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15/02/2005 | FRANCE | N°04-84519

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 15 février 2005, 04-84519


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quinze février deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller BEYER, les observations de la société civile professionnelle CELICE, BLANCPAIN et SOLTNER, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Hichem,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 10ème chambre, en date du 30 juin 2004, qui, dans la procédure suivie con

tre lui du chef d'arrestation, enlèvement, détention ou séquestration, a confirmé le jug...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quinze février deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller BEYER, les observations de la société civile professionnelle CELICE, BLANCPAIN et SOLTNER, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Hichem,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 10ème chambre, en date du 30 juin 2004, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef d'arrestation, enlèvement, détention ou séquestration, a confirmé le jugement du tribunal correctionnel se déclarant incompétent et ordonnant le placement en détention du prévenu et a rejeté sa demande de mise en liberté ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 144,179,464-1,469,591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a dit mal fondée la demande de mise en liberté présentée par Hichem X... ;

"aux motifs que, "la Cour doit constater que si des conclusions sur la "compétence" ont été déposées à l'audience du tribunal et visées le 2 février 2004, les écritures ne comportent aucune discussion juridique concernant la compétence des premiers juges ; statuant sur ce point, le tribunal n'avait pas à répondre, alors qu'il importe peu que l'audience du 5 janvier 2004 soit qualifiée d'audience "relais" ou d'audience au fond, l'audience fixée au 5 janvier 2004, dans le délai de 2 mois suivant la date de l'ordonnance de renvoi, étant nécessairement une audience au fond et que c'est dans le respect du débat contradictoire qu'à cette audience les premiers juges ont informé les parties de ce que le débat porterait, à l'audience du 2 février 2004, sur la question de sa compétence ; ce renvoi était donc indispensable pour que les débats s'inscrivent dans le cadre de la tenue d'un procès équitable et il ne peut être soutenu, alors qu'il a été ordonné dans l'intérêt de la défense des prévenus, qu'il avait pour but de violer les dispositions relatives à la détention provisoire d'Hichem X..." (arrêt attaqué p.4, dernier alinéa et p.5, alinéas1 et 2) ;

"et aux motifs des premiers juges que le tribunal considère qu'il y a lieu de renvoyer l'affaire en ce qui concerne Karim Y..., Steve Z..., Didier Do A...
B..., Désiré C..., Muriel D..., Hichem X..., Félix C... à l'audience du 2 février 2004, à 13 heures 30 même chambre pour examen au fond ; la prolongation de la détention concernant Karim Y..., Désiré C..., Hichem X..., Félix C... paraît nécessaire jusqu'à leur comparution devant le tribunal (jugement du 5 janvier 2004, p.10) ;

"alors, d'une part, qu'aux termes de l'article 179 du Code de procédure pénale, le prévenu en détention est immédiatement remis en liberté si le tribunal n'a pas commencé à examiner au fond dans un délai de deux mois à compter de l'ordonnance de renvoi et, à titre exceptionnel par une décision spécialement motivée, une prolongation de la détention provisoire peut être ordonnée si une raison de fait ou de droit fait obstacle au jugement de l'affaire au fond ; qu'en l'espèce, la détention provisoire d'Hichem X... avait été maintenue par ordonnance du 28 novembre 2003 ; que dans son jugement du 5 janvier 2004, le tribunal correctionnel d'Evry s'est seulement borné à renvoyer l'affaire à une audience "pour examen au fond", sans invoquer une raison de droit ou de fait justifiant le renvoi et a ordonné, sans spécialement motiver sa décision, la prolongation de la détention provisoire d'Hichem X... pour une durée de 2 mois ; qu'en refusant de faire droit à la remise en liberté d'Hichem X..., cependant que les prescriptions de l'article 179 du Code de procédure pénale n'avaient pas été respectées puisque le tribunal n'avait pas commencé l'examen au fond dans les 2 mois de l'ordonnance de renvoi et qu'aucune décision spécialement motivée n'avait prolongé la détention, la cour d'appel a violé le texte susvisé, ainsi que les articles visés au moyen ;

"alors, d'autre part, que le jugement du 5 janvier 2004 ne comportait aucun motif, tant sur les raisons qui ont conduit les juges à renvoyer l'affaire, que sur celles pouvant justifier le maintien en détention d'Hichem X... ; qu'en affirmant néanmoins péremptoirement que cette audience "relais" du 5 janvier 2004 aurait été une audience au fond, ce qui ne résultait pas des termes du jugement rendu à la suite de cette audience, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision, violant les articles visés au moyen ; qu'il en est d'autant plus ainsi que la cour d'appel ne s'explique pas sur les conclusions d'Hichem X... qui faisaient valoir que le tribunal correctionnel, dans son jugement du 5 janvier 2004, n'avait pas examiné l'affaire au fond puisqu'il avait estimé nécessaire de la renvoyer à une audience ultérieure" ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 388, 469, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué s'est déclaré incompétent en raison de la matière et a renvoyé le ministère public à se pourvoir ainsi qu'il avisera ;

"aux motifs qu' "au vu des pièces de l'enquête, et sur réquisitoire introductif, en date du 7 février 2002, et supplétif du 28 novembre 2002, Hichem X... a été mis en examen pour avoir à Ris Orangis et dans le département de l'Essonne, le 23 ou 24 avril 2002, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, sans ordre des autorités constituées et hors les cas prévus par la loi, arrêté, enlevé, détenu ou séquestré François E..., avec cette circonstance que les faits ont été précédés ou accompagnés d'actes de tortures ou de barbarie, avec le visa des articles 224-1, 224-2 et 224-9 du Code pénal ; les faits qui motivaient cette mise en examen sont les suivants : François E... qui exerçait la profession de chauffeur routier au sein de la société Norbert Dentressangle et qui aurait participé au détournement de sept cartons contenant 28 000 cartes téléphoniques et les aurait conservées par devers lui, a été intercepté par deux individus armés, contraint de prendre place dans un véhicule avec lequel il avait été conduit, la vue masquée dans un appartement où ils avaient été rejoints par plusieurs autres individus ; dans cet appartement, ces individus, dont le meneur serait Désiré C..., lui avaient demandé ce qu'il avait fait des cartes téléphoniques, puis pour l'indemniser du préjudice qu'ils auraient subi, de sortir un camion de l'entreprise au cours de la soirée ;

François E... ayant refusé de satisfaire à cette condition, il avait été frappé à plusieurs reprises, à coups de masse sur les membres inférieurs, brûlé à plusieurs reprises au visage, aux mains et à la plante des pieds au moyen d'un fer à repasser, puis il avait été victime de trois tirs effectués au moyen d'une arme chargée à grenaille, deux de ces tirs étaient dirigés vers l'abdomen, et le troisième ayant atteint la verge ; la réalité de ces violences a été constatée lorsque François E... a été admis à l'hôpital et confirmée par l'expertise médico-légale à laquelle il a été soumis ; la poursuite de l'information a confirmé la réalité des faits dont François E... a déclaré avoir été victime ; le magistrat instructeur ayant, par ordonnance du 28 novembre 2003, renvoyé Hichem X..., ainsi que Désiré C..., Félix C... et Muriel Hamdaoui devant le tribunal correctionnel afin d'y être jugés pour avoir "arrêté, enlevé, détenu et séquestré François E..., avec cette circonstance que la victime a été arrêtée, enlevée, détenue et séquestrée avec libération volontaire avant le 7ème jour accompli depuis son appréhension, pour obtenir l'exécution d'un ordre ou d'une condition", visait dans cette décision les articles 224-1, 224-4 et 224-9 du Code pénal ; or ces dispositions excluent toute possibilité de correctionnalisation lorsqu'est constituée l'une des circonstances visées à l'article 224-2 du même code et, en particulier, lorsque l'infraction visée à 224-1 est précédée ou accompagnée d'actes de tortures ou de barbarie, ce qui est le cas en l'espèce" ;

"alors, d'une part, que s'il appartient au juge correctionnel de modifier la qualification des faits et de substituer une qualification nouvelle à celle sous laquelle ils lui étaient déférés, puis de se déclarer incompétent si cette dernière apparaît criminelle, c'est à la condition qu'il ne soit rien changé ni ajouté aux faits de la prévention et que ceux-ci restent tels qu'ils ont été retenus dans l'acte de saisine ; qu'en l'espèce, Hichem X... a été renvoyé devant le tribunal correctionnel par ordonnance du juge d'instruction, adoptant expressément les termes du réquisitoire définitif, du chef du délit d'enlèvement et de séquestration ; qu'en ajoutant aux faits déférés par l'acte de saisine une circonstance tenant à la concomitance de tortures et d'actes de barbarie, qui avait été expressément exclue par l'ordonnance de renvoi, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;

"alors, d'autre part, et subsidiairement, que les tribunaux correctionnels ne peuvent légalement statuer que sur les faits relevés par l'ordonnance ou par la citation qui les a saisis, et ce principe ne reçoit exception que dans le cas ou le prévenu, ayant renoncé à s'en prévaloir, accepte le débat sur des faits non compris dans la prévention ; qu'en ajoutant à l'acte de saisine une circonstance qui ne lui était pas déférée, la cour d'appel ne pouvait, sans avoir préalablement recueilli l'accord du prévenu, statuer sur la nouvelle qualification juridique retenue, et n'a donc pas légalement justifié sa décision" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, par ordonnance du 28 novembre 2003, Hichem X... mis en examen du chef arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire suivi d'une libération avant le septième jour avec cette circonstance que les faits ont été accompagnés d'actes de torture et de barbarie, crime prévu par l'article 224-2 du Code pénal, a été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire suivi d'une libération avant le septième jour, délit prévu par l'article 224-1 du Code pénal ; qu'il a été maintenu en détention ; qu'il a comparu le 5 janvier 2004 devant le tribunal qui a renvoyé l'examen de l'affaire à l'audience du 2 février 2004 et a prolongé la détention pour une durée de deux mois ; qu'à l'audience du 2 février 2004, les juges du premier degré ont constaté que les faits de séquestration, accompagnés d'actes de barbarie, étaient de nature à entraîner une peine criminelle, se sont déclarés incompétents et ont placé Hichem X... sous mandat de dépôt en application de l'article 469 du Code de procédure pénale ; que le prévenu n'a relevé appel que de ce dernier jugement ;

Attendu que, devant la cour d'appel, Hichem X... a, d'une part, contesté la décision d'incompétence rendue par le tribunal correctionnel et, d'autre part, conclu à sa mise en liberté en soutenant que l'audience du 5 janvier 2004 n'étant qu'une "audience-relais", plus de deux mois s'étaient écoulés entre l'ordonnance de renvoi et sa comparution devant le tribunal correctionnel, le 2 février 2004 ;

Attendu que, pour écarter cette argumentation, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en cet état, les griefs allégués ne sont pas encourus ;

Que, d'une part, faute d'avoir relevé appel du jugement du 5 janvier 2004, Hichem X... n'était plus recevable à contester la validité de la prolongation de sa détention ;

Que, d'autre part, l'ordonnance de renvoi rendue par le juge d'instruction est simplement indicative de juridiction et ne fait pas obstacle à ce que le tribunal, s'il constate que le fait déféré sous la qualification de délit est de nature à entraîner une peine criminelle, renvoie le ministère public à se pourvoir ainsi qu'il avisera, comme le prévoit l'article 469 du Code de procédure pénale ;

Qu'ainsi les moyens doivent être écartés ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Beyer conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 04-84519
Date de la décision : 15/02/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° DETENTION PROVISOIRE - Juridictions correctionnelles - Comparution du prévenu détenu - Décision de renvoi à une audience ultérieure - Décision de maintien en détention provisoire - Décision rendue dans le délai de deux mois à compter de l'ordonnance de renvoi - Régularité - Portée.

1° DETENTION PROVISOIRE - Juridictions correctionnelles - Comparution du prévenu détenu - Décision de renvoi à une audience ultérieure - Décision de maintien en détention provisoire - Appel - Recevabilité - Conditions - Détermination 1° JURIDICTIONS CORRECTIONNELLES - Détention provisoire - Comparution du prévenu détenu - Décision de renvoi à une audience ultérieure - Décision de maintien en détention provisoire - Décision rendue dans le délai de deux mois à compter de l'ordonnance de renvoi - Régularité - Portée.

1° Est régulière au regard de l'article 179 du Code de procédure pénale, la prolongation de la détention provisoire d'un prévenu ordonnée par le tribunal correctionnel devant lequel il a comparu, fût-ce à l'occasion d'une ordonnance de fixation, dans les deux mois à compter de l'ordonnance de renvoi. Le prévenu qui n'a pas relevé appel de cette décision dans le délai prévu par la loi, n'est plus recevable à le faire à l'occasion de son appel du jugement rendu ultérieurement sur la prévention.

2° JURIDICTIONS CORRECTIONNELLES - Pouvoirs - Etendue - Ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel - Faits qualifiés délit constituant un crime - Renvoi de la procédure au ministère public aux fins de se pourvoir ainsi qu'il avisera.

2° JURIDICTIONS CORRECTIONNELLES - Saisine - Ordonnance de renvoi - Faits qualifiés délit constituant un crime - Renvoi de la procédure au ministère public aux fins de se pourvoir ainsi qu'il avisera.

2° L'ordonnance de renvoi rendue par le juge d'instruction n'étant qu'indicative de juridiction, ne fait pas obstacle à ce que, comme le prévoit l'article 469 du Code de procédure pénale, le tribunal correctionnel qui constate que le fait déféré sous la qualification de délit est de nature à entraîner une peine criminelle, renvoie le ministère public à se pourvoir ainsi qu'il avisera.


Références :

1° :
2° :
Code de procédure pénale 179
Code de procédure pénale 469
Code pénal 224-1, 224-2

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 30 juin 2004


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 15 fév. 2005, pourvoi n°04-84519, Bull. crim. criminel 2005 N° 56 p. 207
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2005 N° 56 p. 207

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Mouton.
Rapporteur ?: M. Beyer.
Avocat(s) : la SCP Célice, Blancpain et Soltner.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:04.84519
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