AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu qu'en avril 1985, la Banque Inchauspe et compagnie a consenti à la société Editions X... un prêt et une ouverture de crédit en compte courant ; que M. Y... s'est porté caution solidaire, pour garantir, à hauteur d'un montant de 120 000 francs le remboursement de toutes sommes que la société pourrait devoir à la banque ; que par acte sous seing privé du 30 avril 1985, M. X... et Mme veuve X... se sont engagés solidairement à affecter hypothécairement plusieurs immeubles, à la garantie de tous les engagements souscrits auprès de la banque par la société ou pour son compte, et ce, sur simple demande de la banque ; qu'à la suite du dépassement du découvert autorisé, la banque a mis en demeure, d'une part, la société de lui payer les sommes dues au titre du prêt et du solde débiteur de son compte et, d'autre part, les consorts X... d'exécuter leur promesse d'affectation hypothécaire ; que ces mises en demeure n'ayant pas été suivies d'effet, la banque, après avoir obtenu en référé l'autorisation de prendre une inscription d'hypothèque judiciaire provisoire sur les biens immobiliers des consorts X..., a assigné ces derniers en paiement de dommages-intérêts et en validation de l'hypothèque judiciaire provisoire ; qu'elle a, en outre, assigné M. Y..., pris en sa qualité de caution, en exécution de son engagement et formé une demande en paiement contre la société, intervenue en la cause ; qu'un arrêt du 8 février 1990 a condamné in solidum la société et M. Y..., ce dernier dans la limite de 120 000 francs, à payer diverses sommes à la banque et a sursis à statuer sur la demande formée contre les consorts X..., jusqu'au résultat de l'exécution des condamnations prononcées contre la société et M. Y... ; qu'en 1993, la banque, faisant valoir qu'elle n'avait pu obtenir paiement de l'intégralité de sa créance en raison de l'ouverture, le 23 septembre 1992, du redressement judiciaire de la société Editions X..., a repris l'instance contre les consorts X... ;
Attendu que Mme veuve X... fait grief à l'arrêt attaqué (Bordeaux, 3 juillet 2001), statuant sur renvoi après cassation (Civ. 1re, 17 février 1998, pourvoi n° H 95-17.337), de l'avoir condamnée à payer à la banque la somme de 110 188,64 francs, alors, selon le moyen :
1 ) que le préjudice dont se prévaut la banque est l'impossibilité de recouvrer la totalité de sa créance en raison de la clôture pour insuffisance d'actif de la procédure collective du débiteur principal qui avait été ouverte le 23 septembre 1992 ; que ce préjudice ne peut pas être dû à la non exécution de la promesse d'hypothèque en date du 30 avril 1995, dès lors que, dès le 29 octobre 1986, la banque bénéficiait d'une hypothèque judiciaire, de sorte que la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé le lien de causalité, a violé l'article 1151 du Code civil ;
2 ) que la cour d'appel, qui s'est bornée à énoncer que si la garantie hypothécaire avait été exécutée, la banque aurait été intégralement payée avant le jugement d'ouverture de la procédure collective du débiteur principal, a statué par un motif purement affirmatif en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir justement énoncé, par motifs propres et adoptés, que Mme veuve X... n'était débitrice que d'une obligation de faire dont l'inexécution se résout en dommages-intérêts, et que l'inscription d'hypothèque judiciaire avait pour seul objet de garantir le paiement de cette créance indemnitaire, la cour d'appel a relevé que la garantie hypothécaire promise portait sur la pleine propriété d'un bien immobilier constitué de plusieurs parcelles de terre et estimé souverainement que cette sûreté, si elle avait été consentie, aurait permis à la banque Inchauspe et compagnie d'obtenir le paiement intégral de sa créance à l'encontre de la société Editions X... ; qu'ayant ainsi, par une décision motivée, caractérisé le lien de causalité entre la faute commise par Mme veuve X... et le préjudice subi par la banque, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de Mme Z... et la condamne à payer à la Banque Inchauspe et Compagnie la somme de 1 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois novembre deux mille quatre.