AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Met, sur sa demande, hors de cause la société Océan marine mutual ;
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la Société tunisienne d'assurance et de réassurance (STAR) que sur le pourvoi incident relevé par la société Entropie, actuellement dénommée Weir Entropie :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Entropie a confié à la société Kuhne et Nagel, commissionnaire de transport, l'acheminement d'une usine de dessalement de Châteaubriant à Sfax (Tunisie) ; que sous couvert d'un connaissement à ordre, émis le 15 avril 1998 à Rochefort par la société Tunisian SEA transport company (le transporteur maritime), le matériel a été chargé sur le navire "Jerba" à destination de Sfax ; qu'au cours du voyage maritime, le matériel a été endommagé à la suite de la rupture de son saisissage ce qui a entraîné le déroutage du navire sur Saint-Nazaire, où il a fait l'objet d'une saisie conservatoire à la demande de la société Entropie ; que celle-ci a assigné devant le tribunal de commerce de Saint-Nazaire le capitaine du navire "Jerba", le transporteur maritime, la société Océan marine mutual, assureur du transporteur maritime et la société Kuhne et Nagel en réparation de son préjudice ; que la Société tunisienne d'assurance et de réassurance (STAR), assureur sur facultés, qui a indemnisé partiellement le Groupe chimique tunisien, destinataire du matériel, et qui est ainsi subrogée dans ses droits, a assigné devant la même juridiction le capitaine du navire "Jerba", le transporteur maritime, la société Kuhne et Nagel et l'Agence maritime rochelaise en paiement de l'indemnité versée ; que le transporteur maritime a soulevé l'incompétence du tribunal de commerce de Saint-Nazaire au profit de celui de Tunis (Tunisie) en se fondant sur une clause attributive de compétence figurant sur le connaissement ; que le tribunal de commerce s'est déclaré incompétent pour connaître des demandes ; que la STAR a formé contredit ;
Sur le moyen unique, pris en ses cinq branches, du pourvoi incident :
Attendu que la société Entropie reproche à l'arrêt d'avoir déclaré le tribunal de commerce de Saint-Nazaire incompétent, alors, selon le moyen :
1 / qu'aux termes de l'article 7-1 c de la Convention de Bruxelles du 10 mai 1952, les tribunaux de l'Etat dans lequel la saisie d'un navire a été opérée sont compétents pour statuer sur le fond du procès, lorsque la créance maritime est née au cours du voyage pendant lequel la saisie a été faite ; qu'en décidant, pour déclarer incompétent le tribunal de commerce de Saint-Nazaire, que le lieu de saisie du navire ne suffit pas à définir la compétence du tribunal dans le ressort duquel celui-ci a lieu, en l'absence de règle distincte justifiant cette compétence, la cour d'appel a violé l'article 7, 1 C de la Convention de Bruxelles du 10 mai 1952 ;
2 / qu'aux termes de l'article 7,1 de la Convention de Bruxelles du 10 mai 1952, les tribunaux de l'Etat dans lequel la saisie d'un navire a été opérée sont compétents pour statuer sur le fond du procès, si ces tribunaux sont compétents en vertu de la loi interne de l'Etat dans lequel la saisie est pratiquée ; qu'aux termes de l'article 54 du décret du 31 décembre 1966, les actions nées du contrat de transport de marchandises peuvent être portées devant le tribunal du port de déchargement, s'il est situé sur le territoire de la République française ;
qu'en décidant néanmoins, pour déclarer incompétent le tribunal de commerce de Saint-Nazaire, que seule la Convention de Bruxelles s'appliquant au transport international litigieux dont le point de départ est Rochefort, la compétence ne pouvait être rattachée à Saint-Nazaire, comme port de déchargement, au sens de l'article 54 du décret du 31 décembre 1966, la cour d'appel a violé l'article 7,1 de la Convention de Bruxelles du 10 mai 1952, ensemble l'article 54 du décret du 31 décembre 1966 ;
3 / qu'aux termes de l'article 7,1 de la Convention de Bruxelles du 10 mai 1952, les tribunaux de l'Etat dans lequel la saisie d'un navire a été opérée sont compétents pour statuer sur le fond du procès, si ces tribunaux sont compétents en vertu de la loi interne de l'Etat dans lequel la saisie est pratiquée ; qu'aux termes de l'article 54 du décret du 31 décembre 1966, les actions nées du contrat de transport de marchandises peuvent être portées devant le tribunal du port de déchargement, s'il est situé sur le territoire de la République française ;
qu'en se fondant néanmoins, pour déclarer incompétent le tribunal de commerce de Saint-Nazaire, sur les articles 42 et 46 du nouveau Code de procédure civile et sur la Convention de Bruxelles qui s'appliquait, selon elle, au transport international litigieux, tout en constatant que le port de déchargement des marchandises était Saint-Nazaire, la cour d'appel a violé l'article 7,1 de la Convention de Bruxelles du 10 mai 1952, ensemble l'article 54 du décret du 31 décembre 1966 ;
4 / qu'aux termes de l'article 7,1 de la Convention de Bruxelles du 10 mai 1952, les tribunaux de l'Etat dans lequel la saisie d'un navire a été opérée sont compétents pour statuer sur le fond du procès, si ces tribunaux sont compétents en vertu de la loi interne de l'Etat dans lequel la saisie est pratiquée ; qu'aux termes de l'article 54 du décret du 31 décembre 1966, les actions nées du contrat de transport de marchandises peuvent être portées devant le tribunal du port de déchargement, s'il est situé sur le territoire de la République française ;
que le port de déchargement est celui où les marchandises ont été effectivement déchargées ; qu'en décidant néanmoins, pour déclarer le tribunal de commerce de Saint-Nazaire incompétent, qu'il est surabondamment observé que le port de déchargement visé dans les documents contractuels est celui de Sfax en Tunisie, la cour d'appel a violé l'article 7,1 de la Convention de Bruxelles du 10 mai 1952, ensemble l'article 54 du décret du 31 décembre 1966 ;
5 / pour être opposable au destinataire et, en conséquence, à l'assureur subrogé dans ses droits, une clause attributive de juridiction figurant dans le connaissement, doit avoir fait l'objet d'une acceptation spéciale de la part du destinataire et donc avoir été portée à sa connaissance et acceptée par lui, au plus tard au moment où la marchandise lui a été livrée ; que pour déclarer le tribunal de commerce de Saint-Nazaire incompétent, la cour d'appel a retenu que la clause du connaissement donnant compétence au tribunal de commerce de Tunis était connue du Groupe chimique tunisien qui, avant de porter son action devant la juridiction consulaire française, avait saisi ce tribunal et que cette clause étant d'usage courant dans ce type de relations et figurant par ailleurs de manière claire sur ledit connaissement, elle est opposable à la société STAR, son assureur ; qu'en statuant ainsi, sans constater que la clause attributive de compétence avait été non seulement portée à la connaissance du destinataire, mais encore acceptée par lui, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu qu'après avoir énoncé que le contredit n'a d'effet qu'à l'égard de celui qui le forme et constaté que la société Entropie n'a pas formé contredit, la cour d'appel a retenu, à bon droit, que cette société n'est pas recevable à discuter la décision d'incompétence déférée en sollicitant son infirmation ; que le moyen est donc inopérant ;
Mais sur le moyen unique, pris en sa première branche, du pourvoi principal :
Vu l'article 7,1 c de la Convention de Bruxelles du 10 mai 1952 pour l'unification de certaines règles sur la saisie conservatoire des navires de mer ;
Attendu qu'aux termes de ce texte, les tribunaux de l'Etat dans lequel la saisie d'un navire a été opérée sont compétents pour statuer sur le fond du procès, lorsque la créance maritime est née au cours du voyage pendant lequel la saisie a été faite ;
Attendu que pour dire que le tribunal de commerce de Saint-Nazaire est incompétent pour statuer sur la demande de la STAR en réparation des dommages au matériel transporté, l'arrêt retient que le lieu de la saisie conservatoire du navire ne suffit pas à définir la compétence du tribunal dans le ressort duquel celle-ci a eu lieu, en l'absence de règle distincte justifiant cette compétence ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la créance de la STAR est une créance maritime qui est née au cours du voyage pendant lequel la saisie a été faite, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le même moyen, pris en sa cinquième branche :
Vu l'article 1134 du Code civil ;
Attendu que pour dire que le tribunal de commerce de Saint-Nazaire est incompétent pour statuer sur la demande de la STAR en réparation des dommages au matériel transporté, l'arrêt retient encore que la clause du connaissement donnant compétence au tribunal de commerce de Tunis était connue du Groupe chimique tunisien, destinataire de la marchandise, qui avant de porter son action devant la juridiction consulaire française, en avait saisi ce tribunal et que d'usage courant dans ce type de relations et figurant de manière claire sur le connaissement elle est opposable à la STAR, son assureur, qui est subrogé dans ses droits pour l'avoir indemnisé ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans constater que la clause attributive de compétence avait fait l'objet d'une acceptation spéciale de la part du destinataire, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
REJETTE le pourvoi incident ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'elle a dit que le tribunal de commerce de Saint-Nazaire est incompétent pour statuer sur la demande de la Société tunisienne d'assurance et de réassurance contre le capitaine du navire "Jerba", la société Tunisian Sea transport company, la société Kuhne et Nagel et l'Agence maritime rochelaise, l'arrêt rendu le 3 juillet 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;
Condamne la société Tunisian sea transport CY, la société Weir Entropie, venant aux droits de la société Entropie, le capitaine du navire "Jerba", le Groupe chimique tunisien, la société Kuhne et Nagel et la société Agence maritime rochelaise aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la Société tunisienne d'assurance et de réassurance et de l'Agence maritime rochelaise ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille quatre.