AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le douze janvier deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller THIN, les observations de Me Le PRADO, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRECHEDE ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Jean-Louis,
contre l'arrêt de la cour d'appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, en date du 9 janvier 2004, qui, pour abus de confiance, l'a condamné à 18 mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve, 15 000 euros d'amende, 5 ans d'interdiction de gérer une personne morale, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 427, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a écarté des débats des documents produits à l'audience par le conseil de Jean-Louis X... à l'appui de son argumentation ;
"aux motifs qu'en la forme, ne peuvent être pris en considération par la Cour des documents non soumis à la libre et contradictoire discussion des parties, notamment lorsqu'ils n'ont pas, préalablement, été remis au ministère public ;
"alors, d'une part, que, si le juge correctionnel ne peut fonder sa décision que sur des preuves qui lui sont apportées au cours des débats, et contradictoirement discutées devant lui, il n'est pas exigé que ces pièces soient communiquées à la partie adverse, et notamment au ministère public avant l'audience ; qu'ainsi, en écartant des débats les pièces produites par Jean-Louis X..., au prétexte que celle-ci n'auraient pas été soumises à la libre et contradictoire discussion des parties, dès lors qu'elles n'ont pas été remises préalablement au ministère public, cependant que de tels documents, produits lors de l'audience des débats et communiqués à cette occasion au ministère public, se trouvaient nécessairement soumis à une discussion contradictoire, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;
"alors, d'autre part, que les arrêts et jugements rendus en dernier ressort sont déclarés nuls s'ils ne contiennent pas de motifs ou si leurs motifs sont insuffisants et ne permettent pas à la Cour de cassation d'exercer son contrôle ; qu'en écartant des débats certains éléments de preuve produits par Jean-Louis X..., à l'appui de sa défense, par une motivation générale ne permettant pas de savoir quelles pièces ont été rejetées, la cour d'appel n'a pas mis la chambre criminelle en mesure d'exercer son contrôle sur la légalité de l'arrêt" ;
Vu l'article 427 du Code de procédure pénale ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que le juge ne peut refuser d'examiner les preuves qui lui sont apportées lors des débats, au motif qu'elles n'auraient pas été préalablement communiquées à la partie adverse ;
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que Jean-Louis X..., prévenu d'abus de confiance, a produit divers documents lors des débats d'appel ; que, pour faire droit à la demande du ministère public tendant à ce que ces pièces soient écartées des débats, les juges du second degré énoncent que "ne peuvent être pris en considération par la Cour des documents non soumis à la libre discussion des parties, notamment lorsqu'ils n'ont pas, préalablement, été remis au ministère public" ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi alors qu'il lui appartenait d'assurer le débat contradictoire en ordonnant la communication des documents susvisés au ministère public, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé et du principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens ;
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Grenoble, en date du 9 janvier 2004, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Chambéry, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Grenoble, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Thin conseiller rapporteur, M. Pibouleau conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;