AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix novembre deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller PELLETIER, les observations de la société civile professionnelle BARADUC et DUHAMEL, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRECHEDE ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Francis,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PAU, chambre correctionnelle, en date du 13 novembre 2003, qui, pour violences aggravées, l'a condamné à trois mois d'emprisonnement avec sursis et à un an d'interdiction des droits civiques, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article préliminaire et des articles 427, 591 et 593 du Code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a écarté des débats les deux pièces communiquées par Francis X... à la partie adverse quelques instants avant l'audience ;
"aux motifs que dans son article préliminaire, le Code de procédure pénale dispose que la procédure pénale doit être équitable et contradictoire et préserver l'équilibre des droits des parties ; qu'il est établi que la communication des pièces numérotées 9 à 23 produites par la partie civile ainsi que des attestations de MM. Y... et Z...
A... produites par le prévenu n'a pas été effectuée dans un temps permettant aux parties d'en prendre connaissance de façon à pouvoir les discuter contradictoirement lors de l'audience ; qu'elles seront en conséquence écartées des débats ;
"alors, d'une part, qu'aucune disposition légale n'exige que les pièces sur lesquelles l'une des parties fonde sa défense soient communiquées à la partie adverse dans un certain délai précédant l'audience pour que soit respecté le principe du contradictoire ; que le juge répressif n'est donc pas en droit d'écarter des débats une pièce produite par une des parties en début d'audience et susceptible, de ce fait, d'être contradictoirement discutée devant lui ; qu'ainsi, en écartant des débats deux pièces produites par le prévenu en début d'audience, du fait que le délai dans lequel elles avaient été communiquées à la partie adverse ne lui permettait prétendument pas de disposer du temps nécessaire pour prendre connaissance de ces pièces de façon à pouvoir ensuite les discuter contradictoirement, la cour d'appel, qui disposait par ailleurs du pouvoir de renvoyer l'affaire à une audience ultérieure, a violé l'article préliminaire et l'article 427 du Code de procédure pénale ;
"alors, d'autre part, qu'en écartant ces deux pièces des débats, ce dont la partie civile n'avait pas fait la demande, cependant qu'elles étaient de nature à disculper le prévenu des infractions reprochées dès lors qu'elles remettaient en cause le témoignage central de Juliette B... qui était la seule à prétendre avoir vu Francis X... frapper Gracieuse C..., la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Vu l'article 427 du Code de procédure pénale ;
Attendu que ce texte, qui impose au juge correctionnel de ne fonder sa décision que sur des preuves qui lui sont apportées au cours des débats et contradictoirement discutées devant lui, n'exige pas que les pièces soient communiquées à la partie adverse avant l'audience ;
Attendu que, pour écarter des débats des attestations produites par le prévenu, l'arrêt prononce par les motifs reproduits au moyen ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens proposés ;
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Pau, en date du 13 novembre 2003, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Bordeaux, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Pau, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Pelletier conseiller rapporteur, M. Le Gall conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;