AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu qu'il est fait grief au jugement attaqué (tribunal d'instance de Mulhouse, 18 novembre 2003) d'avoir débouté la société anonyme Clemessy et la SAS France Réseaux de leur demande tendant à l'annulation de la désignation par l'Union Départementale CFTC du Haut-Rhin de M. Philippe X... en qualité de délégué syndical dans le cadre de l'unité économique et sociale qui serait constituée par ces deux sociétés et dit qu'il existe une unité économique et sociale entre la société anonyme Clemessy et la SAS France Réseaux, alors, selon le moyen :
1 / que l'existence d'une unité économique entre plusieurs personnes morales juridiquement distinctes suppose nécessairement que les éléments qui la composent soient soumis à un pouvoir de direction unique ; qu'elle est également caractérisée par l'existence de services communs ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations mêmes du jugement que la société Clemessy et sa filiale, la SAS France Réseaux, n'ont pas les mêmes dirigeants et sont dotées d'organes de représentation distincts ; que, dans leurs écritures (p.6), les sociétés exposantes avaient également fait valoir que ces deux sociétés, qui possèdent chacune leurs propres outils de production, ont aussi chacune leurs propres moyens commerciaux et comptabilité ; qu'en retenant néanmoins qu'il existe une unité économique entre ces deux sociétés, peu important que la société France Réseaux, qui appartient au même groupe que la société Clemessy, soit soumise à la politique économique de celle-ci, le tribunal d'instance a violé l'article L. 412-11 du Code du travail ;
2 / que l'existence d'une unité sociale est caractérisée par l'existence d'une communauté de travail se traduisant, notamment, par l'identité des contrats de travail, la similitude des avantages sociaux, des conventions collectives et des conditions de travail, une même politique salariale ou la permutabilité du personnel ; qu'en l'espèce, pour déduire l'existence d'une unité sociale entre les sociétés Clemessy et France Réseaux, le tribunal d'instance, tout en admettant des différences de traitement social entre ces deux sociétés, notamment quant aux avantages sociaux, a simplement retenu l'existence d'une gestion commune des ressources humaines matérialisée par la diffusion par une même entité de documents d'information aux salariés de ces deux sociétés ainsi que le pilotage des chantiers par un comité commun ; qu'en ne relevant ni l'identité des contrats de travail, ni la similitude des conditions de travail ou de la politique salariale des sociétés Clemessy et France Réseaux, ni soumission à la même convention collective, le tribunal d'instance a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 412-11 du Code du travail ;
3 / qu'il ne peut y avoir une unité économique et sociale entre une société et une branche d'activité d'une autre société qui ne constitue pas une entreprise juridiquement distincte au sens de l'article L. 431-1 du Code du travail ; que cette unité économique et sociale doit exister entre des personnes morales juridiquement distinctes prises dans l'ensemble de leurs établissements et de leurs personnels ;
qu'en décidant que le fait que l'unité économique et sociale n'existe qu'entre tous les salariés de la SAS France Réseaux, d'une part, et les salariés d'une "branche d'activité" de la société anonyme Clemessy, d'autre part, laquelle ne constitue pas une personne morale, ne faisait pas obstacle à la reconnaissance de l'unité économique et sociale entre ces deux sociétés, le tribunal d'instance a violé les articles L. 412-11 et L. 431-1 du Code du travail ;
Mais attendu qu'une unité économique et sociale peut exister entre deux sociétés, même si l'activité de l'une, dans son ensemble, n'est complémentaire que de l'activité d'un secteur de production de l'autre, si tous les salariés des deux sociétés constituent une seule communauté de travailleurs ;
D'où il suit que le tribunal d'instance, qui a relevé, d'une part, que la concentration des pouvoirs de direction assurait l'unité de la gestion économique des activités complémentaires des deux sociétés, et qui a constaté, d'autre part, qu'outre la permutabilité des salariés, les personnels des deux sociétés étaient gérés en commun, sans autre différenciation que celle résultant de l'existence de deux entités juridiques distinctes, a pu décider que, peu important l'application de deux conventions collectives différentes, il existait une unité économique et sociale entre les deux sociétés ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze janvier deux mille cinq.