AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses première, troisième et quatrième branches :
Vu les articles L. 122-32-5, L. 241-10-1, R. 241-51, R. 241-51-1 du Code du travail ;
Attendu que M. X..., engagé le 9 septembre 1996 en qualité de soudeur par la société CTSM, ayant la qualité de délégué du personnel, a été victime, le 21 septembre 2000, d'un accident du travail provoquant un arrêt de travail jusqu'au 18 février 2001 ; qu'après avoir été déclaré par le médecin du Travail, le 19 février 2001, "inapte à son poste de soudeur, apte à un poste ne comportant pas de port de charge ni de mouvement de flexion/rotation du rachis", il a été déclaré, le 5 mars suivant, inapte à tout poste de l'entreprise ; que l'inspecteur du Travail, saisi par l'employeur et le salarié, a annulé, le 12 avril 2001, les avis sur l'aptitude du salarié du fait de la méconnaissance de l'article R. 241-51-1 du Code du travail et a refusé de donner l'autorisation administrative de licenciement ; que cette décision a été confirmée le 15 juin 2001 par le ministère du Travail ; que l'employeur a repris le versement des salaires à compter du 5 avril 2001 jusqu'au 30 avril 2001 ; que par avis des 27 avril 2001 et 18 mai 2001, le médecin du Travail a conclu à l'aptitude du salarié sur son poste de soudeur " sous réserve de l'utilisation d'appareils de levage" ; que l'employeur a repris le paiement des salaires à compter du 21 mai 2001 ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement de salaires pour les périodes du 19 février au 5 avril 2001 et du 1er au 20 mai 2001 et en paiement de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral et financier ;
Attendu que pour faire droit à ces demandes, le conseil de prud'hommes a retenu que les deux avis contradictoires rendus par le médecin du Travail le 5 mars 2001 et le 18 mai 2001 prouvent que le reclassement du salarié était possible et que cette solution aurait pu être adoptée dès la première visite pour autant que l'employeur eût recherché de manière réelle et sérieuse à effectuer ce reclassement par une adaptation au poste de travail ;
Attendu, cependant, que lorsque l'inspecteur du Travail, saisi en application de l'article L. 241-10-1 du Code du travail, décide d'annuler les avis sur l'aptitude du salarié délivrés par le médecin du travail dans le cadre de la visite médicale de reprise du travail prévue à l'article R. 241-51 du Code du travail, le contrat de travail est de nouveau suspendu de sorte que le salarié ne peut prétendre au paiement des salaires ;
Qu'en statuant comme il l'a fait, alors qu'il avait constaté d'une part, que l'employeur avait repris le paiement des salaires, le 5 avril 2001, dès l'expiration du délai légal d'un mois à compter de la visite médicale de reprise, dans l'attente de la décision de l'inspecteur du Travail saisi par le salarié du recours administratif prévu à l'article L. 241-10-1 du Code du travail et par l'employeur pour obtenir l'autorisation administrative de licencier le salarié protégé, de sorte que les salaires n'étaient pas dus pour la période antérieure comprise entre le 19 février et le 5 avril 2001, et d'autre part, que le contrat de travail se trouvait suspendu du fait de l'annulation par l'inspecteur du Travail de la visite médicale de reprise, de sorte que l'employeur n'était pas tenu de reprendre le paiement de salaires tant qu'une nouvelle visite médicale de reprise n'avait pas eu lieu, le conseil de prud'hommes a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la deuxième branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 21 mai 2002, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Nevers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le conseil de prud'hommes de Bourges ;
Condamne M. X... et le CGEA région Sud-Est aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix novembre deux mille quatre.