AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, confirmatif des chefs déférés, que la société Bureau de mobilisation de créances et d'investissement (la banque) a consenti deux prêts les 4 décembre 1989 et 20 mars 1990 à la société Trans'mode express (la société), pour l'aménagement d'un local donné à bail par la SCI Mach 1 (la SCI) ; que M. X..., gérant de la société, s'est porté caution du remboursement de ces prêts et a consenti un nantissement sur le fonds de commerce de la société ; que le 7 juin 1991, la banque a procédé à l'inscription de ce nantissement ; que par ordonnance du 2 juin 1992, le juge des référés a constaté la résiliation du bail et ordonné l'expulsion de la société ; que cette dernière a été mise en redressement judiciaire le 17 juin 1992 ; que le 3 juillet 1992, la SCI a fait procéder à l'expulsion de la société ; que M. X... a assigné la banque, d'une part, pour se voir décharger de ses engagements de caution sur le fondement de l'article 2037 du Code civil et la SCI, d'autre part, pour la voir condamner à lui payer des dommages-intérêts à raison de l'expulsion fautive de la société ; que la banque a sollicité reconventionnellement la condamnation de M. X... a exécuter ses engagements de caution ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article 2037 du Code civil ;
Attendu que pour rejeter la demande de M. X... tendant à être déchargé de ses engagements de caution sur le fondement de l'article 2037 du Code civil et le condamner à payer à la banque une certaine somme, en deniers ou quittances, en exécution de ceux-ci, l'arrêt retient que s'il est constant que la banque a tardé à inscrire le nantissement consenti en garantie du remboursement des prêts, cette situation ne lui est pas exclusivement imputable, que la caution a le devoir de coopérer avec le créancier pour que celui-ci puisse exercer éventuellement les sûretés dont il bénéficie et limiter ainsi la portée de ses propres engagements, qu'en l'espèce, M. X... ne justifie pas avoir attiré l'attention de la banque sur la nécessité pour elle d'inscrire en temps utile son nantissement sur le fonds de commerce exploité par la société débitrice principale, alors pourtant qu'il était à même de le faire puisqu'il était le gérant de cette société et qu'il connaissait ses difficultés financières, que la caution ne peut dès lors prétendre que la privation pour elle du bénéfice d'une subrogation dans les droits du créancier nanti découlerait du fait exclusif de ce dernier ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la caution n'avait pas l'obligation d'informer la banque sur les risques par elle encourus en cas d'inscription tardive de son nantissement, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Sur le second moyen, pris en sa première branche :
Vu les articles L. 621-29 et L. 145-41 du Code de commerce ;
Attendu que pour rejeter la demande en paiement de dommages-intérêts formée par M. X... contre la SCI, l'arrêt retient, par motifs propres, qu'à la suite de l'ordonnance de référé qu'elle avait fait rendre le 2 juin 1992 sans que M. X... en relève appel alors qu'il aurait pu le faire, la SCI était en droit de reprendre possession de ses locaux en juillet 1992 après les avoir libérés, et, par motifs adoptés du jugement, qu'il est acquis que l'ordonnance de référé n'était pas passée en force de chose jugée lors de l'ouverture de la procédure collective, qu'en effet, cette ordonnance a été prononcée le 2 juin 1992 et signifiée le 5 juin suivant à la société, laquelle disposait d'un délai de quinze jours pour en interjeter appel, que ce délai n'était donc pas expiré lorsque la société a été mise en redressement judiciaire, qu'une telle situation ne peut cependant aboutir à consacrer une faute de la SCI dès lors que la société, bien que régulièrement assignée, n'a pas comparu lors de l'instance en référé et n'a pas interjeté appel de l'ordonnance, qu'aucune contestation quant aux conditions dans lesquelles la SCI a récupéré son local commercial n'a été soulevée, qu'il ne peut, dès lors, lui être fait grief d'avoir poursuivi l'exécution d'une ordonnance qui n'a pas été querellée ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'à la date du jugement d'ouverture de la procédure collective, la décision constatant l'acquisition de la clause résolutoire n'était pas passée en force de chose jugée, de sorte que son exécution ne pouvait plus être poursuivie et que la société ne pouvait être expulsée, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
E t sur le second moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 1382 du Code civil ;
Attendu que pour rejeter la demande en paiement de dommages-intérêts formée par M. X... contre la SCI, l'arrêt retient, par motifs adoptés du jugement, que, surabondamment, la réalité du préjudice qu'il allègue n'est pas établie, que le liquidateur n'a pas été destinataire des deux offres de rachat mentionnées dans l'attestation d'un agent immobilier qui fait état d'un mandat de vente donné par M. X... alors que ce mandat est devenu caduc à la suite de la conversion de la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire ;
Attendu qu'en se déterminant par un tel motif impropre à caractériser l'absence de préjudice subi par M. X..., sans rechercher comme l'y invitaient les conclusions de celui-ci, si l'expulsion fautive de la société, en privant les créanciers de la valeur du fonds de commerce, avait aggravé sa dette de caution, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er avril 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;
Condamne la société BMCI et la SCI Mach aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille quatre.