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05/10/2004 | FRANCE | N°04-81024

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 05 octobre 2004, 04-81024


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le cinq octobre deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire GAILLY, les observations de Me HEMERY, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Christophe ,

- Y... Frédéric,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7 ème chambre, en date du 12 janvier 2004, qui, pour homicide et bl

essures involontaires, a condamné le premier à 8 mois d'emprisonnement avec sursis, le second ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le cinq octobre deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire GAILLY, les observations de Me HEMERY, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Christophe ,

- Y... Frédéric,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7 ème chambre, en date du 12 janvier 2004, qui, pour homicide et blessures involontaires, a condamné le premier à 8 mois d'emprisonnement avec sursis, le second à 1 an d'emprisonnement avec sursis et à 4500 euros d'amende, a ordonné l'affichage et la publication de la décision, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

1 - Sur le pourvoi formé par Christophe X... ;

Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;

2 - Sur le pourvoi formé par Frédéric Y... ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3 du Code pénal et 591 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Frédéric Y... coupable d'homicide et blessures involontaires et a prononcé sur les intérêts civils ;

"aux motifs qu'il résulte de la procédure et notamment des rapports d'expertise que Christophe X..., aux commandes du navire rattrapant, et qui à ce titre se devait de s'écarter suffisamment pour éviter tout risque d'abordage, a entrepris le dépassement de Marc Z... à une vitesse excessive et sans s'écarter suffisamment, en infraction aux règles du règlement international de la navigation que de toute évidence il ignorait, n'étant pas titulaire du permis côtier requis ; les fautes d'imprudence, d'inattention et de manquement aux obligations de sécurité et de prudence imposées par la loi et le règlement, par lui commises, sont en relation de causalité directe avec l'accident dont elles sont à l'origine ( ... ) il est constant qu'il n'existe aucune obligation légale ou réglementaire imposant au loueur d'un véhicule nautique à moteur de s'assurer que le locataire est titulaire d'un titre de navigation ; que le prévenu est poursuivi pour avoir commis une faute caractérisée entrant dans les prévisions de l'article 121-3 du code pénal ; le contrat type de location signé par Christophe X... porte en haut de la page sous le titre écrit en gras et en majuscules : "déclaration préalable et contrat de location d'un véhicule à moteur", la mention imprimée suivante écrite en minuscules et en gras : "la conduite d'un véhicule nautique à moteur français est soumise à la possession d'un titre de conduire. Le locataire s'engage sur l'honneur par la présente à respecter cette réglementation" ; la signature de Christophe X..., apposée au bas du contrat est certes précédée de la mention "lu et approuvé" ;

mais Christophe X..., dès sa première audition, qui a dit ne pas avoir lu le contrat, ce qui est vraisemblable, a précisé qu'il avait informé Frédéric Y... qu'il n'avait pas de permis ; que Frédéric Y..., tout en consentant néanmoins à lui louer un véhicule, lui avait dit qu'il ne devait pas dépasser la limite de la Siesta, qu'il devait rester au-delà des 300 mètres et respecter la limitation de vitesse dans le chenal et qu'il ne devait pas aller à gauche en sortant du chenal pour éviter les contrôles des CRS ( ... ) que les vérifications faites à partir de procès-verbal établis au cours du mois de juillet 2000, soit peu de temps avant l'accident, à l'encontre d'autres locataires, ont permis d'identifier plusieurs contrevenants, lesquels sont venus corroborer les dires de Christophe X... ( ... ) ces investigations établissent que c'est manifestement en pleine connaissance de cause et conformément à une pratique habituelle que Frédéric Y... à loué le véhicule à Christophe X... sachant que ce dernier n'était pas titulaire du permis de navigation ;

en confiant sciemment un tel engin à Christophe X... dont plus que tout autre, en sa qualité de professionnel, il connaissait le caractère dangereux, alors que Christophe X... non seulement n'était pas titulaire du titre de navigation exigé, mais ignorait tout des règles de base de la navigation maritime, il a créé la situation qui a permis la réalisation du dommage, n'a pas pris les mesures permettant d'éviter le dommage et commis une faute caractérisée exposant autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer et a ainsi indirectement concouru à la réalisation du dommage ;

1 ) alors, d'une part, qu'il n'appartient pas à un particulier de faire respecter une règle de prudence que les pouvoirs publics ont omis volontairement d'édicter ; que la cour d'appel ne pouvait donc pas reprocher à Frédéric Y... d'avoir violé une telle obligation en ne vérifiant pas que Christophe X... était titulaire d'un permis pour piloter un scooter des mers, tout en constatant que, si le permis était obligatoire, la puissance publique n'avait fait peser sur le loueur aucune obligation de vérification ;

2 ) alors, d'autre part, que la cour d'appel a constaté que l'accident avait été causé par la fausse manoeuvre de Christophe X..., sans pour autant relever qu'elle était inévitable, compte tenu de son inexpérience ; que l'accident découle donc uniquement des erreurs de Christophe X..., et non de la location du scooter ; que la cour d'appel ne pouvait donc pas retenir Frédéric Y... dans les liens de la prévention" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Frédéric Y... a donné en location un scooter des mers à Christophe X..., qui n'était pas titulaire du permis de navigation exigé par la réglementation, ce dont il a informé le loueur tout en certifiant par écrit être en possession d'un tel titre ; que, naviguant à grande vitesse, Christophe X... est entré en collision avec un autre scooter qu'il avait entrepris de dépasser, sans observer les règles de prudence et de sécurité propres à la navigation ; que la passagère de cet engin, Muriel A..., a été tuée et que son conducteur a été blessé ; que Christophe X... et Frédéric Y... ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel des chefs d'homicide et blessures involontaires ;

Attendu que, pour déclarer Frédéric Y... coupable, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, qu'il a fourni, en tant que professionnel de la location, un engin potentiellement dangereux à un utilisateur qu'il savait dépourvu du permis nécessaire et totalement ignorant des règles de base de la navigation maritime ; que les juges en concluent que le prévenu a commis une faute caractérisée exposant autrui à un risque d'une particulière gravité, et qu'il a ainsi créé la situation ayant permis la réalisation du dommage ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, procédant de son appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause , la cour d'appel a justifié sa décision au regard des articles 121-3, alinéa 4 , 221-6 et R. 625-2 du Code pénal.

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 131-35 et 221-10 du Code Pénal et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Frédéric Y... à faire publier dans un journal et à afficher au siège de son entreprise un communiqué rappelant sa condamnation ;

"aux motifs qu'il y a lieu, en outre, par application de l'article 221-10 du Code pénal d'ordonner à la charge de Frédéric Y... les mesures de publication et d'affichage comme il sera précisé au dispositif ;

"alors que nul ne peut être puni d'une peine qui n'est pas prévue par la loi ; que la publication et l'affichage peuvent être décidés de façon alternative et non cumulative ; que la cour d'appel ne pouvait donc pas prononcer les deux en même temps" ;

Vu les articles 111-3 et 221-10 du Code pénal ;

Attendu qu'aux termes de l'alinéa 2 du premier de ces textes, nul ne peut être puni d'une peine qui n'est pas prévue par la loi ;

Attendu qu'après avoir déclaré Frédéric Y... coupable d'homicide et blessures involontaires, l'arrêt a ordonné l'affichage de la décision ainsi que sa publication par voie de presse en application de l'article 221-10 du Code pénal ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que ce texte prévoit l'affichage ou la diffusion de la décision , la cour d'appel a méconnu le texte susvisé ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs,

1- Sur le pourvoi formé par Christophe X... ;

Le REJETTE

2 - Sur le pourvoi formé par Frédéric Y... :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 12 janvier 2004, en ses seules dispositions concernant la peine complémentaire prononcée contre Frédéric Y..., toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit jugé à nouveau , conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, Mme Gailly conseiller rapporteur, MM. Farge, Blondet, Palisse, Le Corroller, Castagnède, Mme Guirimand conseillers de la chambre, Mmes Agostini, Guihal, M. Chaumont, Mme Degorce conseillers référendaires ;

Avocat général : Mme Commaret ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 04-81024
Date de la décision : 05/10/2004
Sens de l'arrêt : Rejet et cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° RESPONSABILITE PENALE - Homicide et blessures involontaires - Faute - Faute caractérisée - Applications diverses - Sports nautiques.

1° HOMICIDE ET BLESSURES INVOLONTAIRES - Faute - Faute caractérisée - Applications diverses - Sports nautiques.

1° Justifie sa décision au regard de l'article 121-3 du Code pénal, la cour d'appel qui, pour déclarer coupable d'homicide et blessures involontaires le loueur professionnel d'un scooter des mers dont l'utilisateur, effectuant une manoeuvre de dépassement sans respect des règles de prudence et de sécurité, est entré en collision avec un autre véhicule du même type, retient qu'en fournissant un engin potentiellement dangereux à un client qu'il savait dépourvu du permis imposé par la réglementation et totalement ignorant des règles de base de la navigation maritime, a commis une faute caractérisée exposant autrui à risque d'une particulière gravité et a ainsi créé la situation ayant permis la réalisation du dommage.

2° PEINES - Peines complémentaires - Affichage ou diffusion de la décision - Non-cumul des deux sanctions - Cas.

2° AFFICHAGE - Affichage ou diffusion de la décision - Peine complémentaire - Homicide et blessures involontaires - Non-cumul des sanctions.

2° La peine complémentaire prévue par l'article 221-10 du Code pénal est celle de l'affichage ou de la diffusion de la décision rendue ; encourt la cassation l'arrêt qui prononce, cumulativement, à l'égard du même condamné, ces deux sanctions.


Références :

1° :
2° :
Code pénal 111-3, 221-10, 131-35
Code pénal 121-3 al. 4, 221-6, R625-2

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 12 janvier 2004

Sur le n° 2 : Sur le principe du non-cumul des sanctions d'affichage ou diffusion de la décision : Dans le même sens que : Chambre criminelle, 1997-05-13, Bulletin criminel, n° 180, p. 593 (cassation partielle) ; Chambre criminelle, 2000-09-12, Bulletin criminel, n° 268, p. 791 (cassation partielle).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 05 oct. 2004, pourvoi n°04-81024, Bull. crim. criminel 2004 N° 236 p. 848
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2004 N° 236 p. 848

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : Mme Commaret.
Rapporteur ?: Mme Gailly.
Avocat(s) : Me Hemery.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:04.81024
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