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19/10/2004 | FRANCE | N°04-82218

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 19 octobre 2004, 04-82218


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-neuf octobre deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire AGOSTINI, les observations de Me BLONDEL, avocat en la Cour et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE RENNES,

contre l'arrêt de ladite cour d'appel, 3ème chambre, en date du 18 mars 2004, qui a relaxé René X..., Gilber

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AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-neuf octobre deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire AGOSTINI, les observations de Me BLONDEL, avocat en la Cour et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE RENNES,

contre l'arrêt de ladite cour d'appel, 3ème chambre, en date du 18 mars 2004, qui a relaxé René X..., Gilbert Y... et Francis LE Z... des chefs de tromperies et publicité de nature à induire en erreur ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 512, 516, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

Vu les articles L. 213-1, L. 212-1 du Code de la consommation, ensemble l'article 593 du Code de procédure pénale ;

Attendu que les éléments matériel et moral du délit de tromperie peuvent résulter de la méconnaissance des mesures d'exécution prises en application de l'article L. 214-1 du Code de la consommation et de l'absence de vérification de la conformité du produit ;

Attendu que les éléments matériel et moral du délit de publicité de nature à induire en erreur procèdent du seul caractère trompeur, qui peut résulter d'une faute de négligence ou d' imprudence, de l'un ou l'autre des éléments d'information, quel qu'en soit le support, donnée au client potentiel pour lui permettre de se faire une opinion sur les caractéristiques des biens ou services qui lui sont proposés ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'entre novembre 1993 et mars 1994, puis entre décembre 1994 et avril 1995, la société "Les Fermiers d'Argoat" a acheté en Belgique des palettes d'oeufs qu'elle a conditionnés pour les revendre sur les marchés allemand et français ;

que les oeufs destinés à l'Allemagne étaient conditionnés dans des emballages illustrés par des images en couleur représentant des poules picorant en plein champ et mentionnant que les pondeuses étaient des poules de "libre parcours"; que ceux destinés à la vente en France, mélangés avec des oeufs produits localement, étaient emballés avec les mentions "Fermiers d'Argoat" et "oeufs de poules élevées en plein air" ;

Que René X..., président de la société X... Expansion Investissement (BEI) et de sa filiale "Les Fermiers d'Argoat", Gilbert Y..., directeur général adjoint de la société BEI à partir de février 1994 et Francis Le Z..., directeur commercial de la société "Les Fermiers d'Argoat", ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel, du chef de tromperie pour avoir vendu "des oeufs sous le label "oeufs de poules élevées en plein air" et comme étant de production fermière, alors que ces oeufs étaient de production industrielle et étrangère", ainsi que du chef de publicité de nature à induire en erreur pour avoir fait passer "des oeufs de production industrielle et étrangère pour des oeufs "plein air" et de production "Fermiers d'Argoat" ;

Attendu que, pour renvoyer les prévenus des fins de la poursuite, l'arrêt retient que le fait que la société "Les Fermiers d'Argoat" n'ait pas procédé à la vérification de l'origine des oeufs, ce que semblait lui imposer les dispositions des règlements communautaires en vigueur concernant les normes de commercialisation applicables, et se soit contentée des mentions portées sur les documents commerciaux fournis par l'intermédiaire chargé de ses achats ne suffit pas à caractériser l'élément intentionnel du délit de tromperie ; que les juges ajoutent que la matérialité de la fraude n'était pas vérifiable après la livraison des oeufs qui étaient achetés au prix d'oeufs fermiers ;

Que, s'agissant du délit de publicité de nature à induire en erreur, l'arrêt énonce que la commercialisation d'oeufs d'origine étrangère sous la marque régulièrement déposée "Les Fermiers d'Argoat" ne peut constituer l'élément matériel de cette infraction et que les prévenus ont été induits en erreur sur l'origine industrielle des oeufs ;

Mais attendu qu'en se déterminant de la sorte, alors qu'il résultait de ses propres constatations, d'une part, que les dispositions alors applicables des règlements n° 1907/90/CEE du Conseil du 26 juin 1990 et n° 1274/91/CEE de la Commission du 15 mai 1991 concernant notamment l'emploi de mentions relatives au mode d'élevage et à l'origine des oeufs avaient été méconnues, d'autre part, que la conformité des oeufs n'avait pas été vérifiée, et qu'enfin la marque et dénomination sociale, "Les Fermiers d'Argoat", était utilisée pour la commercialisation d'oeufs d'origine étrangère, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de RENNES, en date du 18 mars 2004, en ses seules dispositions ayant relaxé René X..., Gilbert Y... et Francis Le Z... des chefs de tromperies et publicité de nature à induire en erreur concernant les faits objet de la procédure n° 95008432, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Angers, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Rennes et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Agostini conseiller rapporteur, M. Farge conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 04-82218
Date de la décision : 19/10/2004
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

FRAUDES ET FALSIFICATIONS - Tromperies - Tromperie sur la nature, l'origine, les qualités substantielles ou la composition - Eléments constitutifs - Elément moral - Défaut de vérification de la conformité du produit.

PUBLICITE - Publicité de nature à induire en erreur - Eléments constitutifs - Elément moral - Imprudence ou négligence - Constatations suffisantes

Les éléments matériel et moral du délit de tromperie peuvent résulter de la méconnaissance des mesures d'exécution prises en application de l'article L. 214-1 du Code de la consommation et de l'absence de vérification de la conformité du produit. Les éléments matériel et moral du délit de publicité de nature à induire en erreur procèdent du seul caractère trompeur, qui peut résulter d'une faute de négligence ou d'imprudence, de l'un ou l'autre des éléments d'information, quel qu'en soit le support, donnée au client potentiel pour lui permettre de se faire une opinion sur les caractéristiques des biens ou services qui lui sont proposés. En conséquence, encourt la censure l'arrêt qui, pour entrer en voie de relaxe des chefs de tromperie et de publicité de nature à induire en erreur relève notamment que la conformité des oeufs aux dispositions des règlements communautaires concernant les normes de commercialisation applicables n'a pas été vérifiée et que l'utilisation d'une marque déposée ne peut constituer l'élément matériel du délit de publicité de nature à induire en erreur.


Références :

Code de la consommation L213-1, L212-1, L214-1
Code de procédure pénale 593
Règlement CEE 1274-91 du 15 mai 1991
Règlement CEE 1907-90 du 26 juin 1990

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 18 mars 2004


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 19 oct. 2004, pourvoi n°04-82218, Bull. crim. criminel 2004 N° 245 p. 908
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2004 N° 245 p. 908

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Davenas.
Rapporteur ?: Mme Agostini.
Avocat(s) : Me Blondel.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:04.82218
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