AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Vu les articles 1382, 883 et 815-3 du Code civil :
Attendu que suivant acte sous seing privé, M. Jean X... a donné en location à la commune de Carcassonne divers terrains en indivision ; que M. Y..., notaire associé, avait préalablement indiqué à la commune que M. Jean X..., par procuration déposée au rang des minutes de l'office, avait reçu des quatre coïndivisaires "pouvoir pour gérer et administrer tous les biens dépendant de la succession de Marcel X..." et que la conclusion d'un bail constituait un acte d'administration ;
que reprochant au notaire de lui avoir certifié de manière inexacte que M. Jean X... disposait du mandat requis pour la conclusion d'un bail, la commune de Carcassonne a engagé une action en responsabilité contre la SCP Galinier-Jeansou-Caminade et Vialade Bluche (la SCP de notaires) ;
Attendu qu'il résulte de l'article 883 du Code civil que le bail consenti sur un bien indivis par un seul des indivisaires, en méconnaissance de l'article 815-3 du même Code qui exige le consentement de tous, s'il n'est pas nul, son efficacité étant subordonnée au résultat du partage, est, dès l'origine, inopposable aux autres indivisaires ; que pour débouter la commune de sa demande, après avoir estimé que le notaire avait commis une faute en certifiant des éléments sans vérification suffisante, l'arrêt retient, d'une part, que les parties au bail litigieux étaient dans l'immédiat demeurées valablement engagées, de sorte qu'il n'était justifié d'aucun dommage actuel au titre d'une privation de jouissance et, d'autre part, qu'il n'était pas démontré que la résiliation des autres baux contractés pour la réalisation de l'opération ait eu pour cause l'irrégularité entachant la location consentie par M. Jean X... ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher si la faute du notaire n'avait pas, d'ores et déjà, causé un dommage actuel à la commune, en raison de l'incidence de l'inopposabilité de l'acte litigieux aux coïndivisaires sur l'exercice, par le preneur, de son droit de jouissance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 mars 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne la SCP Galinier-Jeansou-Caminade-Vialade-Bluche aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille quatre.