AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Met hors de cause, sur leurs demandes, la BNP Paribas et la société United European Bank (UEB) ;
Attendu que, par contrats des 9 septembre 1979 et 23 octobre 1987, la commune de Saint-Cyprien, en sa qualité de concessionnaire du port, a donné en amodiation à la société civile immobilière Hôtel de Saint-Cyprien port, aux droit de laquelle vient la SCI Résidence du port (la SCI), une parcelle située dans la concession du port jusqu'au 23 octobre 2022 ; qu'en application des dispositions de ces contrats, la SCI a fait édifier des bâtiments à usage d'habitation sur cette parcelle qui ont fait l'objet d'une commercialisation ; que les lots de ces immeubles ont été cédés à divers acquéreurs par actes instrumentés par M. X..., notaire ; qu'il résultait des actes de vente que la venderesse, en vertu du contrat d'amodiation, n'avait pas la pleine propriété du terrain sur lequel les immeubles étaient construits et que la propriété du lot acquis ne s'étendait pas au terrain dépendant du domaine public et était nécessairement précaire puisque subordonnée au maintien du contrat d'amodiation ; que, par lettre du 13 juin 1995, le maire a notifié aux époux Y..., propriétaires d'un des lots vendus, la mise en demeure qu'il adressait au gérant de la SCI en vue de résilier le contrat d'amodiation ; que ceux-ci ont assigné la SCI, M. X... et la Banque nationale de Paris en nullité de la vente de leur appartement, en restitution du prix et en condamnation du notaire in solidum avec le vendeur ; que six autres acquéreurs ont délivré les mêmes assignations ;
que, par un premier arrêt (Montpellier, 26 juin 2001), la cour d'appel a déclaré nuls les actes de vente et les actes de prêt, ordonné la restitution des immeubles, condamné in solidum la SCI et le notaire à payer aux acquéreurs le prix de vente et les taxes foncières et condamné les banques à rembourser aux acquéreurs le montant des frais et intérêts des prêts ; qu'ayant rouvert les débats, la cour d'appel a, par l'arrêt attaqué (Montpellier, 22 janvier 2002), statué sur les demandes en garanties ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article 1382 du Code civil ;
Attendu que pour rejeter la demande de M. X... tendant à obtenir la condamnation des acquéreurs à rembourser les loyers perçus et à prononcer la compensation entre ces sommes et les indemnités dues consécutivement à l'annulation des contrats de vente, l'arrêt retient que, simples possesseurs de leurs immeubles ensuite de ladite annulation, les acquéreurs ont fait leurs les loyers perçus en vertu d'actes de propriété dont ils ignoraient les vices, que leur mauvaise foi n'était ni présumée ni démontrée compte tenu des conditions dans lesquelles furent conclues les ventes annulées pour erreur et qu'en conséquence il y avait lieu de rejeter la demande du notaire en application des articles 549 et 550 du Code civil ;
Attendu cependant que la réparation d'un dommage, qui doit être intégrale, ne peut excéder le montant du préjudice ; que la conservation des fruits et revenus, en dépit de l'effet rétroactif de l'annulation de la vente, constitue un avantage au profit des possesseurs de bonne foi ; qu'en évaluant le préjudice sans prendre en compte cet avantage, la cour d'appel a, dès lors, violé le texte susvisé ;
Et sur le second moyen :
Vu l'article 1382 du Code civil, ensemble l'article 1153 du même Code ;
Attendu que pour condamner le notaire à garantir la SCI de la condamnation à payer les intérêts légaux sur le prix de vente à compter de l'assignation, l'arrêt retient que le préjudice subi par la SCI ne porte pas sur la condamnation au remboursement du prix de vente, puisque ce remboursement a pour contrepartie la restitution à la SCI des immeubles vendus, mais uniquement sur les frais, intérêts légaux à compter de l'assignation du 31 octobre 1996 jusqu'au parfait remboursement, frais non répétibles et dépens ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que seul le débiteur de la restitution du prix est tenu au paiement des intérêts de retard, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 janvier 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties concernées dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne les acquéreurs et la société civile immobilière (SCI) Les Résidences du port aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille quatre.