Le fait que la maladie professionnelle soit imputée à divers employeurs chez lesquels le salarié a été exposé au risque, n'interdit pas à celui-ci, pour demander une indemnisation complémentaire, de démontrer que l'un d'entre eux a commis une faute inexcusable.

2° SECURITE SOCIALE - ACCIDENT DU TRAVAIL - Cotisations - Taux - Fixation - Taux individuel - Accidents ou maladies pris en considération - Maladies professionnelles - Exposition au risque - Pluralité d'employeurs - Portée.

2° Il résulte de l'article 2, 4°, de l'arrêté du 16 octobre 1995, pris pour l'application de l'article D. 242-6-3 du Code de la sécurité sociale, que les dépenses afférentes à des maladies professionnelles, lorsque le salarié a été exposé au risque successivement dans plusieurs établissements d'entreprises différentes sans qu'il soit possible de déterminer celle dans laquelle l'exposition au risque a provoqué la maladie, sont inscrites au compte spécial.


Références :

1° :
2° :
2° :
Arrêté du 16 octobre 1995 art. 2
Code de la sécurité sociale D.242-6-3
Code de la sécurité sociale L411-1, L451-1, L452-1, L461-1

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 13 mai 2002


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 08 mar. 2005, pourvoi n°02-30998, Bull. civ. 2005 II N° 56 p. 53
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2005 II N° 56 p. 53

Composition du Tribunal
Président : M. Dintilhac.
Avocat général : Mme Barrairon.
Rapporteur ?: M. Laurans.
Avocat(s) : la SCP Célice, Blancpain et Soltner, la SCP Masse-Dessen et Thouvenin.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:02.30998
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