AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 mars 2003) que la juridiction pénale ayant ordonné la démolition d'ouvrages réalisés sans permis de construire sur des bâtiments en ruine appartenant à la société civile immobilière Le Miradou (la SCI), celle-ci, reprochant à l'Etat d'avoir fait procéder à la démolition complète de ces bâtiments, engageant ainsi sa responsabilité du fait du fonctionnement défectueux du service public de la justice a assigné l'agent judiciaire du Trésor en réparation ; que le préfet a déposé un déclinatoire de compétence ;
Attendu que la SCI Le Miradou fait grief à l'arrêt de déclarer la juridiction judiciaire incompétente alors, selon le moyen :
1 / qu'aux termes de l'article L. 480-5 du Code de l'urbanisme, "en cas de condamnation pour une infraction prévue aux articles L. 160-1 et L. 480-4, le Tribunal, au vu des observations écrites ou après audition du maire ou du fonctionnaire compétent, statue, même en l'absence d'avis en ce sens de ces derniers, soit sur la mise en conformité des lieux ou celle des ouvrages..., soit sur la démolition des ouvrages"... ;
que, selon l'article L. 480-9 du même Code, "si, à l'expiration du délai fixé par le jugement, la démolition ou la mise en conformité... ordonnée n'est pas complètement achevée, le maire ou le fonctionnaire compétent peut faire procéder d'office à tous travaux nécessaires à l'exécution de la décision de justice..." ; qu'il résulte de ces dispositions que le Préfet n'a le pouvoir de faire procéder à la démolition de travaux effectués sans permis de construire qu'à la condition que le jugement de condamnation du tribunal correctionnel devenu définitif en ait ordonné la démolition ; que le pouvoir du Préfet étant subordonné à un tel jugement, le Préfet n'agit pas en vertu d'un pouvoir propre lorsque, en exécution de ce jugement, il fait procéder à la démolition ordonnée ; qu'en affirmant néanmoins que le Préfet agit en vertu d'un pouvoir propre et, partant, que les dispositions de l'article L. 781-1 du Code de l'organisation judiciaire ne sont pas applicables, la cour d'appel a violé les articles L. 480-5 et L. 480-9 du Code de l'urbanisme ainsi que, partant, l'article L. 781-1 du Code de l'organisation judiciaire ;
2 / que les dispositions de l'article L. 781-1 du Code de l'organisation judiciaire concernant l'ensemble des activités du service de la justice s'appliquent aux activités des personnes que la loi investit du pouvoir d'apporter leur concours à l'autorité judiciaire ; que le tribunal de l'ordre judiciaire est dès lors compétent pour statuer sur les conséquences dommageables de la démolition à laquelle le Préfet, usant du pouvoir que lui accorde l'article L. 480-9 du Code de l'urbanisme, décide de faire procéder en exécution du jugement qui l'a ordonnée ; qu'en affirmant que le litige ne concerne pas la réparation d'un dommage causé par le fonctionnement défectueux de la justice au sens de l'article L. 781-1 du Code de l'organisation judiciaire, la cour d'appel a violé de plus fort cet article ;
3 / que le caractère de mesure destinée à faire cesser une situation illicite de la démolition implique qu'elle ne peut être prononcée à titre de peine principale, qu'elle n'est pas soumise à la prescription de la peine et n'est pas éteinte par l'amnistie ou le décès du prévenu ; qu'en déduisant de ce caractère de la démolition que le juge administratif est compétent pour connaître de ses conséquences dommageables, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de la loi des 16-24 août 1790 ;
Mais attendu qu'ayant retenu à bon droit que le préfet avait fait exécuter les travaux de démolition sur le fondement de l'article L. 480-9 du Code de l'urbanisme en vertu d'un pouvoir propre, la cour d'appel, qui en a exactement déduit que le litige ne concernait pas la réparation d'un dommage causé par le fonctionnement du service public de la justice au sens de l'article L. 781-1 du Code l'organisation judiciaire a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la SCI Le Miradou aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la SCI Le Miradou à payer à l'Agent judiciaire du Trésor la somme de 2 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille cinq.