AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quinze février deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller ANZANI, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X...
Y... Sandra,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 3ème section, en date du 28 janvier 2004, qui a rejeté sa requête en restitution d'objet saisi ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 41-4, 710, 711, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la requête déposée par Sandra X...
Y... en restitution de sa bague Cartier placée sous scellé dans le cadre d'une procédure ouverte pour infractions à la législation sur les stupéfiants ;
"aux motifs que le procureur général s'oppose à la restitution sollicitée en faisant valoir l'origine illicite des fonds ayant servi à acquérir le bijou, les moyens financiers dont disposait la demanderesse au moment où elle l'a acquis provenant de son époux, Efrain Z..., trafiquant de drogue abattu en Colombie, puis de son fiancé, Ricardo A..., également trafiquant de drogue ; certes, la demanderesse fait valoir avec pertinence, dans l'acte saisissant la Cour de son recours, que, selon l'article 41-4 précité, il n'y a pas lieu à restitution lorsque celle-ci est de nature à créer un danger pour les personnes ou les biens ou lorsqu'une disposition particulière prévoit la destruction des objets placés sous main de justice et que tel n'est pas le cas en l'espèce , elle admet toutefois qu'il lui appartient d'établir qu'elle est propriétaire de la bague litigieuse ; contrairement à ce qu'elle soutient, l'intéressée ne démontre pas qu'elle en était toujours propriétaire au moment de sa saisie le 23 mai 1997 ; en effet, si elle justifie l'avoir acquise le 29 octobre 1993, il ressort néanmoins des pièces jointes à sa requête que les enquêteurs chargés de l'exécution d'une commission rogatoire du juge d'instruction ont appris le 14 mai 1997 que cette bague venait d'être découverte par une dame B... dans une poche d'un vêtement acheté lors d'une braderie de la Croix Rouge et que celle-ci l'avait confiée à un bijoutier de Saint-Lô, M. C..., il résulte de l'audition de Mme B... que son vêtement provenait d'un lot de Grandville vendu le 2 mai 1997 ; il résulte, par ailleurs, du dossier d'instruction que la demanderesse a remis en gage ou revendu des bijoux qu'elle avait acquis en 1993 ; dès lors, il n'y a pas lieu de restituer à la demanderesse la bague qu'elle revendique ;
"alors, d'une part, que, selon l'article 41-4 du Code de procédure pénale, la restitution des objets placés sous main de justice doit être ordonnée lorsqu'elle n'est pas de nature à créer un danger pour les personnes ou les biens, qu'aucune disposition particulière prévoit la destruction desdits objets et qu'ils ne sont pas revendiqués par des tiers ;
qu'ainsi, la chambre de l'instruction qui, bien qu'elle ait relevé que la bague Cartier achetée le 29 octobre 1993 par Sandra X...
Y... n'était pas de nature à créer un danger pour les personnes ou les biens, qu'aucune disposition particulière ne prévoyait sa destruction et qu'elle n'était pas revendiquée par un tiers, a refusé de faire droit à sa requête en restitution, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et ainsi a violé l'article précité ;
"alors, d'autre part, que, lorsque l'objet n'est pas revendiqué par un tiers, la restitution ne peut être refusée que s'il est démontré que la personne qui la revendique n'est pas son légitime propriétaire ;
qu'en l'espèce, Sandra X...
Y... a demandé la restitution de sa bague Cartier (réf. HSS 113) achetée le 29 octobre 1993 après que l'arrêt de la cour d'assises de Paris du 6 mars 2003 l'a acquittée du crime de blanchiment sans prononcer la confiscation de la bague ; que, contrairement à ce qu'affirme la chambre de l'Instruction, la demanderesse n'a pas admis dans sa requête en restitution qu'il lui appartenait d'établir qu'elle était propriétaire de la bague litigieuse, mais a simplement produit la fiche de vente de la maison Cartier attestant qu'elle avait acquis la bague en 1993 ; qu'en refusant de faire droit à la demande de restitution, en prétextant que Sandra X...
Y... ne faisait pas la preuve qu'elle était toujours propriétaire de ladite bague, la chambre de l'instruction a renversé la charge de la preuve et ainsi a privé sa décision de toute base légale ;
"alors, de surcroît, que ne constitue pas une contestation sérieuse sur la propriété de la bague Cartier (réf. HSS 113) achetée le 29 octobre 1993 par Sandra X...
Y... le fait que celle-ci aurait été retrouvée dans une poche d'un vêtement acheté lors d'une braderie de la Croix Rouge, sans qu'il ne soit d'ailleurs précisé le nom du propriétaire du vêtement ;
qu'ainsi, la décision est de nouveau entachée d'un manque de base légale ;
"alors, enfin, qu'est tout aussi insuffisant et inopérant l'argument tiré de ce que Sandra X...
Y... a remis en gage ou revendu des bijoux qu'elle avait acquis en 1993, dès lors que la chambre de l'instruction n'a pas rapporté la preuve que ce fut également le cas de la bague revendiquée" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, le 14 mai 1997, un bijoutier de Saint-Lô a remis aux services de police une bague découverte par une cliente dans la poche d'une veste qu'elle avait achetée quelques jours plus tôt dans une braderie ; que, l'enquête ayant permis d'établir que Sandra X...
Y..., mise en examen du chef d'infractions à la législation sur les stupéfiants, avait acquis ce bijou, le 29 octobre 1993, les policiers ont procédé à sa saisie, le 23 mai 1997, au cours de l'information ;
Attendu que, condamnée pénalement par arrêt de la cour d'assises de Paris, en date du 6 mars 2003, devenu définitif, cette dernière a demandé au procureur général la restitution de la bague ; que ce magistrat a refusé de faire droit à cette requête ;
Attendu que, pour rejeter également la demande de restitution, la chambre de l'instruction, saisie en application des articles 41-4 et 710 du Code de procédure pénale retient que, si Sandra X...
Y... justifie avoir acheté le bijou, elle ne démontre pas qu'elle en était toujours propriétaire au moment de la saisie ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, et dès lors que la demanderesse n'était pas détentrice du bien lors de sa saisie, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, Mme Anzani conseiller rapporteur, M. Joly, Mme Chanet, MM. Beyer, Pometan, Mmes Palisse, Guirimand conseillers de la chambre, M. Valat, Mme Labrousse conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Mouton ;
Greffier de chambre : M. Souchon ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;