AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 février 2003), que, dans la nuit du 5 au 6 mai 1999, un incendie a gravement endommagé les locaux donnés à bail à Mme X... dans lesquels celle-ci se maintenait dans l'attente de la fixation judiciaire de l'indemnité d'éviction qu'elle réclamait à son bailleur, la société civile immobilière La Grange (la SCI), qui lui avait refusé le renouvellement de son bail pour motif grave et légitime ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Mme du Y..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la SCI et de M. Daniel Z..., l'un des associés de celle-ci, fait grief à l'arrêt de déclarer injustifié le refus du renouvellement du bail dont Mme X... était titulaire, alors, selon le moyen :
1 / que les conditions d'application du statut, et notamment l'immatriculation au registre du commerce et des sociétés, doivent être remplies à la date de la délivrance du congé ou de la demande de renouvellement et pendant toute la procédure de renouvellement ou de fixation de l'indemnité d'éviction, sauf si, renonçant au droit au maintien dans les lieux prévu par l'article 20 du décret du 30 septembre 1953, le locataire décide de restituer les lieux dans des conditions qui l'affranchissent de toutes obligations contractuelles ou statutaires ; qu'en disant que Mme X... était fondée à obtenir l'indemnité d'éviction prévue par l'article 8 du décret du 30 septembre 1953 bien qu'elle ait constaté que Mme X... s'était fait radier du registre du commerce et des sociétés le 1er juillet 1999 pour cessation d'activité à compter du 6 mai 1999, soit pendant la procédure de fixation de l'indemnité d'éviction, sans constater que Mme X... avait renoncé au droit au maintien dans les lieux dans les conditions qui l'affranchissent de toutes obligations contractuelles et statutaires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 145-1, L. 145-14, L. 145-28, L. 145-29, L. 145-30 du Code de commerce ;
2 / que la renonciation à un droit ne peut résulter que d'actes manifestant sans équivoque l'intention de renoncer ; que le fait de s'être fait radier du registre du commerce et des sociétés après qu'un incendie avait détruit en grande partie les lieux loués ne saurait suffire à caractériser la renonciation au droit au maintien dans les lieux à défaut d'avoir constaté que le preneur avait restitué les locaux loués ; qu'en décidant que Mme X... avait droit à l'indemnité d'éviction prévue par l'article 8 du décret du 30 septembre 1953, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 145-1 et suivants du Code de commerce ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la radiation de Mme X... du registre du commerce et des sociétés était intervenue après la date d'expiration du bail, la cour d'appel a exactement déduit de ces seuls motifs que la SCI La Grange ne pouvait lui dénier le bénéfice du statut pour défaut d'immatriculation ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le deuxième moyen :
Vu l'article 1722 du Code civil, ensemble l'article L. 145-28 du Code de commerce ;
Attendu que si pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité ou en partie par cas fortuit, le bail peut être résilié sans qu'il y ait lieu à aucun dédommagement ;
Attendu que pour dire qu'une indemnité d'éviction est due à Mme X..., l'arrêt retient que le bail a pris fin le 1er janvier 1994, date à compter de laquelle la locataire demandait qu'il soit renouvelé, par suite du refus de renouvellement que lui avait notifié le bailleur, et que, dès lors, le moyen invoqué par celui-ci, selon lequel le bail a été résilié de plein droit par application de l'article 1722 du Code civil après l'incendie du 6 mai 1999, est inopérant ;
Qu'en statuant ainsi, alors que Mme X... était maintenue dans les lieux aux conditions et clauses du bail expiré, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le troisième moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que Mme X... est fondée à obtenir l'indemnité d'éviction prévue par l'article 8 du décret du 30 septembre 1953, l'arrêt rendu le 12 février 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf septembre deux mille quatre.