AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Joint les pourvois n° K 01-16.297, F 01-16.500 et B 01-17.255, lesquels sont connexes ;
Attendu que M. X... et Mme Y..., respectivement auteurs de la musique et des paroles d'une chanson intitulée "Femme libérée" avaient, par contrat du 7 mars 1984, confié l'exploitation de l'oeuvre aux sociétés Productions et éditions musicales Charles Talar (la société Talar) et TOP n° 1 ; que par convention conclue en 1991, prorogée en 1994, M. X... s'est engagé auprès de la société Publicis SDG, dénommée depuis Publicis Koufra, à réaliser, par utilisation de la musique de la chanson, un message publicitaire radiophonique vantant les mérites des montres de la société Pierre Lannier et devant être diffusé jusqu'au 31 décembre 1996 ; qu'il en a été ainsi sur les stations de radio reçues en France et dans des magasins situés sur le territoire ; qu'en avril 1997, les sociétés Talar et EMHA, cette dernière aux droits de la société TOP n 1, ont assigné en contrefaçon toutes les personnes physiques ou morales précitées, ainsi que la société Agence sixième jour, gestionnaire depuis janvier 1995 des campagnes publicitaires de la société Pierre Lannier ; que cette dernière, pour ce qui la concerne, a été définitivement mise hors de cause ;
Sur les deux moyens du pourvoi de la société Agence sixième jour, tels qu'exposés dans son mémoire en demande et reproduits en annexe :
Attendu que la cour d'appel, qui a écarté des débats les conclusions et pièces annexées par lesquelles ladite société contestait la contrefaçon et la demande de dommages-intérêts articulées à son endroit, a relevé qu'ayant constitué avoué dès le 27 mars 2000, elle avait, sans alléguer une quelconque impossibilité de le faire en temps utile, conclu uniquement le 11 juin 2001, jour annoncé de la clôture, empêchant ainsi les autres parties de répliquer ; qu'elle a ainsi caractérisé les circonstances particulières par lesquelles cette société avait fait obstacle au principe de la contradiction ; d'où il suit que le premier moyen, inopérant, rend le second irrecevable comme nouveau et mélangé de fait ;
Sur le premier moyen du pourvoi de la société Publicis Koufra, pareillement énoncé et reproduit :
Attendu que sous couvert d'un grief non fondé de manque de base légale au regard des articles 70 et 567 du nouveau Code de procédure civile, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine par laquelle la cour d'appel a estimé que la demande d'intimée de Mme Y... en réparation de l'atteinte à son droit moral se rattachait aux demandes originaires par un lien suffisant ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen du pourvoi de M. X... et le troisième moyen du pourvoi de la société Publicis Koufra pareillement énoncés et reproduits :
Attendu que l'arrêt, qui a dit M. X... coupable de contrefaçon envers Mme Y... et l'a condamné à un franc de dommages-intérêts envers elle, a observé que, par l'union de ses texte et musique, la chanson "Femme libérée" constituait un tout indivisible, qu'elle avait rencontré un grand succès populaire et que Mme Y..., cotitulaire du droit moral, n'avait jamais été sollicitée pour autoriser l'exploitation publicitaire intervenue, laquelle, agrémentée des paroles concernant le produit à promouvoir, avait nécessairement porté préjudice à l'oeuvre commune en la galvaudant ; que par ces constatations, la cour a légalement justifié sa décision au regard des articles L. 113-3, alinéa 3, L. 121-1 et L. 121-2 du Code de la propriété intellectuelle et 1382 du Code civil ; qu'en prononçant ensuite condamnation dans les termes qu'elle a retenus, elle n'a fait que se conformer à la restriction dont Mme Y... avait expressément assorti sa demande, respectant ainsi l'article 5 du nouveau Code de procédure civile ; d'où il suit que les moyens ne peuvent être accueillis ;
Mais sur le premier moyen du pourvoi de M. X... et le deuxième moyen de la société Publicis Koufra :
Vu les articles L. 122-7 et L. 131-2 du Code de la propriété intellectuelle ;
Attendu que la cession de ses droits par l'auteur est limitée aux modes d'exploitation prévus au contrat ;
Attendu que pour dire les demandeurs coupables de contrefaçon envers les sociétés Talar et EMHA et les condamner à dommages-intérêts envers elles, l'arrêt retient qu'en application de l'article L. 122-4 du Code de la propriété intellectuelle et quelles que soient les stipulations du contrat du 7 mars 1984, ils étaient tenus, pour réaliser le message publicitaire litigieux, oeuvre dérivée faite à partir de la musique de la chanson, d'obtenir le consentement des éditeurs titulaires des droits de reproduction et représentation sur l'oeuvre première ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les clauses relevées portaient cession de la fabrication, publication, location, vente, licence de tous exemplaires graphiques ou mécaniques de l'oeuvre, "quels qu'en soient la destination, le support matériel ou la forme", formule que sa généralité rendait inopérante à inclure par elle-même l'exploitation publicitaire en plus des finalités artistiques usuelles, la cour d'appel a violé les textes susvisés;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné in solidum avec la société Agence sixième jour la société Publicis Koufra et M. X... à payer des dommages-intérêts pour contrefaçon aux sociétés Productions et éditions musicales Charles Talar et EMHA, l'arrêt rendu le 12 septembre 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Productions et éditions musicales Charles Talar et la société EMHA aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze février deux mille cinq.