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03/11/2004 | FRANCE | N°03-84859

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 03 novembre 2004, 03-84859


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trois novembre deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire AGOSTINI, les observations de la société civile professionnelle CELICE, BLANCPAIN et SOLTNER, de la société civile professionnelle RICHARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHEMITHE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- LE CONSEIL NATIONAL DE L'ORDRE DES PHARMACIENS, partie civile,
>contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 20ème chambre, en date du 3 juillet 2003, q...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trois novembre deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire AGOSTINI, les observations de la société civile professionnelle CELICE, BLANCPAIN et SOLTNER, de la société civile professionnelle RICHARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHEMITHE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- LE CONSEIL NATIONAL DE L'ORDRE DES PHARMACIENS, partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 20ème chambre, en date du 3 juillet 2003, qui l'a débouté de ses demandes après relaxe de Christian X... du chef d'exercice illégal de la pharmacie ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 4211-18, L. 5124-1, L. 5221-3 et L. 4223-1 du Code de la santé publique, 121-6 et 121-7 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et défaut de réponse à conclusions ;

"en ce que l'arrêt attaqué a réformé le jugement portant condamnation de Christian X... et a, en conséquence, débouté le CNOP, partie civile, de toutes ses demandes ;

"aux motifs que les prévenus sont poursuivis pour avoir "fabriqué, mis sur le marché et vendu en gros depuis temps non prescrit sur le territoire national, un test de grossesse, de marque Mercurochrome dont la vente a été établie notamment les 14 novembre 1997 et 2 février 1999 au centre Leclerc de Sedan (09) le 26 juin 1997 à l'hyper rond-point COOP de Colmar et le 19 mars 1998 au Centre Leclerc du Mans" ;

"et que l'ordonnance n° 2001-198 du 1er mars 2001 a modifié l'article L. 512 du Code de la santé publique dont la nouvelle codification est L. 4211-1 ; désormais les produits et réactifs destinés au diagnostic médical ne sont plus visés au 2 mais en revanche a été créé un 8 qui réserve aux pharmaciens "la vente au détail et toute dispensation de dispositifs médicaux in vitro destinés à être utilisés par le public" ; que ne sont plus soumis au monopole des pharmaciens la préparation, ni la vente en gros des tests de grossesse ; que ces dispositions nouvelles moins sévères s'appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et non définitivement jugées ; considérant, s'il est peu discutable que le tribunal de Paris ait été compétent territorialement pour statuer sur les poursuites à l'encontre de Christian X... aux termes des dispositions des articles 383 et 384 du Code de procédure pénale, ayant eu à apprécier la validité de la délégation de pouvoirs de M. Le Y... et que son argumentation sur la prescription apparaît fondée dans un processus de commercialisation sous le régime des anciens textes, qu'actuellement l'article L. 4211-1 du Code de la santé publique implique la survenance d'une vente à des consommateurs alors que la SED n'a effectué aucun acte de vente au public ne se livrant qu'à des actes de vente en gros sans assurer aucune diffusion directe des produits en litige auprès de ceux-ci ;

qu'à défaut de preuve d'une vente directe au public par la SED ou ses dirigeants, il apparaît que les opérations commerciales incriminées ne constituent pas une violation des textes invoqués sauf à vider de sa substance l'ordonnance du 1er mars 2001 de ses modifications apportées à l'article L. 512 du Code de la santé publique ; que, dès lors, Christian X... tant en son nom personnel qu'en sa qualité de directeur général de la SED, et cette dernière ne sauraient être considérés comme responsables de la survenance d'une vente au public des produits en litige dans des conditions non conformes aux exigences de la réglementation applicable en tant qu'auteurs ou complices, le monopole conféré aux pharmaciens devant être interprété strictement compte tenu du principe de la liberté du commerce et de l'industrie ; que le jugement sera réformé en ce sens et la partie civile déboutée de ses demandes" ;

"alors, d'une part, que l'article L. 4211-1-8 du Code de la santé publique, en visant non seulement la vente au détail, mais également "toute dispensation de dispositifs médicaux de diagnostic in vitro destinés à être utilisés par le public"', englobe nécessairement dans le monopole pharmaceutique l'ensemble des stades de la diffusion et de la commercialisation de ces dispositifs médicaux, de sorte qu'en décidant qu'à défaut d'une vente directe au public les opérations commerciales incriminées ne méconnaîtraient pas le texte susvisé, la cour d'appel l'a violé par fausse interprétation ;

"alors, de deuxième part, que l'article L. 5124-1 du Code de la santé publique dispose que "la fabrication, l'importation, l'exportation et la distribution en gros des médicaments, produits et objets mentionnés à l'article L. 4211-1 ... ne peuvent être effectuées que dans des établissements pharmaceutiques" et que le demandeur soutenait dans ses conclusions d'appel, sans être contredit sur ce point par les prévenus, que la SED n'était pas un établissement pharmaceutique, de sorte que la vente en gros des réactifs litigieux constituait, également pour cette raison, le délit d'exercice illégal de la pharmacie ; d'où il suit qu'en refusant d'examiner les actes reprochés à Christian X... au regard du texte susvisé, la cour d'appel a entaché sa décision de défaut de motifs ;

"alors, de troisième part, que l'article L. 5221-3 du Code de la santé publique impose à "toute personne qui se livre à la fabrication, la mise sur le marché, la distribution, l'importation ou l'exportation, même à titre accessoire, de dispositifs médicaux de diagnostic in vitro, de procéder à une déclaration préalable auprès de l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, afin de permettre un contrôle sur les dispositifs concernés, et que le demandeur soutenait dans ses conclusions d'appel que la Cour devait examiner les faits également au regard de cette obligation pénalement sanctionnée ; d'où il suit qu'en s'abstenant de répondre à ce chef péremptoire des conclusions, la Cour a entaché sa décision de défaut de motifs ;

"alors, de quatrième part, que la complicité peut résulter de la fourniture de moyens ; que la Cour, qui constate que les tests de grossesse litigieux fabriqués par la SED ont été vendus entre 1997 et 1999 au centre Leclerc de Sedan, à l'hyper rond-point COOP de Colmar et au centre Leclerc du Mans et se borne à considérer que du seul fait que la SED n'a pas elle-même directement vendu ces tests au détail, la complicité du délit d'exercice illégal de la pharmacie ne serait pas caractérisée, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi les articles 121-6 et 121-7 du Code pénal et L. 4223-1 du Code de la santé publique" ;

Sur le moyen pris en ses trois premières branches :

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'ayant constaté à quatre reprises, entre 1997 et 1999, que des tests de grossesse étaient proposés à la vente dans des magasins à grande surface, le conseil national de l'ordre des pharmaciens a fait citer Christian X..., dirigeant de la Société européenne de diffusion, devenue Laboratoire Juva Santé, pour avoir fabriqué, mis sur le marché et vendu en gros ces produits, en méconnaissance des dispositions des articles L. 512, 2 et 4 , et L. 517 du Code de la santé publique alors applicables ;

Attendu qu'ayant relevé que l'article L. 4211-1, 8 , du Code de la santé publique, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 1er mars 2001, relative à la transposition de la directive 98/79/ CE du Parlement européen et du conseil du 27 octobre 1998, ne réserve plus aux pharmaciens que la vente au détail et toute dispensation de dispositifs médicaux de diagnostic in vitro destinés à être utilisés par le public, l'arrêt énonce que la préparation et la vente en gros des tests de grossesse ne sont plus soumises au monopole pharmaceutique ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que la partie civile ne peut utilement reprocher au prévenu, désormais soumis aux dispositions des articles L. 5221-1 et suivants du code précité relatives au régime juridique des dispositifs médicaux de diagnostic in vitro, la méconnaissance de l'article L. 5124-1 concernant la fabrication et la distribution en gros des médicaments à usage humain, l'arrêt n'encourt pas les griefs allégués aux deux premières branches du moyen, la troisième, qui se réfère à une obligation créée postérieurement aux faits poursuivis, étant inopérante ;

Mais sur le moyen pris en sa dernière branche ;

Vu l'article 593 du Code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que, pour renvoyer le prévenu des fins de la poursuite et débouter la partie civile de ses demandes, l'arrêt attaqué se borne à relever qu'aucun acte de vente directe au public n'est établi à l'encontre du prévenu qui ne peut être tenu responsable, comme auteur ou comme complice, des ventes au détail effectuées en méconnaissance du monopole ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans mieux répondre aux conclusions de la partie civile faisant valoir que le prévenu s'était rendu complice, par aide et assistance, du délit d'exercice illégal de la pharmacie résultant des ventes au détail effectuées par les magasins à grande surface, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE, en ses seules dispositions civiles, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 3 juillet 2003, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, Mme Agostini conseiller rapporteur, MM. Farge, Blondet, Le Corroller, Castagnède, Mme Guirimand conseillers de la chambre, Mmes Gailly, Guihal, M. Chaumont, Mme Degorce conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Chemithe ;

Greffier de chambre : Mme Lambert ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 03-84859
Date de la décision : 03/11/2004
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

PROFESSIONS MEDICALES ET PARAMEDICALES - Pharmacien - Exercice illégal de la profession - Préparation et vente en gros de tests de grossesse - Monopole des pharmaciens (non).

COMMUNAUTE EUROPEENNE - Libre circulation des marchandises - Restrictions quantitatives au commerce entre les Etats membres - Mesure d'effet équivalent - Exception - Vente au détail et dispensation de dispositifs médicaux de diagnostic in vitro destinés à être utilisés par le public - Monopole des pharmaciens - Etendue - Limites

L'article L. 4211-1, 8°, du Code de la santé publique, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 1er mars 2001 relative à la transposition de la directive 98/79/CE du Parlement et du Conseil du 27 octobre 1998, ne réserve plus aux pharmaciens que la vente au détail et toute dispensation de dispositifs médicaux de diagnostic in vitro destinés à être utilisés par le public. En conséquence, justifie sa décision la cour d'appel qui énonce que la préparation et la vente en gros des tests de grossesses ne sont plus soumises au monopole pharmaceutique.


Références :

Code de la santé punlique L4211-1 8°, L5221-1, L5124-1, anciens L512, 2° et 4°, L517
Directive 98/79/CE du 27 octobre 1998
Code de procédure pénale 593
Ordonnance 2001-198 du 01 mars 2001

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 03 juillet 2003


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 03 nov. 2004, pourvoi n°03-84859, Bull. crim. criminel 2004 N° 265 p. 994
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2004 N° 265 p. 994

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Chemithe.
Rapporteur ?: Mme Agostini.
Avocat(s) : la SCP Célice, Blancpain et Soltner, la SCP Richard.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:03.84859
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