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11/01/2005 | FRANCE | N°02-16597

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 11 janvier 2005, 02-16597


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par le receveur principal des Impôts de Rochefort-sur-Mer que sur le pourvoi incident relevé par M. X... ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Soltra (la société), dirigée par M. X..., président du directoire, et par M. Y..., membre de celui-ci, a déposé sans paiement les déclarations de TVA des mois de juin, juillet et août 1992, et s'est vue notifier des rappels de TVA pour des min

orations de recettes relevées sur les exercices clos en 1991 et 1992, ainsi que d...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par le receveur principal des Impôts de Rochefort-sur-Mer que sur le pourvoi incident relevé par M. X... ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Soltra (la société), dirigée par M. X..., président du directoire, et par M. Y..., membre de celui-ci, a déposé sans paiement les déclarations de TVA des mois de juin, juillet et août 1992, et s'est vue notifier des rappels de TVA pour des minorations de recettes relevées sur les exercices clos en 1991 et 1992, ainsi que des rappels au titre de la taxe pour la formation professionnelle continue pour les années 1990, 1991 et 1992 ; que la société ayant été placée en redressement judiciaire le 9 octobre 1992, puis en liquidation judiciaire le 30 décembre 1992, le receveur principal des Impôts de Rochefort-sur-Mer a assigné M. X... et M. Y... afin qu'ils soient déclarés solidairement responsables du paiement des sommes restant dues à sa caisse par la société ; que cette demande a été accueillie par le premier juge ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa première branche :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé sa condamnation solidaire avec la société au paiement d'une certaine somme, alors, selon le moyen, que les défendeurs à une action fondée sur l'article L. 267 du Livre des procédures fiscales sont fondés à soulever les exceptions inhérentes à la dette quand bien même ils n'auraient pas contesté la créance lors de son admission par le tribunal de commerce, sans avoir à se conformer aux règles de la tierce opposition ; que la cour d'appel qui refuse d'examiner la validité de la déclaration de créance du receveur et le respect de la procédure de l'article 74 du décret du 27 décembre 1985, bien qu'elle ait constaté que l'autorité de la chose jugée ne pouvait lui être opposée a violé l'article L. 267 du Livre des procédures fiscales ;

Mais attendu que le juge saisi sur le fondement de l'article L. 267 du Livre des procédures fiscales n'a pas compétence pour se substituer au juge de la procédure collective dans l'appréciation du bien-fondé de l'admission d'une créance ; que dès lors, en déclarant irrecevable l'action en nullité dirigée contre la déclaration de créance faite par le receveur, ainsi que la demande de tierce opposition incidente formée contre l'ordonnance du juge-commissaire, pour non-respect des règles applicables à la procédure collective, la cour d'appel n'a pas méconnu le texte susvisé ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur la quatrième branche du moyen du pourvoi incident :

Vu l'article L. 267 du Livre des procédures fiscales ;

Attendu que pour condamner MM. X... et Y... à payer solidairement avec la société une partie de la somme restant due par celle-ci, la cour d'appel a retenu que le caractère répétitif des manquements était établi et constituait "pour partie" la cause de l'impossibilité de recouvrement de la créance du receveur ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le dirigeant d'une société ne peut être déclaré solidairement tenu au paiement de la dette fiscale de celle-ci que si l'inobservation grave et répétée des obligations fiscales dont il est responsable en a rendu impossible le recouvrement auprès de la société, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et, sur le moyen unique du pourvoi principal :

Vu l'article L. 267 du Livre des procédures fiscales ;

Attendu que pour réformer partiellement le jugement en limitant la condamnation solidaire des dirigeants avec la société, initialement fixée à 3 942 775 francs, à la somme de 228 673,53 euros, soit 1 500 000 francs, la cour d'appel a retenu que le juge disposait d'un pouvoir d'appréciation pour l'application de l'article L. 267 du Livre des procédures fiscales, en vertu duquel il avait l'obligation de rechercher si, au regard des circonstances et de la bonne foi des dirigeants, les manquements gardaient un caractère suffisant de gravité pour justifier l'application totale ou partielle de cet article ; qu'elle a estimé qu'en l'espèce, les dirigeants sociaux avaient eu le souci, certes maladroit, de tenter la survie de l'entreprise et le maintien des emplois, qu'ils n'avaient fait l'objet d'aucune poursuite pour fraude fiscale à caractère pénal et que le manquement à leurs obligations, s'il restait grave et répété, ne s'était déroulé que dans un laps de temps relativement court ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le juge, saisi d'une demande fondée sur l'article L. 267 du Livre des procédures fiscales, qui estime que les conditions d'application de ce texte sont remplies pour la totalité de la somme restant due par la société, ne dispose pas du pouvoir de limiter le montant de la condamnation à prononcer, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen unique du pourvoi incident relevé par M. X... :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 avril 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;

remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze janvier deux mille cinq.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 02-16597
Date de la décision : 11/01/2005
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1° IMPOTS ET TAXES - Responsabilité des dirigeants - Dirigeant d'une société ou de tout autre groupement - Procédure - Admission au passif de la procédure collective d'une créance fiscale - Compétence d'attribution - Détermination.

1° ENTREPRISE EN DIFFICULTE - Redressement judiciaire - Patrimoine - Créance - Admission - Juge-commissaire - Compétence - Etendue.

1° Le juge saisi sur le fondement de l'article L. 267 du Livre des procédures fiscales n'a pas compétence pour se substituer au juge de la procédure collective dans l'appréciation du bien-fondé de l'admission d'une créance.

2° IMPOTS ET TAXES - Responsabilité des dirigeants - Dirigeant d'une société ou de tout autre groupement - Inobservation grave et répétée des obligations fiscales rendant impossible le recouvrement de l'impôt - Lien de causalité - Nécessité.

2° Le dirigeant d'une société ne peut être déclaré solidairement tenu au paiement de la dette fiscale de celle-ci que si l'inobservation grave et répétée des obligations fiscales dont il est responsable en a rendu le recouvrement impossible auprès de la société.

3° IMPOTS ET TAXES - Responsabilité des dirigeants - Dirigeant d'une société ou de tout autre groupement - Procédure - Condamnation - Limitation de son montant - Impossibilité.

3° POUVOIRS DES JUGES - Applications diverses - Impôts et taxes - Exclusion - Cas - Responsabilité des dirigeants - Condamnation.

3° Le juge saisi d'une demande fondée sur l'article L. 267 du Livre des procédures fiscales, qui estime que les conditions d'application de ce texte sont remplies pour la totalité de la somme restant due par la société, ne dispose pas du pouvoir de limiter le montant de la condamnation à prononcer.


Références :

Décret 85-1388 du 27 décembre 1985 art. 74
Livre des procédures fiscales L267

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 16 avril 2002


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 11 jan. 2005, pourvoi n°02-16597, Bull. civ. 2005 IV N° 7 p. 6
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2005 IV N° 7 p. 6

Composition du Tribunal
Président : M. Tricot.
Avocat général : M. Feuillard.
Rapporteur ?: Mme Gueguen.
Avocat(s) : Me Foussard, la SCP Jacques et Xavier Vuitton.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:02.16597
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