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01/12/2004 | FRANCE | N°03-14033

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 01 décembre 2004, 03-14033


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier, le deuxième et le troisième moyens, réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 février 2003) que le montant de l'indemnité revenant aux époux X... à la suite de l'expropriation de terrains leur appartenant a été fixée par un arrêt devenu irrévocable ; que les consorts X..., venant aux droits des époux X..., ont saisi le juge de l'expropriation d'une demande en réévaluation de l'indemnité sur le fondement des dispositions de l'articl

e L. 13-9 du Code de l'expropriation ; qu'ayant été déclarés déchus de leur appel, f...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier, le deuxième et le troisième moyens, réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 février 2003) que le montant de l'indemnité revenant aux époux X... à la suite de l'expropriation de terrains leur appartenant a été fixée par un arrêt devenu irrévocable ; que les consorts X..., venant aux droits des époux X..., ont saisi le juge de l'expropriation d'une demande en réévaluation de l'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article L. 13-9 du Code de l'expropriation ; qu'ayant été déclarés déchus de leur appel, faute de mémoire régulier déposé dans les deux mois de l'acte d'appel conformément à l'article R.13-49 du même code, ils ont assigné M. Y..., avocat les ayant représentés devant la cour d'appel, en paiement de dommages-intérêts ;

Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande, alors selon le moyen :

1 / que si dans le délai d'un an à compter de la décision définitive, l'indemnité n'a été ni payée, ni consignée, l'exproprié peut demander qu'il soit statué à nouveau sur son montant ; que, si cette demande nouvelle est recevable, la décision fixant l'indemnité d'expropriation initiale est nulle et ne peut plus être opposée à l'exproprié ;

qu'en opposant aux consorts X... le jugement du 4 juin 1980 pour conclure qu'ils n'avaient pas perdu une chance sérieuse d'obtenir une réévaluation de l'indemnité d'expropriation, la cour d'appel a violé l'article L. 13-9 du Code de l'expropriation, ensemble l'article 1147 du Code civil ;

2 / que le juge de l'expropriation qui procède à une nouvelle fixation de l'indemnité d'expropriation en application de l'article L. 13-9 du Code de l'expropriation doit apprécier lui-même les caractéristiques des biens expropriés, et notamment la qualification de terrain à bâtir; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a encore violé les textes susvisés ;

3 / que le juge ne peut refuser de statuer en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties ; qu'en l'espèce, après avoir relevé que, si M. Y... n'avait pas omis de signer son mémoire d'appel, les consorts X... auraient été en droit d'obtenir du juge de l'expropriation, sur le fondement de l'article L. 13-9 du Code de l'expropriation, une réévaluation de l'indemnité d'expropriation et que le juge de la réévaluation aurait dû, s'il avait été régulièrement saisi, rechercher l'évolution du marché des biens immobiliers, la cour d'appel ne pouvait pas débouter les consorts X... au prétexte de l'insuffisance ou de l'imprécision des pièces fournies ; qu'il lui appartenait, pour déterminer le préjudice subi, d'ordonner une mesure d'expertise ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles 4 et 1147 du Code civil ;

4 / que pour apprécier si la demande des expropriés, qui étaient fondés à se prévaloir des dispositions de l'article L. 13-9 du Code de l'expropriation, avait des chances d'aboutir à une révision de l'indemnité d'expropriation, la cour d'appel devait réévaluer elle-même l'indemnité en fonction de l'évolution du marché immobilier, au besoin en ordonnant une expertise et, à tout le moins, par l'application de coefficients adaptés ; qu'en se bornant à relever que l'avocat fautif n'avait pas produit d'élément de nature à établir une éventuelle augmentation de la valeur des terrains expropriés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;

5 / que la cour d'appel devait rechercher quelles étaient les chances de succès de l'action en révision que l'avocat avait été chargé d'engager, sans pouvoir opposer aux clients expropriés l'insuffisance des justificatifs produits (en réalité leur absence, aucun élément n'ayant été produit en appel devant la cour de CAEN) par l'avocat fautif; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ;

6 / que, saisi sur le fondement de l'article L. 13-9 du Code de l'expropriation, le juge peut fixer la nouvelle indemnité en fonction d'indices ; qu'en l'espèce, en relevant que les indices cités par l'expert Z... étaient imprécis, la cour d'appel a admis que l'indemnité pouvait être réévaluée au moyen d'indices adaptés ; qu'en ne recherchant pas, dés lors, si la faute de l'avocat n'avait pas fait perdre aux consorts X... la chance de voir leur indemnité fixée en 1983 réévaluée en 1990 par application des indices des prix des terrains agricoles, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;

7 / que, selon l'article R.13-40 du Code de l'expropriation, la demande de l'exproprié qui entend se prévaloir des dispositions de l'article L. 13-9 est formée, instruite et jugée conformément aux dispositions des articles R.13-22 et suivants du même Code ; qu'ainsi, le juge de la réévaluation peut, en cas de difficulté pour la détermination de l'indemnité, désigner un technicien (article R.13-28, alinéa 3) ou même en appel ordonner une expertise (article R. 13-52) ; qu'en l'espèce la cour d'appel n'a pas recherché si, malgré les carences de leur avocat, les consorts X... n'avaient pas perdu la chance de voir le juge de la réévaluation, s'il avait été régulièrement saisi en appel, ordonner une des mesures susvisées aux fins de réévaluer l'indemnité d'expropriation ; qu'ainsi, elle a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;

8 / qu'ayant elle-même admis que, si M. Y... avait régulièrement saisi la cour d'appel de CAEN, celle-ci n'aurait pas déclaré la demande recevable sur le fondement de l'article L. 13-9 du Code de l'expropriation, mais que les consorts X... auraient pu faire casser cette décision et donc faire juger leur demande de réévaluation par une juridiction de renvoi, la cour d'appel devait donc rechercher quelles auraient été les chances des consorts X... d'obtenir devant cette juridiction de renvoi, et non devant la cour d'appel de Caen, la révision de leur indemnité; qu'en se déterminant "en l'état du dossier" présenté devant la cour d'appel de Caen, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1147 du Code civil ;

9 / que l'article 13-15-I du Code de l'expropriation, applicable à la date de référence, dispose : "Les biens sont estimés à la date de la décision de première instance ; toutefois, et sous réserve de l'application des dispositions du II du présent article, sera seul pris en considération l'usage effectif des immeubles et droits réels immobiliers un an avant l'ouverture de l'enquête prévue à l'article L.11-1 (...) ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est déterminée en citant inexactement un texte qui ne comporte pas la disposition enjoignant aux juges de la réévaluation de l'indemnité d'expropriation de rechercher si les terrains expropriés pouvaient être qualifiés de terrains à bâtir ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé, ensemble l'article L. 13-15-1 du Code de l'expropriation ;

10 / que l'usage effectif d'un terrain dépend des conditions concrètes de son utilisation, quelle que soit sa qualification, à bâtir ou non ; qu'en déduisant, en l'espèce, du refus du jugement du 4 juin 1980 de qualifier les biens expropriés de terrains à bâtir, leur usage exclusivement agricole, la cour d'appel a violé l'article L.13-15 du Code de l'expropriation ensemble l'article 1147 du Code civil ;

Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel a retenu, à bon droit, que la détermination, par la décision initiale en fixation des indemnités d'expropriation devenue irrévocable, de la qualification et de l'usage effectif des terrains litigieux à la date de référence ne pouvait être remise en cause dans l'instance en réévaluation de l'indemnité ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé que M. Y... avait commis une faute en omettant de signer le mémoire d'appel déposé au nom de ses clients dans le délai légal, la cour d'appel, qui a apprécié souverainement les éléments de preuve produits par les consorts X... devant la cour d'appel initialement saisie à l'appui de leur demande en réévaluation de l'indemnité d'expropriation pour établir l'évolution du marché des biens immobiliers depuis la date de décision de première instance jusqu'à la date de prononcé de son arrêt, a pu retenir, sans être tenue d'ordonner une expertise, ni de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée ou que ses constatations rendaient inopérante, qu'en l'absence de cette faute, la chance des appelants de voir réviser l'indemnité d'expropriation par les juges du second degré n'était pas sérieuse ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les autres moyens dont aucun ne serait de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les consorts X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... et des consorts X... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille quatre.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 03-14033
Date de la décision : 01/12/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

EXPROPRIATION POUR CAUSE D'UTILITE PUBLIQUE - Indemnité - Paiement ou consignation - Défaut - Réévaluation - Pouvoirs des juges - Etendue - Détermination.

Une cour d'appel retient, à bon droit, que la détermination, par la décision initiale en fixation des indemnités d'expropriation devenue irrévocable, de la qualification et de l'usage effectif des terrains litigieux à la date de référence ne peut être remise en cause dans l'instance en réévaluation de l'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article L. 13-9 du Code de l'expropriation.


Références :

Code de l'expropriation L13-9

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 26 février 2003


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 01 déc. 2004, pourvoi n°03-14033, Bull. civ. 2004 III N° 222 p. 199
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2004 III N° 222 p. 199

Composition du Tribunal
Président : M. Weber.
Avocat général : M. Cédras.
Rapporteur ?: Mme Boulanger.
Avocat(s) : la SCP Waquet, Farge et Hazan, la SCP Boré et Salve de Bruneton.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:03.14033
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